« Le Diable s'habille en Prada » : et si la mode, c'était mieux maintenant ? - Bobine

15 min
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« Le Diable s'habille en Prada » : et si la mode, c'était mieux maintenant ? - Bobine

15 min
Publié le : 25 septembre 2022Mis à jour le : 25 septembre 2022

Deux ans après la fin de l'influente série « Sex & the City », la costumière Patricia Field retrouve l’univers de la mode dans le film « Le Diable s'habille en Prada » : Meryl Streep, Anne Hathaway et Emily Blunt nous y racontent les coulisses d’une rédaction inspirée du Vogue américain. L'enfer de la mode, mythe ou réalité ? Décryptage en compagnie de trois journalistes de mode.

(Crédit photo de couverture : Meryl Streep dans « Le Diable s'habille en Prada » - photo IMAGO / Everett Collection)

Le pitch : Runway, cet univers impitoyable

L’action se déroule à New-York. La jeune Andrea « Andy » Sachs obtient à la surprise générale le poste d’assistante de la rédactrice en chef du puissant magazine de mode Runway. Andy est inexpérimentée, se rêve plus volontiers journaliste et ne s’intéresse qu’assez peu aux tendances de la mode. Elle partage son bureau avec Emily Charlton, une férue de mode qui se plie en quatre pour répondre aux exigences démesurées de leur patronne Miranda Priestly. C’est une femme d’influence, redoutable et redoutée. La mode n’a aucun secret pour elle et pour cause : c’est elle qui la fait. Le métier est dur, et si Andy est régulièrement moquée pour son style, elle va vite prendre le pli de ce nouveau monde où la mode et le vêtement sont rois...

« Le Diable s’habille en Prada » est un film de David Frankel sorti en 2006. Il est adapté du livre à succès du même nom, publié en 2003 par Lauren Weisberger. Au casting : Meryl Streep, Anne Hathaway, Emily Blunt, Stanley Tucci ou bien encore Simon Baker. Les costumes sont signés Patricia Field, déjà remarquée sur la série désormais culte « Sex and the City ».

Dans la série des films consacrés à l’univers de la mode, on peut certes préférer la patte cinématographique d’un Robert Altman – « Prêt à porter » en 1994. Mais dans le genre, « Le Diable s’habille en Prada » a ses arguments à lui, et l’art du costume au cinéma ici à l’œuvre n’y est certainement pas étranger.

Les costumes et le style Patricia Field

La costumière du « Diable s'habille en Prada » est entrée dans la légende à la fin des années 90 avec son travail sur la série « Sex and the City ». Comment évoquer le monde de la mode et de ses rédactions, sinon à travers les mots de celles et ceux qui le vivent de l'intérieur ?

Pour décrypter « Le Diable s'habille en Prada », je suis donc parti à la rencontre de rédacteurs et de rédactrices de mode : Clément Laré du magazine Stylist et Nina Boutléroff, journaliste free-lance habituée des colonnes du magazine Elle. Pour compléter l'équipe : ma collègue Nawal Bonnefoy, à l'origine de la plupart de nos contenus dédiés à la mode féminine (mais pas que). Ils vous racontent, chacun à leur manière, ce qui fait l'intérêt du « Diable s'habille en Prada ».

Clément Laré : « La styliste Patricia Field est une icône pour beaucoup de gens. Ce que je retiens de son travail, c’est que son influence va bien au-delà du cinéma. Elle est très très respectée dans le monde de la mode, beaucoup plus avec « Sex and the City » qu’avec « Le Diable s'habille en Prada ». Il faut dire qu'avec « Sex and the City », Patricia Field a vraiment créé et influé les tendances aux cotés de Sarah Jessica Parker. Chaque pièce vue sur les personnages était un hit, à tel point que les marques se battaient pour apparaître dans la série.

