Test de marque : LaneFortyfive

LaneFortyfive est une marque ovni. Et sans me rappeler précisément quand je l’ai découverte, je sais qu’elle m’a immédiatement fait une forte impression.

Le genre de découverte qui vous font aimer la mode.

Seulement pour moi, au début, c’était trop. Les volumes, les silhouettes, je ne pouvais pas y accéder tout de suite. Je les trouvais beaux sans les comprendre tout à fait.

Et c’est peut-être l’impression qui sera la vôtre en découvrant les pièces que j’ai sélectionnées.

Quand on fait un tour sur le site de la marque, on se rend compte tout de suite qu’il se passe quelque chose de différent. D’abord le site se rapproche plus d’un book de photographe que d’un e-shop. Ça en dit déjà long sur la vision de Tanmay Saxena, le fondateur et lui-même photographe (c’est lui qui shoote les campagnes de la marque).

Je ne m’étendrai pas ici sur les influences de Tan et sur son parcours car Jerome l’a déjà interviewé ici. D’ailleurs si vous ne connaissez pas la marque, c’est probablement par là que vous devriez commencer.

C’est riche et passionnant.

Dans cet article-ci, on montre, on teste, on questionne les vêtements de la marque. Et plus particulièrement deux ensembles que Tan m’a gentiment envoyés gratuitement.

Mais parlons d'abord d'une particularité de la marque.

Devenez styliste

LaneFortyfive n'est pas une marque traditionnelle qui, tous les 6 mois, sort une collection entière en espérant que les clients aimeront suffisamment tous les vêtements créés pour les acheter tels quels.

L45, comme son fondateur l'indique dans l'interview que Jerome a faite de lui, aime l'idée de co-création avec le client. Bien sûr, l'échange entre le client et la marque commence avec une collection. À partir de là, le client pourra choisir son tissu parmi une sélection plus ou moins grande selon la pièce.

Et ça ne s'arrête pas là puisque si vous le souhaitez, vous pouvez entamer une discussion avec L45 pour définir ensemble les dimensions souhaitées de votre vêtement (à distance ou physiquement à Londres).

Ensuite les pièces sont fabriquées dans leur atelier en Angleterre.

Entre nous, je suis sûr qu'en échangeant par mail vous pouvez aussi personnaliser d'autres détails du vêtement. Ce n'est pas une marque froide avec un service client rigide comme on peut en trouver ailleurs, mais la philosophie L45 est plus proche de celle d'un tailleur qui est proche de son client et s'emploie à s'adapter à ses besoins spécifiques.

Je vous dis ça et en même temps ça n'a pas du tout était le chemin que j'ai pris avec L45.

Je me suis laisser séduire par l'image. Et ce, pour les deux ensembles choisis.

Un ensemble écru et un ensemble noir, pour coller au plus près des deux facettes de ma personnalité. Le costume écru pour mes journées de lumière, le noir quand l'humeur est maussade.

Ou l'inverse. Proportionnellement. Et la réciproque étant vraie, j'en sais rien. J'improvise.

Bref, je voulais savoir ce que ça faisait de me retrouver dans ces ensembles.

J'ai demandé cela à Tan, alors qu'on aurait pu créer quelque chose d'autre, de plus original, de plus coloré même (faites un tour sur l'e-shop, il y a vraiment des pièces inspirées de ses origines indiennes qui chatouillent la pupille) mais c'est ça que je voulais.

Et Tan, devant cette demande assez déraisonnable, m'a dit : "ok, très bon choix."

Ensemble n°1

Comment vous le dire.

Ce qui m'a plu d'emblée se résume à une seule idée, qui peut-être vous surprendra mais : c'est comme si les vêtements surgissaient vers nous.

On atteint une toute nouvelle dimension de soi avec ces vêtements. Ils sont en relief, ils donnent une allure dynamique. Il ne se contente pas de vêtir votre corps, ils le mettent en mouvement.

Je vous l'accorde, ça se voit mal sur les deux photos cliniques des vêtements posés sur une table. Alors je vous mets tout de suite, une photo de l'ensemble juste là.

Si ces vêtements surgissent, c'est grâce à plusieurs éléments :

• D'abord cette pince extrême qui prend les trois-quarts de la jambe
• Ensuite ces poches à soufflets qui se prolongent sur les flancs
• Et puis l'épaisseur de ce denim qui donne du corps aux revers et au reste de la tenue

C'est remarquable. Pour moi c'est la preuve de tout ce que peut apporter un véritable travail de design.

Un vêtement ce n'est pas simplement une matière, ce n'est pas simplement une couleur, le fait de mettre des patchs, ajouter des choses pour singulariser. Avant tout ça, il y a le travail de coupe et de stylisme de la pièce. C'est le vrai socle d'un bon vêtement.

