Guide d’achat de vos chaussures en cuir : la méthode pour savoir si elles vont durer (Partie 2)

23 min

Guide d’achat de vos chaussures en cuir : la méthode pour savoir si elles vont durer (Partie 2)

23 min
Publié le : 29 octobre 2018Mis à jour le : 28 août 2023
Image de couverture - Article : guide d'achat de vos chaussures en cuir - la méthode pour savoir si elles vont durer (Partie 2)

Cuir corrigé, GoodYear, Blake : quels sont les signes qui font la qualité d'une chaussure ? Et en même temps sa durabilité ? Quels défauts sont rédhibitoires ? Mode d'emploi.

Merci d'être au rendez-vous.

Est-ce que vous avez lu la première partie ? Elle décrit comment on passe de la peau au cuir, puis du cuir à la chaussure. Si vous ne l'avez pas lue, je vous y encourage car elle permet de bien mettre en perspective tout ce qu'on va voir maintenant.

Bonne lecture !

Je commence par un syllogisme, pour vous mettre dans le bain :

Une paire de chaussures de qualité est durable ; ce qui est durable est bon marché ; donc une paire de chaussures de qualité est bon marché.

Bon.

Rien de nouveau sous le soleil que de dire qu’un produit de qualité vous durera plus longtemps et que, ainsi, il vous coûtera moins cher. Mais c’est un rappel nécessaire, surtout si l’on pense que ce qu’on attend d’abord d’une bonne paire de chaussures en cuir, c’est sa durabilité. Plus qu’aucun autre produit d’ailleurs.

À partir de là, un certain nombre de questions se posent. Notamment :

  1. Qu’est-ce que ça veut dire “durable”, pour une paire de chaussures ?
  2. Comment évalue-t-on qu’une paire de chaussures est de qualité (et donc durable) ?
  3. À partir de quel prix peut-on espérer acheter des chaussures dont la qualité sera suffisante pour qu’elles soient durables ?
  4. Est-ce que la durabilité augmente proportionnellement avec le prix ?

Allez, on attaque.

QU’EST-CE QUE ÇA VEUT DIRE “DURABLE” ?

Ça va être un peu arbitraire mais, à mon sens, le minimum pour dire que des chaussures sont durables, c’est cinq ans.

Mais cette durée ne veut dire quelque chose que mise en corrélation avec le prix de vente desdites chaussures. Donc je dirais cinq ans pour l’entrée de gamme de qualité. Le maximum de durabilité étant que la paire de chaussures vous survive (en gageant que votre espérance de vie soit dans la moyenne).

Paraboot marron âgée de 20 ans

Quel âge pour ces Paraboot ? La réponse : 20 ans.

Et surtout, la durabilité n’est pas à considérer dans l’absolu. Cela n'est pas possible !

Elle est relative au contexte d’utilisation des chaussures. En dehors de la qualité intrinsèque de celles-ci, de nombreux paramètres influencent la durabilité :

  • La capacité de son possesseur à les entretenir correctement
  • Des semelles de protections adéquates, bien posées par un bon cordonnier
  • La fréquence d’utilisation de ces chaussures
  • La démarche du porteur (quand je travaillais pour un chausseur, j’ai vu certains clients user des talons à une vitesse folle quand d’autres  devaient léviter toute la journée, tant leur semelle était intacte)
  • Le degré d’adéquation entre la forme de la chaussure et celle du pied du porteur
  • Le poids du porteur

Ça en fait des paramètres !

Parfois, avant de se ruer chez le chausseur, les yeux injectés de sang, en demandant des comptes sur une usure prématurée, il convient de prendre du recul.

Si, par exemple, vous exercez beaucoup de poids sur vos semelles - du fait de votre morphologie - et/ou que vous marchez 5-10km par jour, c’est une évidence, vous allez user plus vite vos chaussures qu’une personne au physique fluet et/ou restant toute la journée assise sur une chaise de bureau.

Alors êtes-vous condamnés pour l’éternité à réduire vos chaussures en bouillie à chaque pas que vous faites ?

Cordonnier réparant une paire de chaussures

Les bons souliers se réparent. N'est-ce pas Monsieur ?

Pas nécessairement. Il sera bénéfique pour vous de vous tourner vers des montages plus solides (comme le norvégien), si les exigences vestimentaires liées à votre métier vous y autorisent.

De plus, il faut bien se dire qu’un talon usé se change, qu’une chaussure se ressemelle (avec le bon montage), que le glissoir?c'est cette partie tout contre votre talon qui s'use au fur et à mesure des ports, mais se change facilement chez un cordonnier également se change. Bref, les parties qui accueillent les coups et frottements.

En veut-on à une voiture quand ses pneus sont usés ?

La mort d’une chaussure de qualité sera (presque) toujours annoncée par la mort du cuir composant la tige.

Schéma chaussure

Juste pour vous remettre en tête certaines choses.

COMMENT ÉVALUE-T-ON QU’UNE PAIRE DE CHAUSSURES EST DE QUALITÉ (ET DONC DURABLE) ?

Cette question fera l’objet de plus amples explications mais, pour y répondre tout de suite, disons qu’une paire de chaussures de qualité, c’est trois choses :

  • Un cuir de résistant (tige et semelle)
  • Un montage solide et réparable
  • Des coutures serrées, une doublure soignée, des perforations bien exécutées

À PARTIR DE QUEL PRIX PEUT-ON ESPÉRER ACHETER DES CHAUSSURES DURABLES ?

Ah !

La question à un million d'euros. Celle qui intéresse toute personne qui cherche à optimiser son budget. Sauf que... c’est assez difficile de répondre comme ça, comme si on me demandait l’heure qu’il est, dans la mesure où ce qui est durable ne l’est que relativement à un contexte.

On l’a vu plus haut, vous vous souvenez ?

Bexley chaussure Richelieu noire

Rien ne ressemble plus à un Richelieu qu'un autre Richelieu. Comment faire pour savoir si cette chaussure va durer dans le temps ? (Bexley)

Mais posons la situation idéale suivante : portée trois jours par semaine, cette paire ne sera jamais utilisée deux jours d’affilée, sera entretenue régulièrement et correctement, aura reçu un patin et un fer, la distance parcourue pendant ces journées de port ne sera pas excessive, le porteur n’aura pas de démarche particulièrement néfaste pour la semelle.

C’est déjà pas mal.

Si on reprend la prévision de cinq ans que je donnais plus haut, compte tenu d’une utilisation de trois fois par semaine, cela fait 780 ports.

