Mais que vaut Urban Outfitters, le géant américain qui vient de débarquer en France ?

6 min

Mais que vaut Urban Outfitters, le géant américain qui vient de débarquer en France ?

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Publié le : 3 avril 2018Mis à jour le : 25 avril 2018

On se croirait dans un loft new-yorkais. Il y a ce grand îlot central illuminé par une verrière, où sont suspendus des t-shirts aux impressions pop culture.

Des plantes vertes d'un côté, des notebooks de l'autre. A l'étage, un coin maison, des vinyles, un photomaton. Et partout, des fringues. Savamment disposées dans cet espace immense, aéré, et quelque part chaleureux.

A l'instar de ces vendeurs au look so Williamsburg, qui m'expliquent ce qu'est ce matériau au plafond qu'on n'a pas pris la peine de recouvrir pour conserver l'aspect « non fini » du truc, pendant que la sono diffuse un cover de Men In Black jazzy et suave.

Bienvenue au 146 Rue Rivoli à Paris, bienvenue chez Urban Outfitters.

L'ouverture de ce premier magasin UO en France, le 21 février, a suscité un gros engouement. De la part des médias, comme de ceux qu'ils appellent les fashionistas, avides de découvrir une enseigne qui carbure outre-Atlantique, faisant miroiter une nouvelle vision de l'American way of life.

Urban Outfitters, filiale leader de la franchise URBN, a en effet généré 1,4 milliards de dollars en 2017 grâce à ses 250 magasins à travers le monde. La cinquantaine de boutiques déjà établies en Europe suscitaient l'attente française, et après avoir testé le marché avec des corners aux Galeries Lafayette et au BHV, l'enseigne a fini par mettre la main sur le local immense – 900 m² – qu'elle recherchait. Le succès semble être au rendez-vous : le 146 ne désemplit pas, blindé de jeunes collégiens ou trentenaires.

UO : une expérience boutique qui vend du lifestyle

Ce n'était pas la première fois que je pénétrais dans un antre de la chaîne américaine. Pour avoir séjourné aux US, j'en étais un familier.

De quoi constater que l'atmosphère « bohème à la cool » est toujours la même, bien que le décor ne ressemble à aucun autre de ses cousins.

Chez UO, il y a tantôt du vieux parquet, tantôt de la brique apparente, ou un vieil escalier d'acier.

A Utrecht aux Pays-Bas, ils font même des combos.

Le lieu, c'est ce qui fait la force et tout le concept d'Urban. Comme un paradoxe à l'ère d'Internet.

Le fondateur Richard Hayne résume au Washington Post :

Des enseignes vont dans un centre commercial et mettent leur image dans un espace, là où nous, nous utilisons un espace existant pour améliorer notre image. Aucun de nos magasins ne ressemble à un autre. Nous allons dans ces vieux bâtiments et les adaptons pour nous-mêmes.

 

UO a bien profité du retour du vinyle : il en est aujourd'hui l'un des principaux vendeurs.

Urban Outfitters, c'est donc un condensé de deux choses : d'une part ce magasin cool, réinterprété à l'infini par le décor, qui promet une expérience shopping à part ; d'une autre, la variété de ce qui s'y vend, des vêtements multi-marques aux vinyles en passant par la déco – ce que l'entreprise regroupe sous l'appellation lifestyle.

Le but étant que le client passe du temps en boutique, et finisse par repartir avec quelque chose. Aux States, on a l'habitude de dire qu'UO a été le premier à développer (monétiser?) ce concept, depuis largement imité. Il faut lui reconnaître un esprit qui perdure depuis ses débuts, en 1970.

Le vintage store qui a su s'adapter à la jeunesse

C'est précisément en 1970 que Richard Hayne et Scott Belair, alors étudiants, ouvrent leur premier magasin à Philadelphie... pour satisfaire les besoins d'un projet d'entrepreneuriat du second.

Avec 5.000 dollars en poche, ils ouvrent une boutique qui propose des vêtements de seconde main, des bijoux et accessoires bon marché à leurs potes de campus. C'est un succès : après que Belair ait obtenu un A à son examen et filé à Wall Street, Hayne poursuit l'aventure en solo et ouvre un deuxième magasin en 1980.

Parti de la seconde main pour étudiants fauchés, Richard Hayne a créé un empire.

Il développe sa propre ligne quatre ans plus tard, et lance deux autres succursales à destination d'un public féminin au début des années 90 – Anthropologie et Free People –, qui lui permettent de multiplier les bénéfices et d'accélérer le développement d'UO.

Jusqu'à son explosion dans les années 2000, grâce à l'apparition du phénomène hipster. Urban, qui a toujours navigué entre le vintage et le bohème décalé de ses créations, répond alors aux attentes de cette clientèle qui fera ses meilleures recettes. Fort du retour sur ses boutiques, il en ouvre 150 entre 2005 et 2013.