Pour autant, les costumes du « Diable s'habille en Prada » sont aussi iconiques. On l’a vu encore très récemment lorsque Anne Hathaway est arrivée au défilé Michael Kors à New York avec une frange et un look (veste et jupe en cuir, pull à col roulé) qui ressemblaient à ceux d'Andy Sachs. Le tout Internet s’est enflammé sur cette tenue parce qu’on avait soudain l’impression de revoir le personnage du « Diable s'habille en Prada ». C'est une preuve parmi d'autres que les looks que Patricia Field a créés pour le personnage et pour le film en général sont ancrés dans l’imaginaire des gens. Ils ont marqué tous ceux qui ont vu et aimé le film.  »

Nina Boutléroff : « J’aime beaucoup le travail de Patricia Field, notamment ce qu’elle a fait sur la série “Sex and the City”. C’est complètement précurseur. C’est aussi un travail qui s’installe dans le temps. On en retient à la fois des tenues et des personnages ultra modernes. Cela vaut également pour les personnages du film « Le Diable s'habille en Prada ».

Ce qui est par exemple intéressant à voir, c'est que les tenues de l'héroïne incarnée par Anne Hathaway au début du film sont beaucoup moins fortes que celles de sa collègue Emily. C’est normal dans le sens où cela va avec le personnage d’Anne Hathaway : il est censé être intello, timide, introverti. Il y a d'ailleurs quelque chose d'un peu cliché là-dedans parce qu’elle porte dans un premier temps des tenues un peu beiges, lambda, sans personnalité. Son style deviendra par la suite plus en vogue, plus pointu. »

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©IMAGO / Everett Collection

AVANT : les débuts d'Anne Hathaway dans « Le Diable s'habille en Prada », 2006. (IMAGO / Everett Collection)

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©IMAGO / Everett Collection

APRES : le nouveau look d'Anne Hathaway dans « Le Diable s'habille en Prada », 2006. (IMAGO / Everett Collection)

Nawal Bonnefoy : « Les tenues du « Diable s'habille en Prada » pourraient être, 17 ans plus tard, tout à fait portées aujourd’hui. Pas tant parce que la mode des années 2000 fait son grand retour mais plutôt parce qu’il y a dans les costumes du film une recherche de style à la fois pointue et intemporelle.

Je pense par exemple au personnage de Meryl Streep, qui porte des sacs et des manteaux qui collaient très exactement à l'époque où le film est sorti mais qui ont dans le même temps des coupes impeccables qui sont, encore aujourd'hui, très élégantes. Le personnage d’Emily, qui est l’assistante numéro 1 de Miranda Priestly dans le film a un style un peu plus gothique / rock tout en étant encore une fois très pointu : des mini-robes, du cuir, un total look noir. Tout cela va très bien avec son personnage. Mais le plus important, c’est bien sûr le personnage d’Anne Hathaway, et notamment sa phase de relooking où elle se retrouve à porter du Chanel et autres marques de luxe.

Je repense à cette scène fabuleuse, lorsqu'elle marche dans les rues de New-York : elle a une tenue à chaque nouveau plan et ce sont des looks vraiment fantastiques. Il y a là l'équilibre parfait entre les tendances de la mode et une vraie intemporalité. Ce sont des looks qui n’ont pas pris une ride. C'est d'autant plus remarquable qu'au revisionnage, de nombreux films des années 2000 n’apportent pas grand chose d’un point de vue stylistique : ce sont des sortes de capsules temporelles marquées par la mode des années 2000, mais qui ne permettent pas de se projeter dans la mode d’aujourdhui. »

Les marques de luxe, l'image et l'inclusivité

L'univers de marques du « Diable s'habille en Prada » est fortement ancré du côté du luxe et des grands couturiers. Si le film n'est pas exempt de quelques clichés tenaces sur le sujet, que penser de l'image de la femme véhiculée par ces marques ? L'évolution de la société, sur l’inclusivité notamment, tendrait-elle à changer la donne ?

Clément Laré : « Les marques qui sont citées dans le film comme Prada, Chanel ou Dolce & Gabbana aussi, avec la fameuse scène « Could you please spell Gabbana ? », sont des marques connues du grand public. Il y a là une volonté que le film soit appréciable et apprécié de tous. On parle tout de même là d’un blockbuster à l’américaine, avec Meryl Streep. Il ne faut donc pas que le film reste trop confiné à l’univers de la mode. Tous les noms qui sont évoqués doivent pouvoir parler à tous. Même lorsque le film cite des photographes, il cite Patrick Demarchelier, qui est connu bien au-delà des cercles de la mode.