Le cuir est l’élément principal qui fait la durabilité de la chaussure. C’est aussi le plus coûteux dans la fabrication de celle-ci.

Et, sur cette base, sans connaître le prix d’achat d’un cuir d’entrée de gamme de qualité par un chausseur, mais en ayant bien observé l’offre et par retour d’expérience, je dirais qu’il est impossible d’avoir quelque chose de durable en-dessous de 150-160€ (à la condition que la paire de chaussures ne soit pas vendue par un distributeur, puisqu’il prendra une marge supplémentaire comme l’explique l’excellent article de Benoît sur les modèles économiques du prêt-à-porter).

Chaussure André marron

Super promo chez André ! On passe de 79€ à 55,30€. Une affaire ?

150-160€, c’est l’extrême minimum. Dans cette gamme, je vous conseille LodinG (180€), Orban’s (160€) et Meermin (160€), en prenant bien soin de vérifier les points de qualité que je vais vous décrire dans la suite de cet article.

À ce prix-là, il y a de fortes chances que le cuir choisi soit, au mieux, une pleine fleur pigmentée?'Pleine fleur' signifie qu'on a gardé de la peau à la fois la fleur et la chair. Sous-entendu tout ce qui fait que le cuir est résistant. 'Pigmenté' signifie que l'on a quand même appliqué un vernis pour cacher certains défauts d'aspect. En-dessous de ce prix, on aura un cuir poncé, rectifié?Contrairement au cuir 'pleine fleur', le cuir poncé ou rectifié ou encore corrigé est un cuir dont on a poncé la fleur pour se débarrasser des défauts y figurant. Cela fragilise le cuir. (contrairement au cuir 'pleine fleur', le cuir poncé ou rectifié ou encore corrigé est un cuir dont on a poncé la fleur pour se débarrasser des défauts y figurant. Cela fragilise le cuir) et la tannerie aura probablement fait des économies sur les produits tannants, rendant le cuir moins résistant.

Vous ne voulez pas d’un cuir dont on aurait délibérément endommagé la fleur pour en cacher les défaut structurels, si ? (je vous invite à revoir la catégorisation des finitions des cuirs sortant des tanneries dans le premier volet de ce guide.)

Et je ne parle pas du montage qui, au-dessous de ce prix-là, a toutes les chances d’être soudé. Ce qui est à la durabilité, ce que le jean skinny est à l’élégance.

EST-CE QUE LA DURABILITÉ AUGMENTE PROPORTIONNELLEMENT AVEC LE PRIX ?

En d’autres termes : est-ce que plus je mets d’argent, plus j’obtiens un produit durable ?

Ma réponse : pas au sens strict du terme, mais disons qu'elle augmente significativement jusqu’à un certain point. Jusqu’à 600€, je dirais.
Jusque-là, l’amélioration de la qualité du cuir de la tige et de la semelle augmentera la durabilité de la chaussure, proportionnellement au prix.

Chaussure noire John Lobb bespoke

John Lobb bespoke. Autour de 5000€. Mais est-ce vraiment plus durable qu'une paire de chaussures à 600€ ?

Passé ce stade, certes la qualité encore améliorée du cuir aura un impact positif sur la durabilité, mais de manière moindre. Le montage pourra être fait à la main et, en cela sera de meilleure qualité mais son bénéfice sera difficilement mesurable sur la durée de vie de la chaussure.

Ce qui change, à ce stade-là, après 600€ je veux dire, c’est surtout le soin pris dans l’exécution de la forme de la chaussure, l’étude du relief de la semelle à l’intérieur pour améliorer le maintien et donc le confort. L’incidence d’un surcroît de qualité passé 600€, se traduit donc davantage au bénéfice de la posture du porteur. Et donc pour la santé de celui-ci.

Et maintenant, entrons dans le détail de la qualité d’une paire de chaussures.

QUELS SONT LES SIGNES QUI PRÉDISENT LA DURABILITÉ D’UNE PAIRE DE CHAUSSURES ?

Usure d'une semelle

Savez-vous si cette usure de semelle est normale, ou prématurée ?

Mais avant toute chose, dites-moi, le cuir : matière vivante ou matière morte ?

Difficile à dire.

Disons qu’il n’est pas vraiment vivant... mais qu’il n’est pas vraiment mort non plus.

Matière vivante car : on sent une certaine chaleur quand on le touche, il communique avec l’extérieur. Il réagit. Il se courbe au gré des mouvements, absorbe les liquides, peut fissurer avec le temps, il se nourrit.

Matière morte, tout de même, parce qu’il n’est pas doué de mouvement, n’est pas dans l’action.

Mais enfin, matière plus vivante que morte. Car c’est une matière animale et donc le cuir présentera toujours certaines imperfections. Gardez cela en tête quand vous achetez une paire de chaussures en cuir.

Tout l’enjeu est d’évaluer ces imperfections et de juger si elles nuisent à la durabilité de la chaussure. S'agit-il de simples défauts d’apparence ou bien de faiblesses rendant caduque le contrat de durabilité que vous passez avec le chausseur ?

La tâche est rendue difficile par les différentes techniques de camouflage que le cuir (ou le montage !) aura pu subir et que nous avons vues dans la première partie de ce guide.

Mais après la lecture de ce sujet, personne ne pourra plus vous flouer.

QU’EST-CE QU’UN CUIR DURABLE ?

IL EST PLEINE FLEUR

Comme expliqué aussi dans la première partie (si vous ne l’avez pas lue, vous remarquerez que je vous lance de très francs appels du pied !), la résistance du cuir est induite par les fibres de collagènes quand elles sont resserrés. Ces fibres se trouvent dans le derme de la peau.

Schéma collagène d'un cuir

Ce qui implique qu’un cuir durable est un cuir pleine fleur (on a conservé tout le derme), dont on n’aura pas endommagé la fleur par ponçage (les fibres de collagène étant plus nombreuses en surface).

Comment reconnaître un cuir poncé et enduit d’une couche opaque (on peut dire aussi “rectifié” ou “corrigé” et même jusqu’à “bookbindé” - qui serait le cas extrême) ?

Tout d’abord, le bon réflexe est de regarder les pictogrammes.

Pictogrammes chaussures

Sauf que dans la vie, on n’a pas toujours la notice pour tout, tout le temps et qu’on ne peut parfois compter que sur soi-même.