Puisque finalement, les autres éléments de cet ensemble sont assez neutres : la matière est sage, la couleur est habituelle (outre le fait qu'un costume blanc ne se voit pas tous les jours) et il n'y a pas beaucoup de détails ostentatoires (poches, boutons, coutures, fermetures éclair ou autres).

Tout se joue sur la coupe et le design.

Et de ce point de vue là, le pantalon se distingue particulièrement.

Évidemment ce qui saute aux yeux, c'est le fait que le tissu soit pincé de manière spectaculaire sur presque toute la jambe. Cela fait penser immédiatement penser à l'Inde. Je me dis que ce doit être des coupes qui se sont portées ou se portent peut-être encore. Mais mes recherches ne donnent rien de précis à ce sujet. J'ai contacté Tan pour qu'il m'éclaire sur ce sujet et je ne manquerai pas de mettre ici ses réponses.

Vous vous en doutez, c'est un pantalon confortable. Je pourrais faire de la capoeria sans problème avec. Si je savais faire.

C'est le genre de pantalon qui se rapproche, j'imagine, de la sensation que pas faire une jupe. Si je me tiens bien droit sans bouger, aucun centimètre carré de ma peau n'est touché par le tissu. C'est la définition du confort. La liberté totale de bouger comme on l'entend.

Je n'ai pas grand-chose à dire de plus que ça. Le reste, les détails, je les ai pris en photo. Mais je trouve qu'ils n'ont que peu d'importance. Ce qu'il faut savoir, c'est que c'est bien fait. Les détails sont assez bruts et ça va exactement avec ce que véhicule la marque.

C'est propre mais pas d'effort particulier sur les petits détails. Personnellement, je suis bien plus ému par le tombé d'un vêtement que par le clinquant d'un zip. Et c'est exactement ce que donne la marque.

Le tissu est un denim écru avec de belles petites aspérités qui verse toujours dans l'authentique. Les lignes diagonales typiquement du twill renforcent la présence du tissu.

Par sa couleur et son utilisation inhabituelle (ça reste un costume), on se rend pas compte que c'est du denim. Et je trouve pourtant que c'est le tissu parfait pour cette forme d'ensemble : décontractée avec des twists (pinces spectaculaires sur la jambe et poches en relief en tête).

En parlant des poches, voyons la veste.

Bien sûr, on remarque une simplicité dans la forme. Deux revers, deux boutons et deux poches.

Les choses qui sont remarquables :

• Les poches à soufflet débordent sur le flanc et le dos. Cela fait donc des poches beaucoup plus grandes que la normale et ce petit twist suffit à donner beaucoup de charme.
• Le placement des boutons : le premier monte haut et le deuxième descend bas. Cela renforce la décontraction de la pièce. Et ils se positionnent harmonieusement sur la longueur de tissu restant entre le bas du revers et celui de la veste.
• La coupe de la veste est boxy : courte et ample. Je ne sais pas si vous vous rendez compte à quel point la veste est courte. Franchement, j'ai même envoyé un mail à Tan faisant part de mes doutes. Mais c'était simplement à la réception car plus je le porte et le vois plus je trouve cela cohérent dans la silhouette. Bien sûr, cela va avec un pantalon taille haute. Très haute même. Si vous essayez de la porter avec un jean taille basse, c'est le gadin assuré. Rien ne ressortira de cette tentative que désolation et quolibets.

La veste est entièrement déconstruite. Comment faire autrement ici ? C'est parfaitement logique avec le registre de cet ensemble. D'ailleurs, ce n'est pas tellement une veste, c'est plutôt une surchemise. C'est en tout cas la sensation qu'on a en la portant.

La conséquence visuelle de ça, c'est que, comme il n'y a pas de structures aux épaules, celles-ci tombent rondes. Et cela va parfaitement avec la rondeur des poches et du bas de la veste. L45 vise l'harmonie des détails pour créer des pièces cohérentes qui, même si elles sont singulières, se présentent le plus naturellement du monde.

Quelques autres détails :

Ensemble n°2

Virage à 180. Cette fois, on plonge dans le noir. Je porte peu de noir. À part pour les chaussures et chaussettes. Je trouve que ça va magnifiquement bien avec des pantalons verts, marron, bleu, blanc… tous en fait.

L'idée était donc la même que sur le premier ensemble : laisser toute sa place au travail de coupe et à la matière.

L'ensemble porté donne ça :

C'est une allure complète, difficilement dépassable par l'ajout de vêtements complémentaires. On peut bien sûr envisager de porter le pantalon et la chemise, séparés de cet ensemble, dans des tenues du quotidien mais le manteau, c'est plus compliqué.