En revanche, je ne pense pas qu’il y ait un physique ou une personnalité typique à ces marques. Il y a des marques pour qui c’est le cas. Je pense par exemple à Saint Laurent ou à Celine par Hedi Slimane, où les femmes restent très (trop) maigres. Le style de ces marques veut que les mannequins soient toujours longilignes. Ce sont des marques qui sont encore très réfractaires à plus d’inclusivité sur les podiums.

Les marques que l’on retrouve dans « Le Diable s'habille en Prada » suivent davantage l’air du temps. Elles ont certes fait défiler des mannequins filiformes dans les années 2000, comme tout le monde. Mais les choses changent enfin, même si encore trop doucement chez les marques européennes. À l’inverse, les castings à New-York sont très inclusifs. En Europe, principalement à Milan et surtout à Paris, c’est long, ça prend du temps mais les choses commencent enfin à changer et des marques comme Chanel, Prada ou Dolce & Gabbana prennent le pas.

Par contre, il est vrai que ce sont des marques au style et à la silhouette reconnaissables. La silhouette Chanel, on la connaît : c’est le tailleur en tweed. Idem pour les autres : minimalisme très cérébral chez Prada ou bien encore italienne très sexy chez Dolce & Gabbana. »

Nina Boutléroff : « L'effort de représentation des marques, cela va bien au-delà du travail des rédacteurs de mode. C'est aussi la responsabilité des maisons de mode. La femme Chanel, la femme Dior : ce sont des images et des discours un peu old school, qui ont rythmé la mode pendant des années. Aujourd’hui, les choses changent : il faut s'ouvrir à plus d’inclusivité, faire des vêtements pour tout le monde, pas seulement pour un certain type de femme ou une certaine typologie de femme, qui plus est dans une forme d’élitisme et donc de rejet d'une partie des autres femmes. Mais je pense aussi que ce phénomène concerne un peu tous les milieux et toutes les professions. »

Le monde de la mode d'hier et d'aujourd'hui

Sous ses airs de comédie romantique policée, il y a quelque chose de relativement féroce dans « Le Diable s'habille en Prada » : le film dépeint en effet un monde parfois cruel et souvent obsessionnel vis-à-vis du style et du détail. A-t-il contribué à forger une image du milieu de la mode auprès du grand public ? Et la situation a-t-elle changé dans la mode et les rédactions depuis le succès du film ?

Clément Laré : « Le film a bien imprégné le public sur ce qu’il imagine être le monde de la mode. Pour les gens de l’extérieur, qui ne travaillent pas dans ce milieu, on a parfois l’impression que toutes les rédactions de mode ressemblent à celles du « Diable s'habille en Prada ». Heureusement, ce n’est pas le cas. Est-ce que ce fut le cas ? Sûrement. Est-ce que ça l’est toujours ? À certains endroits, c’est sûr. Mais il faut noter que le monde du journalisme et de la presse a changé et que de nouvelles générations sont arrivées. Elles ont un rapport différent au monde du travail, elles laissent peut-être moins de choses passer.

Aujourd’hui, plus personne n’accepterait par exemple d’être à la merci d’une boss tyrannique comme celle du « Diable s'habille en Prada ». En revanche, il est probable que l’image de la rédaction de mode, c’est « Le Diable s'habille en Prada » pour le grand public. Le film a vraiment contribué à forger cette vision-là. Je peux rassurer celles et ceux qui s’inquiètent : pour une grande majorité d'entre nous, nous n’avons pas de rédactrice en chef tyrannique qui nous oblige à aller chercher le dernier tome d’Harry Potter ou douze cafés par jour. »

Nina Boutléroff : « Il faut différencier la mode et les rédactions de mode. Si le film peut paraître aussi cliché, c’est parce que c’est un film américain et que le scenario se doit d'être à la hauteur. Le film est très inspiré de la rédaction du Vogue américain. Je n’ai jamais travaillé chez Vogue de mon côté mais je pense que l’ambiance, les chamailleries ou la façon dont la boss traite ses employés existent ou ont existé. Pour autant, ce n’est ni propre aux rédactions de mode ni aux maisons de mode.