Rassurez-vous, un cuir rectifié se reconnaît facilement dans la majorité des cas : il est lisse, extrêmement régulier et brille comme une boule à facettes. Bref, il ressemble à du plastique (c’est normal, il en contient) mais dans une version glamour.

Chaussures Loake en cuir rectifié

Loake, 175£ soit 197€ environ. Cuir rectifié. Petit exercice pour reconnaître ce cuir : aller sur le site de Loake et regarder les différences d’apparence des cuirs et comparer au prix. Loake fait de bonnes chaussures au demeurant, il faut simplement être vigilant.

Une goutte d’eau sur un tel cuir ne pénétrera pas. Jamais. Vous la verrez filer à toute vitesse sur la tige, attirée par la gravité terrestre et pressée de fuir. Difficile à tester en boutique cela dit.

Et d’ailleurs, aucune crème d’entretien non plus ne pénétrera pas. C’est bien le problème ! Car cela en fait un cuir dont ne peut pas prendre soin. Et donc périssable.

Cependant attention aux raccourcis ! La réciproque n’est pas vraie.

Cela ne veut pas dire qu’un bon cuir est forcément mat (comme le cuir gras peut l’être d’ailleurs). Les cuirs pleine fleur peuvent avoir une finition brillante dites “aniline”?Enfin c'est un abus de langage puisqu'on n'emploie plus ce composé organique., un vernis, juste pour protéger un peu et donner de l’éclat.

Chaussure en cuir de veau pleine fleur pur aniline de chez Jacques&Déméter

Cuir de veau pleine fleur pur aniline de chez Jacques&Déméter / Ce type de brillance n’a rien à voir avec un cuir rectifié. Un derby beau, simple et efficace.

Et c’est là que la différence peut être un peu ténue, pour peu que la fleur rectifiée n’ait nécessité qu’une fine couche pour camoufler.

Là, il faut se baser sur d’autres indices :

  • Le premier : le grain du cuir.
    Attendez que le vendeur ou la vendeuse ait le dos tourné?… ou pas, aucune honte à inspecter la marchandise. Juste, s’il vous plaît, quand vous manipulez la chaussure, ne tapez pas deux coups secs, avec votre doigt sur la semelle comme si vous frappiez à une porte, comme pour dire “c’est de la bonne came ça mec !”. Vous n’imaginez pas combien j’ai vu d’hommes faire ça pour coller votre visage tout près du cuir. Qu’est-ce que vous voyez ? Si c’est un cuir pleine fleur, vous devriez voir le grain du cuir, les pores du cuir, cet aspect très légèrement granuleux à la surface qui permet cette communication avec le monde extérieur. C’était une matière en mouvement, qui vivait, elle ne peut pas être si lisse et immaculée qu’un cuir rectifié quand on y pense.
Modèle Gatsby de chez Septième Largeur

Le modèle Gatsby de chez Septième Largeur. Elle brille plutôt, mais on voit tout de même le grain du cuir, un peu de relief, de granularité sur cette paire de derby.

  • Deuxième indice : sous la pulpe des doigts, la sensation est-elle plutôt froide et glissante ou tiède (c’est relatif) et un peu rugueuse ? La première sensation correspond au cuir rectifié, la seconde à un cuir pleine fleur.
  • Troisième indice : demandez au vendeur, à la vendeuse ou au service client. “Est-ce que c’est un cuir corrigé ?” Certains ne sauront pas de quoi vous parlez. Fuyez. D’autres vous vendront l’aspect brillant comme une couche de finition à des fins esthétiques. Demandez-leur s’il s’agit d’un cuir “pleine fleur”. Et d’autres encore, vous donneront la réponse sans détours, si la marque pour laquelle ils travaillent a fait le choix de la transparence au bon prix.
  • Quatrième indice (après la vente) : les plis de marche seront moins naturels. Mais c’est difficile à décrire.

Vous connaissez donc à présent la théorie. Maintenant un peu de pratique, bien que vous n’ayez à votre disposition que vos yeux.

Exercice : saurez-vous reconnaître où se trouve le cuir rectifié parmi ces souliers glacés ?

6 paires de chaussures

© Crédits Photo @arda_f75 sur Instagram

C’est la troisième en partant de la gauche évidemment. L’aspect de ce mocassin est vraiment beaucoup plus lisse que les autres. Et un peu plus brillant que la plupart des autres souliers.

Bon.

Tout cela étant dit sur le cuir rectifié, voilà le moment où je nuance mon propos.

Je possède des Markowski (marque aujourd’hui disparue) en cuir bookbindé (donc poncé et enduit, si vous suivez bien) dont je suis paradoxalement très content. Eh oui.

Je les ai achetées en connaissance de cause. Elles m’ont coûté aux alentours de 130€ en soldes et c’était mes mocassins tout terrain. Je n’ai fait poser ni patin, ni fer. Par flemme pure et simple. Je les ai utilisés par tous les temps et ils arrivent tout juste en bout de course, après quatre ans d’utilisation.

Je projette de m’acheter deux paires de mocassins dans ce cuir, pour des chaussures tout-terrain sans prise de tête.

Mocassins de chez Markowski en cuir bookbindé
©La tige est encore bonne !

La tige est encore bonne !

Mocassins de chez Markowski en cuir bookbindé de dos

Les talons sont bien limés, je pourrais les changer cela dit ! Mais le trou dans la semelle, lui, est annonciateur de la mort de cette paire. Même si, encore une fois, un bon cordonnier pourra coller un empiècement de cuir par-dessus et coller un patin sur le tout. C’est un montage Blake, un ressemelage est possible mais pourra fragiliser le cuir tige.

Donc je dirais que, pour moi, le cuir rectifié n’est pas à privilégier sur des paires de chaussures qui se veulent élégantes. C’est bon pour sortir quand il pleut ou aller en boîte ou dans des soirées arrosées.

Le cuir rectifié n’est pas, non plus le plus durable car, comme je l’ai dit, il est impossible à entretenir.

Voilà pour la nuance sur le cuir rectifié.

Ok, donc un cuir durable est pleine fleur. Et ensuite ?

IL NE COMPORTE PAS DE DÉFAUT RÉDHIBITOIRE

Je le répète : un cuir parfait n’existe pas. Et c’est d’ailleurs cela qui fait la beauté de cette matière.

Ainsi, un cuir d’entrée, de moyenne et — dans une certaine mesure —, de haut de gamme peut présenter des défauts. Toute votre habileté est de savoir si ces défauts seront rédhibitoires ou non.