C'est une pièce plus image disons.

Comme ça si je devais la prélever pour l'intégrer dans une autre tenue, je ne saurais pas tellement par où commencer. Il faudrait que je fasse quelques tests avec les éléments de mon dressing. Si vous avez des idées, la section commentaire de l'article est votre amie.

Voilà comment se présente le manteau en détails.

Et la matière, c'est un lin épais qui peut nous accompagner assez loin dans la demi-saison. C'est conçu pour un été au Royaume-Uni donc peut-être un peu trop épais pour un été chez nous.

Je parle de la veste et du pantalon, qui sont confectionnés dans le même tissu. La chemise est en lin plus léger. (Je reprécise que j'attends des éléments plus techniques de la part de la marque.)

L'armure toile offre un aspect authentique. On sent qu'il est durable et casse rond. C'est ce qu'on dit pour le lin de bonne qualité. Et surtout le lin assez épais en fait qui ne va pas trop froisser et s'il froisse cela sera moins anguleux que ce que ce qu'on peut voir sur du lin très fin.

Parfait pour un manteau, une veste ou un pantalon.

Cette épaisseur de lin est, je trouve, injustement inexploitée pour des vêtements d’hiver. Alors que le lin conserve certaines propriétés très utiles en hiver : sa résistance, sa capacité à évacuer l’humidité, sa force thermorégulatrice.

Ce qui me laisse de l’espoir de porter ces vêtements plus longtemps dans la demi-saison donc. Je verrai par moi-même.

Je pose aussi cette réflexion ici mais on a tendance à constater que la couleur noires sur des vêtements vieillit mal. Cela dépend évidemment de la qualité de ceux-ci. Mais cela concerne surtout le coton. Et on peut tomber, dans des friperies sur de vieilles vestes de travail en lin noir et leur patine est sublime. Je pense que ces vêtements prendront la même direction.

Voyons maintenant le pantalon d’un peu plus près.

Petite note : je le trouve un peu trop long sur moi. Je porte généralement des pantalons plus courts. J’irai donc chez un retoucheur dès que possible. Cela dit, je l’ai porté avec un t-shirt en mode baggy jeans avec un stacking léger et ce n’était pas si mal. C’est juste que ça me raccourcit la jambe et je veux éviter ça à tout prix. Comme on peut lire dans cet article que j’ai écrit sur la taille haute. Et je n’aime pas non plus la sensation d’avoir un pantalon qui s’appuie trop sur mon pied. Je ne sais pas.

Les pinces sont moins généreuses que sur l’écru. Elles sont positionnées plutôt vers l’extérieur de la jambe et sont tournées vers l’extérieur aussi. Cela donne un petit quelque chose de différent.

La ceinture est assez classique et la seule autre particulièrement (hormis sa coupe), c’est cette couture qui intervient en bas de jambes.

Parlons coupe maintenant : il est taille haute toujours. Un peu moins que l’écru mais à notre époque, ça ferait syncoper plus d’une personne.

Ouverture de jambes : 23,5cm

Demi-cuisse : 34cm

Une belle coupe droite et ample qui donne du corps aux silhouettes.

Et pour ceux qui aiment les détails :

On va finir rapidement par la chemise sur laquelle, il n’y a pas beaucoup de choses à dire.

Les trois particularités de celle-ci sont les suivantes :

• Le col mao à angle droit : il donne un côté vraiment solennel à son porteur, ce n’est pas pour tout le monde.
• La poche unique, non pas sur la poitrine, mais sur le flanc gauche.
• Une boutonnière à gorge cachée qui rend la chemise plus habillée et met en valeur le seul bouton que l’on voit, juste à la base du cou qui devient alors plus qu’un bouton mais presque comme un bijou.

La coupe est droite, comme vous l’aurez compris je pense si vous commencez à cerner Lanefortyfive.

Les détails de la chemise en photo :

Quelques autres photos du shooting

Le mot de la fin

La force de Lanefortyfive c’est de proposer des silhouettes qu’on ne voit pas ailleurs. Le travail de coupe et de design y est extrêmement poussé et ce pourrait être un partenaire qui vous accompagne dans la recherche d’une nouvelle allure.

Je vous invite vraiment à vous perdre sur leur e-shop un peu labyrinthique et vous laisser surprendre par certaines pièces. Je suis aussi très attiré par les grosses pièces d’hiver avec des imprimés all-over. Cela se voit peu dans le vestiaire masculin et c’est véritablement rafraîchissant de savoir que Lanefortyfive s’emploie toujours à mettre un grand coup de pied dans la fourmilière de nos croyances vestimentaires.