Dans le film, on découvre un milieu féminin, avec quelque chose d'un peu à l’ancienne contre lequel on essaie de lutter un peu plus aujourd’hui avec de petites couches de sororité : c'est ce cliché qui consiste à dire que les femmes entre elles ne peuvent pas bien s’entendre. Ça, malheureusement, c’est vrai. Ça existe. Mais j’ai aussi l’impression cela s’estompe un peu à ce niveau-là avec les jeunes générations, notamment en termes de concurrence. Après c’est vrai, ce n’est pas qu’un cliché : la mode reste un milieu où les ego sont énormes.

L’ancienne génération a été habituée à beaucoup de fastes, de moyens, de paillettes, etc. Ne serait-ce que prendre l’avion pour assister aux défilés de New-York, Milan, etc. Aujourd’hui, la question de l’empreinte carbone plane sur nos têtes. Donc oui, c’est un milieu où les ego qui ont connu l'âge d'or de la mode sont très surdimensionnés.

Par exemple, c’est très tendance dans ce milieu de se plaindre, de dire que le buffet est dégueulasse alors qu’on est au Ritz ou de se déplacer en taxi pour faire 500 mètres. Mais cela reste une minorité. Pour les relations toxiques au travail, c’est la même chose. C''est quelque chose qui tend à disparaître.

De mon côté, j’ai l’impression que les consciences se réveillent un peu, qu’elles soient écologistes ou féministes. J’espère que ça va continuer dans ce sens. Il y a certes beaucoup de vrai dans « Le Diable s'habille en Prada » mais il y a aussi pas mal de scénarisation : le film romance la vraie vie et cet univers appartient un peu au monde d’avant, du moins je l’espère. »

 

Nawal Bonnefoy : « De mon coté, je ne dirais pas que le film a permis de découvrir à quel point le monde de la mode peut être impitoyable. D’abord parce que le film est tiré d’un best seller sorti quelques années avant, qui est encore plus parlant. L’autrice a en effet personnellement travaillé comme assistante pour Anna Wintour, la rédactrice en chef du Vogue américain.

Elle décrivait donc déjà cet univers et ça n’a jamais été un secret que la mode pouvait être un monde compliqué. Au final, je ne suis pas certaine que le grand public se soit véritablement forgé une image de la mode avec le film. Les gens savent très bien que cela reste une fiction et que c’est assez romancé.

Il y a par ailleurs toute une partie du film qui montre que beaucoup de personnes travaillent dans l’ombre dans ce milieu, et aussi qu’il y a une forme d’art derrière le métier du vêtement. Il n’y a pas que du négatif. En ce qui concerne les rédactions de mode, je ne suis pas non plus certaine que la situation a changé avec le succès du film. Ce que je pense en revanche, c’est que la vie est beaucoup plus nuancée que ce que l’on peut voir à l’écran. »

Le moment clé : l'étape du relooking

L'une des choses les plus stupéfiantes à voir dans « Le Diable s'habille en Prada », c'est bien sûr le relooking de son héroïne principale. Que raconte-il de notre rapport à la mode et au vêtement ? Et faut-il vraiment être stylé lorsqu'on travaille dans une rédaction de mode ? Si le personnage d'Emily Blunt a une idée plutôt définitive sur la question du style et de son métier, le sujet divise nos invités.

Emily Blunt à Anne Hathaway, dans « Le Diable s'habille en Prada » :

Runway est un magazine de mode. S'intéresser à la mode est donc crucial !

Clément Laré : « Le changement de look d'Anne Hathaway est un des moments phares du film. L’exercice du relooking est présent dans de très nombreux films de cette période, de la fin des années 90 jusqu’à 2010 environ. Pour les fans du genre, le relooking de l’héroïne principale est même un moment très important. Dans le film, les tenues d'Anne Hathaway sont incroyables. Mais ce qui est assez drôle, c’est qu'avec les tendances qui fluctuent, la tenue de départ, avec jupe à carreaux et pull bleu, pourrait tout à fait se retrouver aujourd'hui chez une influenceuse Instagram.