Eh oui : si une paire de chaussures à 250€ était absolument parfaite, comment une paire à 1000€ ou 2000€ pourrait-elle bien se distinguer ? C’est quoi le superlatif de “parfait” ?

Il faut avoir l’exigence bien placée.

Certaines marques nous ont fait croire à des fins marketing que le bookbindé, par son aspect brillant et sans défauts, était une sorte de super cuir et nous avons du mal à nous sortir de cette vision des choses. Mais, encore une fois, les défauts font partie du cuir.

Il est normal qu’un cuir de très grande qualité présente des veines et des rides.

Pourquoi ? Parce que les peaux de cuir que reçoivent les chausseurs pour fabriquer leurs produits présentent ce genre de défaut. C’est obligatoire. Encore une fois, c’est une matière animale.

Ces défauts se trouvent surtout sur les flancs et sur le collet, là où la peau s’est distendue avec les mouvements de la bête.

Veine sur un cuir de chaussure noir

Une petite veine sur le bout dur. Rien de bien méchant pour un cuir dont on voit bien le grain au demeurant. Ne déboulez pas dans la boutique en jugeant que c’est inacceptable parce que ça ne l’est pas.

Pour fabriquer une paire de chaussure exempte de défauts, il faut se payer le luxe de ne choisir que les parties du cuir qui n’en présentent pas. Ce qui fait sacrément monter l’addition.

Ainsi, les marques d’entrée et de moyenne gamme qui vont utiliser toutes les parties de la peau pour fabriquer leurs paires de chaussures, à des fins de compression des coûts (pour vous proposer un prix final contenu), vont être plus susceptibles de retrouver ces défauts sur les garants, la claque ou les quartiers de leurs chaussures (voir schéma ci-dessus).

Eh oui, parce que contrairement, ce n’est pas le même résultat si vous faites une tige avec une peau entière, ou vingt tiges avec celle-ci. Une seule tige par peau et vous aurez le choix des plus belles parties du cuir ; vingt, vous n'aurez pas vraiment le choix.

C’est la vie.

La véritable interrogation, au-delà des considérations esthétiques, c’est : est-ce que ces rides et veines rendent les chaussures moins durables ? La réponse est non.

Bottines en cuir marron

De nombreuses veines à remarquer sur la bottine de droite. Sur tout le flanc d'ailleurs. Et un peu également sur celle de gauche, surtout sur le contrefort (partie dure proche du talon).

C’est acceptable jusqu’à un certain prix. Le seuil de 400€, je dirais.

Mais entre 150€ et 400€ pour sûr ne soyez pas trop exigeant. Il n’est pas possible de tout avoir. Il est également vrai que les contrôles qualité sont plus laxistes à ce niveau de prix.

Par exemple, ça, c’est acceptable pour du Meermin à 160€ :

Chaussures Meermin noires

Plis de marche normaux voire peu marqués (ce n’est pas le propos mais je le dis quand même), mais surtout, sur le flanc à droite de la photographie, quelques lignes, traces sont là. Ce n’est pas bien grave. C’est aussi ce qui permet d’avoir un prix raisonnable et cela n’altère pas la durabilité des chaussures.

Ah oui, et un petit quelque chose aussi : attention, parfois des “défauts” maîtrisés sont là pour donner du caractère à un produit.

On peut travailler un cuir pour lui donner un aspect vieilli. On parle de cuir foulonnés?C'est à dire qu'on les a travaillés dans des foulons, des grandes cuves que l'on fait tourner. Dans ce cas, pour malmener un peu le cuir et lui donner l'effet voulu.. Sur des boots, cela peut être intéressant comme effet pour accentuer la désirabilité du produit, pour lui donner un côté baroudeur.

Même si, selon moi, c’est un peu comme d’acheter un jean déjà déchiré. Le vrai baroudeur n’est pas celui qui achète ses boots car elles font baroudeur, c’est celui qui les aura traînées dans tant de coins qu’il en aura transformé l’aspect.

Et puis, entre nous, cela peut engendrer des tentations pour un chausseur. Comme par exemple de faire passer un défaut de cuir pour un effet de style.

Regardez ces derby dites "business" en cuir finition vieillie.

Derby Hugo Boss en cuir marron

Là, c’est le titre et le bon sens qui mettent la puce à l’oreille. Car d’aspect, sur le photo du site internet, cette paire de Hugo Boss à 295€ passe plutôt. Mais quand une marque qui met tant d’argent dans la communication plutôt que dans ses produits, indique “cuir vieilli” sur une paire de chaussures d’un style business, le bon sens fait qu’on s’interroge...

Sur une paire de boots, c’est déjà plus justifié !

Bottine au cuir froissé de chez The Last Conspiracy

Cuir froissé, travaillé de chez The Last Conspiracy qui se justifie par l'ADN rock de la marque.

En revanche, les effets de style ne doivent pas nous faire oublier les défauts rédhibitoires qu’il faut savoir identifier.

J’aime beaucoup la marque canadienne Viberg qui, justement, travaille bien ses cuirs et offre des produits à forte désirabilité et de grande qualité.

Cependant, je suis tombé dernièrement sur ce produit.

Boots Viberg

En voyant l’aspect du cuir, je m’interroge...

Sur le côté de la claque de la chaussure, le cuir est gondolé. Vous voyez les petites vagues sur le flanc ?

Si on devait plier un peu le cuir avec les doigts, on s’imagine qu’on verrait d’encore plus gros plis, non ?

Alors, volonté esthétique du créateur ou justification après-coup de l’utilisation d’un cuir creux ?

Sauf que : un cuir creux est bien un défaut. C’est-à-dire que si vous constatez la présence d’un tel cuir sur votre paire de chaussures, n’hésitez pas une seule seconde et rapportez-la.

Autant je vous encourage à être tolérant sur des questions de veines légères et de rides, autant sur un cuir creux je suis plus tranchant.

Je prends l’exemple de ce produit Viberg pour vous dire : avec le cuir, qu’importe la gamme de prix, il faut se méfier. Il n’y a que de bons produits, pas de bonnes marques. Et, du coup, cela me permet de dire que Viberg fait de très bons produits par ailleurs. Il faut simplement se sortir de la vision “bonnes marques/mauvaises marques”.

Comme je disais, un cuir creux est un défaut, rédhibitoire.

Voilà, sans l’ombre d’un doute un cuir creux :

Cuir creux d'une chaussure

C’est vilain, n’est-ce pas ? Ici, il est bien visible, mais parfois, il faut tordre le cuir pour le voir et, du coup, il peut très bien passer inaperçu lors de la vente (le vendeur peut honnêtement ne pas l’avoir vu).