Le terme de cette tendance hipster, en plus des nombreuses polémiques liées à des imprimés provocateurs, mettront l'entreprise en difficulté. La chute du CA après 2010 est interprétée comme un rajeunissement de sa cible, alors pour retrouver les 18-28 ans, elle décide d'augmenter ses prix, de réduire sa gamme vintage, et d'introduire des marques plus en vogue, telles Adidas, Fila ou Calvin Klein, qui débarquent massivement dans ses rayons courant 2015. Une cure de jouvence bien sentie.

Les vêtements UO, du sportswear rétro

Une sélection à base de Kappa et Champion

Urban a depuis retrouvé des couleurs. Il surfe maintenant sur la vague années 90 et sportswear, dont vous avez sûrement remarqué le retour au premier plan ces dernières années. Difficile de la rater, puisque l'un de ses signes particuliers s'affiche en GROS sur des sweats oversized.

C'est bon, on t'a vu, Tommy.

Toujours loué pour l'éclectisme de ses sélections de vêtements, UO a semble-t-il restreint son champ d'action. A part une touche streetwear destinée au skateur – avec les Stüssy, Dickies ou Obey –, et quelques modèles classiques comme la veste en denim, il ne jure désormais que par ce sportswear rétro, ultra-représenté par toutes les marques résurgentes qu'il distribue – et auxquelles on peut ajouter Hilfiger, Kappa et Champion –, mais aussi à travers ses propres créations.

Iets Frans en est le meilleur exemple. Cette vraie-fausse gamme d'UO (comme les jeans siglés BDG, qui sont bien les siens) présente des sweats, ensembles survêtements et joggings à boutons-pression aux designs largement inspirés de ceux de ses illustres aînés.

Un haut de survêtement unisexe d'Iets Frans. Toute ressemblance avec un Kappa serait... ah non c'est bon, tout baigne.

Pour résumer, on dira qu'Urban imite les modèles qui marchent pour proposer des produits visuellement similaires à des prix plus faibles. Habile. Mais bien trop cher pour la qualité affichée.

La marque Urban Outfitters : trop chère pour ce qu'elle est

Nous y voilà. J'ai testé, ou vu : le t-shirt qui se délave et rétrécit, le jean qui vieillit vite et mal, la maille acrylique qui devient difforme... en gros, des fringues souvent bas de gamme, très synthétiques. Du Zara en plus cher. Morceaux choisis.

Prenons cet hoodie ''oversized'' que j'ai pu toucher en magasin : bien que dénué d'étiquette intérieure (!), il flaire la matière synthétique et son tissu la durée de vie limitée. Pour 55 euros, mieux vaut faire un size up chez Uniqlo au profit d'un 100% coton et se faire un petit resto avec ce qui reste.

Pour 10 euros de plus, on a un modèle similaire, tout aussi fin et synthétique (30% de polyester, là c'est noté), pourtant appelé ''premium'', sans doute pour la broderie. Cette fois, on peut se diriger sereinement vers le modèle Chase de Carhartt pour encore plus de fiabilité, et il restera de quoi se faire un grec.

Une belle veste tout en synthétique (ce qui est encore plus frappant de visu avec ce col imitation mouton), pour la modique somme de 100 euros.

Le comparatif avec un ambassadeur de la fast fashion n'est pas exagéré : UO en reprend les codes, des drops continuels aux promotions permanentes, un rayon étant dédié aux soldes dans chacun de ses magasins. Celui de Paris promet du 75% sur une sélection de produits... et curieux hasard, c'est du UO qu'on retrouve essentiellement.

Tout ça ne veut pas dire qu'il n'y aura rien d'intéressant chez Urban. Outre le sportswear qu'il représente par des marques plus qualitatives comme Champion – mais qui à moins d'en être adepte laissera de marbre –, on peut craquer sur un t-shirt pop culture ou une pièce vintage de sa gamme Urban Renewal – ça m'est arrivé.

Même si dans ce dernier cas elle reste rare, noyée dans une masse souvent décevante car encore une fois trop chère pour ce qu'elle est.

40 euros la chemise seconde main, à ce prix là, on aura sûrement mieux, et plus, directement en friperie.

En conclusion : une touche positive en attente

Le meilleur d'UO réside sans doute dans les petites marques créateurs/émergentes qu'il peut également distribuer. C'est l'un de ses crédos appréciables : là où il s'implante, il cherche à vendre du local.

J'ai eu l'occasion de découvrir quelques trucs intéressants outre-Atlantique, comme le Publish des débuts ou Alstyle, qui commercialise des t-shirts à prix doux épais et durables. Mais UO n'a visiblement pas bouclé son implantation française. Que ce soit sur la boutique parisienne ou le site web, on ne trouve pas trace de ce type de griffe découverte.

En attendant de voir ce qu'il pourra proposer à ce sujet, Urban, plus intéressant pour le shopper traqueur de tendances que le passionné de mode soucieux du produit, devrait rester l'objet d'une bonne balade. Parce que le magasin est quand même cool.

Mince, j'ai acheté un cactus.

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