Personnellement, j’ai la chance d’évoluer dans le journalisme de mode web. Il n’y a pas les contraintes habituelles. Je n’ai pas à porter de costumes, par exemple. On ne m’a jamais fait de reproches sur la manière dont je m’habille. C’est un monde assez libre. Le vêtement, c’est vraiment une manière de s’exprimer. Je pense d'ailleurs que ce temps où l’on attendait nécessairement d’un ou d’une journaliste de mode d’être looké avec les dernières marques est tout à fait révolu.

D’abord parce qu’aujourd’hui plus que jamais, nous sommes tous bien précaires. On ne s’habille donc pas tous en Chanel. Et puis surtout nous savons que la mode est un moyen d'expression pour les gens. Chacun est libre de s’habiller comme il l’entend. Après bien sûr, quand on s’intéresse à la mode, on aime aussi expérimenter avec. Mais il n’y a pas, comme dans « Le Diable s'habille en Prada », d’esprit du type « Tu ne peux pas venir ici comme ça, il faut que tu sois looké avec les dernières bottes Chanel ». Ce n’est heureusement plus trop d’actualité. »

Nawal Bonnefoy : « Au début du film, Anne Hathaway est habillée de manière très classique. Son premier look est dépeint comme le pire look du monde. En réalité, elle a un pull bleu très simple, une chemise dont le col dépasse et une jupe certes un peu « mémérisante », pas très élégante et un peu longue à carreaux, mais ce n’est pas non plus affreux.

Avec la transformation, son personnage devient une véritable bête de mode, une fashionista. Le premier look de « son style d'après », avec des cuissardes en cuir Chanel qui remontent si haut qu’on voit à peine le bout de sa cuisse, est tout simplement incroyable. C’est le fait du styliste du magazine Runway, Nigel, interprété par Stanley Tucci. C'est un look un peu à la Kate Moss : élégant, folk, chic, avec de grands colliers sautoir dorés, de grandes bottes qui montent, des couvre chefs type casquettes Gavroche revisitées par de grands couturiers.

Je travaille aujourd’hui à temps plein dans une rédaction de mode, chez BonneGueule. Ça m’inspire forcément. Surtout que je ne travaille qu’avec des garçons. J’ai de fait un peu plus tendance à regarder des pièces plus « masculines » que ce que je peux être amenée à porter d’ordinaire. Je me suis mise aux mocassins plats, par exemple.

Quand on travaille avec des personnes qui aiment la mode, ça invite aussi à s’apprêter le matin là où avant, lorsque je travaillais dans une rédaction de chaîne d’info, j’avais davantage l’esprit pratique. J’y prêtais moins attention, je ne voyais pas d’inconvénient par exemple à venir en jeans, tee-shirt et Converse. Je ne ferais pas la même chose aujourd’hui : je fais plus d’effort pour m’habiller le matin. Au final, peu importe le métier qu’on exerce, le vêtement fait inconsciemment partie de nos vies. Il s'agit de pas de se transformer totalement pour être en cohérence avec son environnement. Mais je pense que notre style évolue assez naturellement avec ce que l’on fait au quotidien. »

Nina Boutléroff : « De mon côté, j’ai franchement envie de répondre oui : le fait de travailler dans la mode influe sur ma manière de m'habiller. .On est obligé d’adapter ses tenues en circonstance. Mais j’imagine que c’est un peu pareil pour tout le monde. Si j’ai des rendez-vous avec une maison de mode, une interview d’un créateur ou bien encore un défilé, je vais bien sûr adapter ma tenue en conséquence.

Une rédactrice en chef m’a dit un jour : être journaliste de mode, c’est pour beaucoup une question d'image. Il y a en effet un travail de représentation du magazine, surtout quand on est un magazine célèbre et réputé. Cela fait partie des devoirs de la rédactrice de mode d’être bien habillée.

Pour autant, être bien habillée, c’est aussi subjectif. Je pense qu'il faut surtout respecter son style, ne pas se transformer en quelqu’un d’autre. En revanche, dans la bouche de ma rédactrice en chef, être bien habillée voulait dire “avoir une tenue soignée”. Ce qui ne veut pas nécessairement dire être en talons ou être surhabillée.