Un cuir creux, c’est un décollement des fibres entre la chair et la fleur, il est donc très faible et ne sera pas durable.

Toutefois, il ne faut pas le confondre avec un cuir qui frise. Voyez plutôt :

Cuir creux

Ce défaut non rédhibitoire est rendu apparent par une pression du cuir.

Si un cuir frise, ce n’est pas la fin du monde. C’est une petite faiblesse mais cela n’altère pas la longévité de la chaussure.

Tout d’abord, quand le pied est dans la chaussure et qu’il la remplit comme il faut, ce défaut ne se voit pas. Sauf quand on appuie avec le doigt bien sûr, mais ce n’est pas une situation normale d’utilisation de la chaussure. Ce qui est important, c’est le prêtant du cuir : le sens de la détente de celui-ci.

Néanmoins, comme il s’agit d’une petite faiblesse tout de même (bien moindre que le cuir creux), il faut être vigilant à ce que ce ne soit pas réparti sur l’ensemble de la claque. Sur une petite zone, ça va, sinon il faut retourner en boutique.

Et, si cela se voit sans pression sur le cuir, que la différence entre les deux pieds est trop grande, peut-être faudra-t-il demander un échange à la marque.

Quelques exemples de bons cuirs pour le prix :

Derby New-Milton

LodinG, montage GoodYear, cuir lisse Du Puy, doublure cuir, 180€. C’est honnête. Regardons le cuir.
Un derby LodinG pour ceux qui ont un pied fin mais un fort coup de pied.

La photographie de cette paire de chaussures LodinG montre que, sur le contrefort (arrière de la tige), on voit comme une cicatrice. C’est tout à fait acceptable pour cette gamme de prix.

Dans une autre gamme de prix :

Bottine de chez Justin Fitzpatrick Footwear

Justin Fitzpatrick Footwear, c’est une bottine donc plus de cuir utilisé, montage GoodYear, Veau d’Italie, fait en Espagne, 480€ environ.

Tout à fait honnête. Vous voyez, sur le haut de la tige, près des boucles, les trois petits traits verticaux. C’est pas bien grave. Ça n’empêchera pas ces chaussures d’être durables. Vous n’avez qu’à dire que c’est une particularité qui vous les rend uniques.

Souliers Weston en cuir marron

Le demi-chasse Weston, à ce prix-là, on peut demander qu’il n’y ait pas de veine. Et c’est généralement ce qu’on a. 750€.

Vient maintenant le moment de questionner une affirmation que j’ai souvent entendue en boutique :

“Mes chaussures marquent, c’est pas normal ! Le cuir est défectueux !”

Et à moi de répondre, “si, si, ne vous en faites pas, c’est normal. Le cuir est bon.”

Et ça se transformait rapidement en quelque chose comme ça :

C'est assez difficile d'être un vendeur honnête, je vous le dis. Quand on est absolument sûr d'avoir raison, qu'on veut conseiller au mieux le client mais que celui-ci s'obstine à voir en vous un être perfide qui vendrait sa mère, c'est délicat.

Alors posons la question :

EST-CE QUE LES PLIS SONT LE SIGNE D’UN CUIR DE MAUVAISE QUALITÉ, QUI NE DURERA PAS ?

NON !

NON !

ET NON !

Mais on peut aussi dire que, comme un cuir de mauvaise qualité se comporte mal de toute manière, il sera susceptible de marquer plus qu’un bon cuir, c’est sûr.

Cependant, cela ne signifie pas que puisqu’il marque, c’est un mauvais cuir. Puisqu’il est normal qu’un cuir marque. Une plaque de plastique souple ne marquera pas, elle. Mais qu’est-ce que vous préférez pour marcher ? En fait, les plis de marche sont nécessaires puisqu'ils facilitent le mouvement du pied qui se casse.

C'est tout l'enjeu du cuir : entre souplesse et rigidité.

Mais alors pourquoi certaines personnes ont des chaussures plus marquées que d’autres ? Et POURQUOI parfois sur une même personne l’un des deux pieds marque davantage ?

Mocassins Edward Green en cuir noir

Paire de mocassins Edward Green avec des plis bien marqués. Mais chaussure gauche marquée différemment de la droite.

Le mystère des pieds qui marquent enfin résolu !

Tout d’abord, cela dépend de l’épaisseur et la souplesse du cuir. Ça se comprend.

Mais (accrochez-vous !), cela peut venir aussi de raisons aussi variées qu'obscures que je vous livre ici :

  • Un mauvais choix pointure : si le pied ne remplit pas suffisamment la chaussure, le cuir comble l’espace quand vous marchez et les plis apparaissent. Comme on a souvent un pied plus fort que l’autre, on comprend alors que le cuir a plus d’espace à combler dans une chaussure que dans l’autre. Logique, non ? Le résultat : des plis différents sur chaque chaussure
  • Une forme de chaussure non adaptée à sa forme de pied : si le pied remplit mieux la chaussure à certains endroits qu’à d’autres, cela va créer des tensions disparates et donc des plis disparates
  • Une empeigne unie?c'est-à-dire faite d'un seul morceau de cuir (comme les one-cut) aura tendance à marquer davantage à cause de l’absence de couture sur le devant de la chaussure (bout droit)
  • Une utilisation trop intense de la paire de chaussure. Le cuir doit se reposer sur embauchoirs (au moins 24 heures) et se tendre sous leur action.
  • Un entretien non rigoureux du cuir : il faut insister sur les plis avec la crème nourrissante.

En fait, même, si je poussais le bouchon un peu loin, je dirais que les plis d’aisance qui se dessinent sont très personnels et qu’ils rendent la pièce vraiment unique. Un peu comme le délavage d’un jean, ses moustaches, le dessin de votre smartphone sur la toile, au niveau de la poche.

Des plis de marche tout à fait normaux pour cette paire de Crockett & Jones en cuir marron

Des plis de marche tout à fait normaux pour cette paire de Crockett & Jones. Un autre pied dans ces mêmes chaussures aurait donné un autre résultat.

À noter pour les psycho-rigides du pli de marche (si, si, ça existe, ils sont là, tapis dans l'ombre !) que les nubucks et veau velours ont tendance à moins marquer que les cuirs lisses. C’est bon à savoir.

Voilà pour le cuir et les différentes interrogations de durabilité que l’on pouvait avoir. Vous avez le sentiment d'être un peu mieux préparé à reconnaître un cuir durable maintenant ? J'en suis content !

