Le motif psychédélique : les temps modernes, d’Oasis à Tame Impala (4/4)

(Crédit Photo de couverture : Kevin Parker et Tame Impala au festival Primavera Sound, Portugal 2022 - IMAGO / Zuma Wire)

Pour redécouvrir les trois épisodes précédents :

Autant vous le dire de suite : le psychédélisme n'est pas mort. Il s'est même réinventé aux quatre coins du monde, en reprenant entre autres l'art du motif qui en faisait autrefois l'une des marques de fabrique. En Australie par exemple, un groupe comme King Gizzard & The Lizard Wizard a repris le flambeau du genre depuis 2011 :

De Nick Cave à Kylie Minogue, d'AC/DC aux Go-Betweens, on savait déjà que l'Australie était une terre musicalement très riche et éclectique. On sait en revanche un peu moins qu'elle abrite également de très belles marques de vêtements comme Caves Collect, P Johnson ou Informale. Est-ce parce que l'Australie a vu éclore ces dernières années quelques-uns des groupes à tendance psychédélique les plus passionnants qu'on s'est décidé à inclure du motif Paisley dans nos pantalons en collaboration avec Steve Calder ?

C'est une hypothèse intéressante. Mais le fait est que si le motif psychédélique se retrouve désormais chez des marques comme BonneGueule ou A Kind Of Guise, il n'a jamais vraiment disparu de la circulation.

De la même manière que le psychédélisme musical, il s'est simplement trouvé de nouvelles formes d'expression. Il n'est par exemple plus nécessaire de savoir manier la guitare et les pédales d'effets pour produire de la musique psychédélique. Dans la musique comme dans la mode, on peut légitimement parler de cycles. Si cette notion vous intrigue, on l'explique plus en détail ici :

« COLUMBIA » : LIAM GALLAGHER, OASIS ET L'INSPIRATION MOD

À toutes fins utiles : il n'est pas obligatoire d'être totalement excentrique pour être psychédélique. Parmi les plus fidèles serviteurs des traditions du rock anglais, on peut bien sûr évoquer le groupe Oasis. À l'instar de Michel Houellebecq, on imagine assez mal l'ancien chanteur d'Oasis sans sa fidèle parka. Mais la plus belle de toute, et la plus psychédélique aussi, est sans doute ce modèle Engerineed Garments floral :

Magnifique, non ? Féru de culture et de rock britanniques, Liam Gallagher perpétue donc la tradition depuis 1994. Côté musique, vous trouverez déjà quelques pointes de psychédélisme dès les premiers albums d'Oasis, sur des chansons comme « Columbia » ou « Champagne Supernova ». Si le style vestimentaire est alors peu poussé chez les membres du groupe, les choses vont évoluer par la suite.

Car côté style, peut-on sérieusement omettre de s'y intéresser quand on vénère à ce point les Beatles et Paul Weller ? Il faut croire que non, même si ça n'a pas toujours été très visible chez Liam Gallagher. À y regarder de plus près, ses choix vestimentaires font souvent écho à ses goûts musicaux.

Outre les parkas et les bobs empruntés aux grands frères Stone Roses, Liam Gallagher apprécie aussi les motifs floraux, le Paisley, et ce sous diverses formes - chemises, foulards, bobs, etc. L'attitude fait le reste.

En 2009, il lance sa propre marque de vêtements baptisée Pretty Green. Les produits sont fabriqués en Angleterre ou en Chine et les collections sont une sorte d'hommage au style d'un certain rock britannique, à commencer par celui des toujours influents Small Faces :

Menés par Steve Marriott et Ronnie Lane au milieu des années 60, les Small Faces sont emblématiques du mouvement Mod?Mod pour moderniste. Mouvement apparu à la fin des années 50 à travers une certaine jeunesse anglaise éprise de musique, de vêtements, de Vespa, etc. Le mouvement Mod connaît un regain d'intérêt à la fin des années 70 à travers des groupes comme The Jam. Pour aller plus loin : voir le film «Quadrophenia» de Franc Roddam en 1979.. De nombreux groupes anglais à venir s'inspireront de leur style vestimentaire. Pour la musique, essayez l'album « Ogdens' Nut Gone Flake ».

Pour une petite histoire du tailoring anglais :

« FEELS LIKE WE ONLY GO BACKWARDS » : TAME IMPALA, LA RELÈVE, LE MOINS DE MOTIFS ET LE PSYCHÉDÉLISME CONTEMPORAIN

On l'a souligné, le psychédélisme s'est infiltré partout. Dans le rock, dans la pop, dans les musiques plus expérimentales comme le krautrock, dans le funk voire dans le hip-hop et l'électronique. À la fin des années 80 se révèle un second Summer of Love. Il est une nouvelle fois question de psychédélisme. Et dans la mode ? On parlait d'un revival dans la presse pas plus tard qu'il y a deux ans...

C'est-à-dire que le psychédélisme n'a jamais vraiment disparu. Dans les années 80-90, il revient par exemple chez certains groupes à guitares comme Spacemen 3, Mercury Rev ou les Flaming Lips. Cela ne se traduit pas nécessairement par une approche vestimentaire psychédélique portée sur les motifs. Mais si le style s'est dilué au fil des années, l'esprit reste bien vivace, comme ici chez Wayne Coyne, le leader des Flaming Lips :

On trouve néanmoins trace de cet héritage vestimentaire sixties chez quelques-uns, comme par exemple le groupe rétrofuturiste anglais Broadcast. Sa chanteuse, la regrettée Trish Keenan, porte régulièrement des combinaisons et robes à motifs rétro et psyché, qui sont à la fois une marque de style mais aussi un prolongement logique de la musique qu'elle produit :

Parmi les groupes actuels qui puisent leur inspiration musicale et stylistique du psychédélisme, on peut évidemment citer les Australiens de Tame Impala. Leur leader Kevin Parker n'est d'ailleurs pas tout à fait insensible à la mode et aux vêtements. Regardez plutôt cette tenue résolument hallucinogène :

C'est issu d'un travail pour le magazine NR avec le styliste Nima Habibzadeh : c'est très coloré, pas forcément portable en dehors d'un studio photo mais c'est à la fois fun, créatif et probablement très confortable. Une réussite, qui vous donnera peut-être envie de vous essayer vous aussi aux vêtements et motifs à caractère psychédélique.