Aussi, en fonction du défilé auquel on assiste, on ne s’habillera pas de la même manière selon qu’il s’agit d’un défilé Chanel ou Marine Serre. Je suis sûre que les rédactrices de mode adaptent inconsciemment leurs tenues en fonction de la maison qu’elles visitent. C’est un peu comme dans la vie de tous les jours. Certaines personnes avec une personnalité ou un style plus fort ne dérogeront pas à leur style habituel. D'autres adapteront leurs tenues en fonction du mood. C’est comme lorsqu'on va à un concert de rock ou à un opéra : on s'habille en fonction, pour se sentir en accord avec l’ambiance. C'est du moins ce que je fais de mon côté. »

Pourquoi revoir le film aujourd'hui ?

Si jamais vous hésitez encore à revoir « Le Diable s'habille en Prada », Clément, Nina et Nawal vous donnent dans les grandes lignes leurs arguments pour vous lancer dans le visionnage du film. Sans surprise, la performance de Meryl Streep penche énormément dans la balance. Mais le film ne se résume heureusement pas à un numéro d'actrice.

Clément Laré : « Malgré le fait que le film soit un peu dur sur le monde du travail, il a fait rêver beaucoup de personnes, et certaines sont même devenues journalistes de mode. « Le Diable s'habille en Prada » reste une référence de la mode et de la pop culture. C’est un film culte, très drôle par moments et parfois un peu cruel aussi. Mais c’est ça aussi qui fait rire.

C’est un très bon film feel good, de ceux qu’on regarde le dimanche soir. Il est très bien joué et réalisé et je pense qu'il est encore pertinent dans le sens où il traite de sujets qui sont toujours d'actualité au-delà du monde de la mode : le rapport et l’investissement au travail, l’équilibre vie privée / vie professionnelle.

En bref : jusqu’où est-on prêt à aller pour une carrière ? Ce sont des questions actuelles et assez universelles. Et puis, il y a bien sûr Meryl Streep au casting, dans l’un de ses meilleurs rôles. Rien que pour ça, et aussi pour les costumes iconiques, ça vaut le coup de revoir le film. »

Nina Boutléroff : « C'est une très bonne comédie romantique et initiatique. On y observe l’évolution du personnage principal mais aussi des relations entre collègues. Le film promeut en particulier l’affirmation de soi. C’est quelque chose d’assez inspirant selon moi. Ce type de message est toujours bon à prendre, même si c’est fait de manière un peu cliché.

Je le recommanderai aussi pour les looks et le travail de la styliste, même si c'est un peu exagéré, surtout à l'heure où l’on revit un gros revival des années 2000. Je pense notamment à certains looks Balenciaga de l’époque, avec le fameux it bag des années 2000. Il a d'ailleurs été réédité et cette tendance est en train de revenir.

Si Patricia Field a été un peu loin sur certains looks, c'est justement ce qui fait l'intérêt du style développé dans le film : les robes, les grosses ceintures, la mode de la fin des 90's et du début 2000. C'est un film assez intemporel, notamment à travers l'histoire de cette jeune femme qui s'affirme. C’est une leçon qui peut s’appliquer à tous les moments de la vie. Le film est enfin pertinent du point de vue de la mode. On peut y observer ce qui a changé, ce qui existe encore, etc. »

Nawal Bonnefoy : « Le film peut tout à fait être regardé par quelqu’un qui n’aime pas spécialement la mode : c’est avant tout une comédie, avec du romantisme. L’action se déroule dans l’univers de la mode mais cela peut parler à tout le monde : c’est l’histoire d’une jeune femme qui débute sa carrière dans un milieu qui lui est assez étranger voire franchement hostile.

C’est aussi l’un des films qui a propulsé Anne Hathaway et Emily Blunt au rang de superstars, surtout Emily Blunt qui était pour ainsi dire inconnue à l'époque. Ce sont les débuts de ces deux actrices et elles jouent très bien. Et puis il y a Meryl Streep, dans le rôle de la grande méchante, et ça vaut tous les arguments du monde. Même si on n’aime pas la mode, le film peut donner un petit aperçu de ce que ça peut être. Enfin, il faut noter que la bande son est plutôt cool, avec pas mal de Madonna et de chansons pop dedans. »

 

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