Le meilleur moyen, c'est de s'exercer. Allez en boutique. Allez voir ce qui se fait de bien et de moins bien. Il faut se confronter pour comprendre.

Ok pour le cuir. Mais pour évaluer la qualité d’une paire de chaussures, il faut également faire attention à la manière dont elle est construite : son montage, les coutures, la doublure. Bref, l’assemblage.

JUGER DE LA DURABILITÉ D’UNE PAIRE DE CHAUSSURES EN VÉRIFIANT LA SOLIDITÉ DE SA CONSTRUCTION

Chaussures Grenson

Sont-ce des chaussures ou une armure des temps modernes pour vos pieds ? Cette Grenson vous paraît comment ? Plutôt durable ou non ? Vous sauriez définir ce type de cousu ? (Pour info, c'est le Triple Welt !) Une paire de chaussures à privilégier pour les bagarres de rues les situations extrêmes.

LE MONTAGE

Dans mon premier sujet consacré tannage du cuir et à la fabrication d’une paire de chaussures, je ne suis revenu que très brièvement sur les différents montages. Car cet article antérieur le faisait déjà amplement.

Cela dit, je voudrais clarifier certaines choses pour vous faciliter la vie : un montage GoodYear ou norvégien sera plus durable qu’un montage Blake/Rapide ou Bolognais.

Pour plusieurs raisons :

  • Meilleure étanchéité du GoodYear et du norvégien
  • Meilleure solidité grâce à la présence d’une couture supplémentaire
  • Possibilité de ressemeler la chaussure (là où c'est moins évident avec un Blake, même si c'est possible?En fait, la légende veut qu'un Blake ne se ressemelle pas. Mais la vérité est différente : on peut ressemeler un Blake, mais il y a beaucoup de précautions à prendre pour ne pas abîmer la tige. C'est-à-dire qu'il faut coudre sur les mêmes points, sinon on endommage la tige. Sur un GoodYear en revanche, si le cordonnier manque d'habileté, il peut jeter la trépointe et recommencer. Vous savez tout.)

Toutefois, je ne vous cache pas que l’on est obligé de rogner un peu sur le confort. Quand on veut du solide, du durable, il faut faire bien faire une petite concession qu’il est aisé de comprendre : la solidité du montage fait que les premiers ports seront plus difficiles que sur du Blake, qui est plus souple et donc plus confortable d'un premier abord.

C’est ce qu’on veut dire par “il faut casser la chaussure”. Et si, en plus du montage, le cuir est épais et manque de souplesse, ce laps de temps nécessaire à faire la chaussure à votre pied peut dépasser un mois (c'est-à-dire environ douze ports).

Paire de Heschung

Heschung : facile ou difficile à faire ? J'ai ma petite idée...

J’ai entendu des clients déclarer qu’ils avaient un mal fou à “casser les chaussures” et d’autres pour lesquels trois ou quatre ports suffisaient. Dans la vie, on n'est pas égaux face à certaines choses et les chaussures ne dérogent pas à la règle :

  • Nos sensibilités divergent
  • On peut être confronté à une forme plus ou moins adaptée à notre pied...
  • ... ou à un cuir rigide qu'on a du mal à assouplir

Logique, non ?

Voilà déjà quelques pistes d’explications. Mais nous verrons cela en détail dans le troisième sujet de ce guide d’achat.

Donc, revenons au montage : il vous faut du GoodYear ou du norvégien. Attention que l'on s'entende : il existe des Blake de bonne qualité. C'est juste que, si vous êtes dans une démarche de "consommer moins mais mieux", il vaut mieux acheter deux paires en GoodYear qu'en Blake. Elles vous dureront plus longtemps.

Si, toutefois, vous êtes plutôt du genre collectionneur (de paires de chaussures de qualité), des Blake pourront tout à fait venir s'insérer dans votre collection.

COMMENT FAIRE LA DIFFÉRENCE ENTRE UN MONTAGE GOODYEAR ET UN BLAKE ?

Je commence par évoquer une triste réalité : certaines marques vont abuser de votre crédulité.

Sans vraiment le dire, elles essaieront de faire passer du Blake pour du GoodYear. Parce que ceux qui n'y connaissent rien auront l'impression d'une couture en plus (donc plus de solidité) et ceux qui s'y connaissent un peu croiront reconnaître le GoodYear et seront rassurés.

Sauf qu'à partir de maintenant, vos yeux sont grand ouverts !

Le Blake
Schéma couture Blake

On remarque que la couture Blake traverse toute la semelle de l'intérieur de la chaussure à l'extérieur de celle-ci. Pour reconnaître un cousu Blake donc, vous devez, en retournant la chaussure, voir la couture courant tout le tour de la semelle (cela exclut donc les semelles soudées ou collées qui n'auront pas cette couture) mais vous devez voir aussi à l'intérieur de la chaussure, cette même couture faire tout le tour de la première de montage.

Attention, si vous ne la voyez pas, c'est qu'elle a peut-être été dissimulée par une semelle de propreté occupant tout l'espace. Comme dans les Berluti par exemple.

Intérieur chaussure Berluti

On devrait voir à l'intérieur la couture Blake. Mais ce n'est pas forcément une entreprise de dissimulation : la semelle de propreté qui recouvre la couture a pour fonction d'atténuer le relief de cette couture justement et d'offrir des finitions plus propres.

Si, à l'extérieur de la chaussure, vous avez du mal à déterminer s'il s'agit d'un GoodYear ou d'un Blake, regardez à l'intérieur de celle-ci. Si comme dans la Berluti rien n'apparaît non plus, passez votre doigt sur le bord de la semelle de propreté, vous devriez sentir une petite bosse filant le long de la doublure. C'est un Blake. Si vous ne sentez rien, c'est un GoodYear.

Les signes d'un bon Blake :

  • La couture sera réalisée avec deux fils poissés?c'est-à-dire enduits de poix (matière collante) pour plus d'étanchéit...
  • ... cousue en point noué, c'est qui donne plus de solidité à la couture (contrairement à un point de chaînette)...
  • ... et sous gravure fermée : c'est-à-dire qu'on aura recouvert la couture extérieure, sous la semelle d'une fine couche de cuir pour la protéger (on retrouve cette technique sur les autres montages de qualité).
Paire de Boston blue

© La semelle ne déborde pas, il n'y a pas de trépointe comme sur un GoodYear, c'est bien un Blake. Si on regardait à l'intérieur, on verrait la couture. Si on retournait la chaussure, on ne verrait pas la couture en revanche, cachée sous gravure fermée pour la protéger. Mais elle est bien là. (Caulaincourt)

Le GoodYear
Schéma montage GoodYear

Il est normalement assez aisé de reconnaître un cousu GoodYear. Déjà, un chausseur qui fait le choix d'un montage en GoodYear le dira ou l'affichera pour vous le faire savoir. C'est un avantage concurrentiel, surtout en entrée ou moyen de gamme.

C'est un peu plus long à faire et donc plus coûteux pour lui.

Visuellement sinon, on le reconnaît grâce à la trépointe qui fait le tour de la chaussure.

Chaussure démontée - montage couture GoodYear

On comprend bien avec la chaussure ainsi démontée : la trépointe, c'est la bande de cuir qui déborde sur l'extérieur. Cousue à la tige par une couture que vous ne voyez pas (la couture GoodYear), puis cousue à la semelle externe par la couture petits points comme sur le schéma plus haut.

Des trépointes, vous en avez déjà vues. Voilà ce que cela donne :

Chaussure Chukka Crockett & Jones

© Voilà. On voit parfaitement bien la trépointe et la couture petits points qui fait le tour. (Chukka Crockett & Jones)

Voilà. On voit parfaitement bien la trépointe et la couture petits points qui fait le tour. (Chukka Crockett & Jones)

Le faux GoodYear

Du Blake qui veut se faire passer pour du GoodYear. Ou, pire : du collé ou soudé qui veut se faire passer pour duGoodYear ! Ne soyez pas dupes.

Fausse monture en GoodYear

Une petite entourloupe made in Massimo Dutti.

La vérité, c'est que la présence d'une trépointe ne suffit pas.

Il faut regarder sous la chaussure : y a-t-il une couture tout le tour de la semelle ? Et à l'intérieur, y'en a-t-il une également ?

Pour rappel : couture intérieure = Blake SI ET SEULEMENT SI on la voit ressortir sur la semelle extérieur.

On peut très bien faire une fausse couture.

Schéma cousu norvégien

Le cousu norvégien est un cousin du montage GoodYear.

La similitude se situe dans la double couture et le système de trépointe.

La différence se situe dans le placement de la couture liant la trépointe à la tige et au mur : elle est horizontale et traversante, c'est-à-dire qu'elle se verra à l'extérieur de la chaussure.

La trépointe présentera donc deux coutures apparentes.

Paire de Ginkgo de chez Heschung

L'iconique Ginkgo de chez Heschung. On voit bien la couture plus claire du cousu norvégien et un peu moins (car plus foncée) la couture petits points.

Le montage norvégien est encore plus robuste et étanche que le montage GoodYear, mais confère aussi une esthétique un peu plus massive à la chaussure.

Voilà pour les rappels concernant les montages et ce que vous devriez vérifier pour ne pas vous faire avoir. Après, disons que les entourloupes se verront plutôt chez les marques pour lesquelles la chaussure n'est pas le métier initial.

Si vous voulez de bonnes chaussures : frappez à la porte de quelqu'un dont c'est la spécialité. C'est un métier la chaussure, c'est technique. Ça ne s'improvise pas. C'est comme les sushis que l'on trouve dans les grandes surfaces. Merci, mais… non merci.

Il faut récompenser le véritable savoir-faire, et non pas sa pâle copie.

Alors justement, il faut aller plus loin. Entrons encore davantage dans le détail de cette technicité. Si l'on veut qu'une chaussure soit durable, il faut bien vérifier qu'elle a été bien construite. Et cela passe par les coutures, l'équilibrage de la chaussure et d'autres choses encore que nous allons voir.

DES CHAUSSURES BIEN FICELÉES

Y'a pas de secret.

Les coutures de qualité sont resserrées et régulières. Il peut y avoir deux fils pour constituer la couture, ce n'est pas plus mal. Inspectez chacune d'entre elles, c'est primordial pour la longévité de la chaussure.

Voilà ce qui peut clocher.

UNE TRÉPOINTE AFFAIBLIE PAR UNE COUTURE PETITS POINTS IRRÉGULIÈRE

Défaut assemblage trépointe

Vous voyez la couture interrompue sur la trépointe ? C'est un défaut d'assemblage.

Autre point de vigilance : sur cette paire de boots, la couture petits points est aléatoire. Vous voyez la différence entre les deux ?

Défaut assemblage trépointe

© C'est la même paire de chaussures, je précise. Cela peut ne pas sauter aux yeux dans un premier temps et puis, ensuite, on ne voit plus que ça.

C'est la même paire de chaussures, je précise. Cela peut ne pas sauter aux yeux dans un premier temps et puis, ensuite, on ne voit plus que ça.

Oui, il y a une belle différence de densité de points sur ces chaussures respectives. Gardez l'œil ouvert, l'erreur est humaine, cela peut se produire dans n'importe quelle gamme de chaussures.

COUTURES TROP PROCHES DU BORD OU QUI SORTENT DE LA SEMELLE

Couture trop proche du bord semelle

© Vu sur le forum Depiedencap

La couture qui fuit hors de la semelle n'est pas bon signe.

Après quelques heures de marche, cette couture va lâcher, c'est sûr. Vous laissant sur le carreau. Plus qu'à rentrer à cloche pied.

La couture petits points doit disparaître sous le talon.

QUAND LA CHAUSSURE RÉVÈLE SON MONTAGE

Couture des petits points et couture GoodTear visibles

© photo issue du forum Depiedencap

Le problème, c'est qu'on voit la couture petits points ET la couture GoodYear censée ne pas se voir...

La couture GoodYear lie la trépointe à la tige et au mur de la première de montage. C'est elle qui solidarise toute la chaussure entre elle.

Si on voit cette couture censée être invisible, c'est un problème car cela rend le montage bien plus fragile évidemment. La solution est de ressemeler, mais je vais vous dire, cela ne devrait pas être de votre poche. Il s'agit bien d'un défaut de montage et c'est la marque qui devrait le prendre en charge. Un bon ressemelage, c'est entre 100€ et 150€.

Voilà ce qu'on devrait voir :

Couture petits points

© via forum Depiedencap

Rien. Simplement la couture petits points. Et c'est tout !

LA PORTÉE DE LA CHAUSSURE

Alors là, il s'agit de l'équilibrage de la chaussure.

Eh oui, on est bien dans le dur du sujet. Vous vouliez devenir expert, alors accrochez-vous encore !
À la fin de l'article, vous vous sentirez les épaules pour vous frotter au monde de la chaussure, j'en suis convaincu.

La portée de la chaussure est la manière dont celle-ci se comporte, à plat sur le sol, sans pied pour la remplir et sans embauchoir non plus. L'avant se soulève-t-il ? L'arrière plutôt ? Les deux ?

Cet équilibrage est important à plus d'un titre, mais le principal est votre posture, votre confort de marche. Après tout, ces chaussures sont faites pour marcher, non ? N'est-ce pas Nancy ?

Et il n'y a rien de pire que de lutter contre une paire de chaussures qui impose certains mouvements.

La chaussure une fois au pied devra faire un mouvement de balancier. Donc, voilà ce que vous devriez avoir sur un soulier neuf :

Le talon légèrement relevé, ainsi que le bout avant

© Septième Largeur

Le talon est légèrement relevé, ainsi que le bout avant. La chaussure repose sur le point d'appui principal du pied. (Septième Largeur)

Et voilà ce que vous ne voulez pas :

Chaussure bonne à gauche te chaussure défectueuse à droite

La gauche est bonne, la droite défectueuse. Quand on appuie sur l'arrière, celle de droite se soulève beaucoup trop. La semelle à l'avant ne touche plus du tout le sol.

SURPRENANT : UNE SEMELLE TROP COURTE

A gauche, ça déborde, semelle trop courte ; à droite, c'est bien équilibré

© Via forum depiedencap

A gauche, ça déborde, semelle trop courte ; à droite, c'est bien équilibré.

Attention, ce n'est pas qu'une question d'esthétique. En fait, c'est bien plus que cela. Une semelle trop courte engendrera un affaissement du cuir à l'arrière de la chaussure. Le résultat ? Une dégradation prématurée de la tige et un inconfort pour le porteur.

Ce défaut se verra également à l'avant de la chaussure.

Comparaison semelles

A gauche la bonne taille de semelle ; à droite la mauvaise.

La semelle à droite, trop courte, manque sa fonction de protection du cuir du bout dur. Là aussi, le cuir se dégradera plus vite. Ce n'est donc pas un problème à prendre à la légère.

LE PLISSEMENT DE LA TIGE

Là, c'est moins grave, mais c'est à surveiller.

Comparaison tige chaussure

© Ça se passe à l'avant de la chaussure. Vous remarquez le cuir qui gondole juste au-dessus de la trépointe ? C'est ça.

Le cuir est comme pincé. Il peut être fragilisé par le montage. En revanche, il ne faut pas s'inquiéter outre mesure. Dans le cas de la photo, ce n'est pas rédhibitoire. Si vous avez un problème esthétique avec ces plissements, c'est une chose, mais en ce qui concerne la durabilité, cela ne devrait pas jouer.

VOILÀ.

Vous connaissez à présent les défauts majeurs de cuir, de montage, de couture qui peuvent survenir sur une paire de chaussures. Ça en fait des points de vigilance.

Avant de clore cette deuxième partie, je voudrais attirer votre attention sur les finitions qui attestent d'un travail soigné. C'est-à-dire que si on observe certains de ces détails (ou tous !) sur une paire de chaussures, vous n'avez pas trop à vous en faire car ce déploiement d'efforts dans la fabrication sera la preuve d'une attention particulière portée à la qualité de celle-ci.

8 FINITIONS QUI ATTESTENT D’UN TRAVAIL SOIGNÉ

1. Couture sous gravure fermée.On en a parlé déjà : on ne voit pas la couture sous la semelle, c’est normal. Cela permet de protéger la couture et la semelle pendant les premiers ports, avant de faire poser un patin ;

Semelle chaussure Weston

Oh la jolie semelle (Weston).

2. Garniture en liège véritable et pas en pâte de liège. Dans le jargon, on appelle ça le "rempli". La pâte de liège a tendance à se tasser très rapidement. Modifiant ainsi la sensation de port et pouvant contribuer à ce que le pied ne remplisse plus aussi bien la chaussure (causant plus de plis de marche d'ailleurs) ;

Bonne gueule

© Le rempli est en plaque de liège véritable (via Jacques & Déméter)

Le rempli est en plaque de liège véritable (via Jacques & Déméter)

3. Première de montage de qualité : le collet végétal est un cuir de premier choix pour la première de montage. Si cette première est faite dans un cuir douteux, passez votre chemin ;

4. Cambrion en bois ou en cuir : reprenez le schéma sur l'anatomie d'une chaussure. Sur les chaussures d'entrée ou de moyenne gamme, il sera en plastique ou en métal. C'est une pièce qui ne se voit pas. Si la marque consent à améliorer la qualité de cette pièce invisible, c'est qu'elle est dans une démarche de qualité.

Cambrion en bois

Ici, un cambrion en bois. (Source Jacques & Déméter)

5. Lisse ronde : la lisse, c'est le bord de la semelle qui dépasse. Je crois bien qu'il existe de vraies lisses rondes, comparées à des lisses arrondies par ponçage, mais disons que c'est dans l'un et l'autre des cas, tout de même une finition appréciable ;

6. Semelle bombée : là, juste sous la plante des pieds. C'est purement esthétique ;

Finition semelle

© Patrick Frei, champion du monde. Rien que ça. Bon, sans aller jusque là, un quelconque travail de la semelle est déjà une finition qui rassure.

7. Coutures denses et régulières (6/8 points au cm) ;

8. Fils poissés comme déjà vu.

LE MOT DE LA FIN...

Le cuir est une matière animale. On devrait le juger en tant que tel. Les veines, les rides, les défauts d'aspect sont des choses normales qu'il n'est pas rare de trouver de temps en temps.

La faute à des conditions d'élevage encore perfectibles, au choix ou non d'utiliser toutes les parties de la peau (même les plus faibles) et aussi à l'industrie du luxe qui utilise la majorité des peaux pour la maroquinerie, laissant aux chausseurs moins de choix.

Il faut savoir faire preuve de souplesse, d'une exigence mesurée. Et j'espère qu'avec ce guide d'achat vous comprenez mieux les tenants et aboutissants de cette filière, les contraintes liées à ce métier et aussi toute la beauté qu'il y a dans le travail qui donne naissance à une paire de chaussure de qualité.

Dans la troisième partie, nous parlerons de style, de contexte, dans le but ultime de vous aider à savoir quel type de chaussures porter pour quel type d'événement.

Allez, à la semaine prochaine !

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