Ces mannequins que vous ne voyez jamais

Il y a les mannequins qu’on voit.

Et il y a ceux dont on ignore carrément l’existence, alors qu’ils sont tout aussi importants.

Ils ont la chance d’avoir une morphologie qui correspond à la taille standard d’une marque.

Loin des projecteurs, ils oeuvrent dans l'ombre pour permettre aux créateurs de peaufiner leurs pièces avant de lancer la production, avant de se retrouver ensuite sur nos jambes ou nos épaules.

Ces mannequins de l’ombre, ce sont les “mannequins cabine”.

Comme évoqué par Benoît dans son dernier bilan annuel, on travaille depuis fin 2022 avec des mannequins cabine qui nous ont aidé à revoir et harmoniser nos coupes.

La première fois que j'ai entendu ce terme, c'était un après-midi au bureau. J'ai à peine passé la porte d'entrée que Landry, notre (ancienne) technicienne produit, arrive en trombe en me disant "Séb, j'ai besoin de ton corps. Faut que tu passes des vêtements pour que je puisse y faire des rectifications". Je me suis donc improvisé mannequin, le temps d'une heure.

Mais ce n'est pas mon métier d'être mannequin.

Le terme “cabine” désigne l’ensemble des mannequins qui travaillent en interne pour une marque et qui aident à la mise au point des vêtements. Ces mannequins ne sont pas visibles par le grand public.

Le mannequin cabine de production a un rôle déterminant dans la confection des collections. Il doit avoir une morphologie très spécifique qui servira de standard à la marque.

Il est sélectionné en raison de ses mensurations qui permettent à l’équipe créative de normaliser les pièces : on essaie de s’approcher au mieux de la taille universelle définie au préalable (je reviendrai un peu plus loin sur cette notion), dans le but que les vêtements aillent ensuite au plus grand nombre de personnes.

Dans les faits, c’est sur lui que dernières mises au point du produit sont faites avant commercialisation.

Ils interviennent à la demande du pôle créatif d’une marque, après que les prototypes définitifs ont été validés et avant le lancement de la production de la collection. Les pièces sont donc confirmées, on cherche juste à bien peaufiner leurs coupes et les derniers détails.

C’est sur lui que les mesures “standards” vont être prises. La validation des mesures se fait sur un mannequin qui fait une taille M, puis l’équipe de création effectue une (dé)gradation qui correspond aux différentes tailles de vêtements (S,L, XL…).

Pour beaucoup, c’est un métier à temps plein : ils travaillent le plus souvent pour des agences spécialisées et collaborent avec différentes marques aux univers variés.

Ce mannequin n’est donc jamais exposé au public.

Concernant cette notion de “taille universelle”, notre ami rédacteur Michel l’a détaillée dans cet article comment les marques définissent les tailles.

Dans les grandes lignes, les marques établissent des grilles de tailles qu’elles appliqueront ensuite au centimètre près entre chaque taille de vêtement et une fourchette de mensurations du corps humain.

Et pour concevoir ces grilles, elles peuvent s’appuyer sur :

• Des informations statistiques
• Les fournisseurs
• Les autres marques?Ce qui permet au client d’avoir un sizing cohérent entre plusieurs marques
• La récolte d’avis des clients
• Les vêtements en eux-mêmes
• Des experts, qu’ils stylistes ou mannequins
• Le marketing, et plus précisément son identité de marque.

Chez BonneGueule, on s’appuie sur les retours clients, mais surtout sur les “experts”. Et c’est là que nos mannequins cabines interviennent !

Ces êtres aux mensurations parfaites?Dans le sens strictement vestimentaire du terme, ne nous méprenons pas. où chaque mesure correspondra parfaitement à la taille standard centrale de la marque au gré de saisons et collections.

Il n’est pas toujours évident pour l’équipe de création d’une marque de trouver le profil idéal et “passe-partout” qui corresponde toujours à la direction artistique prise pour le vêtement à essayer. Un casting est donc nécessaire pour trouver le mannequin idéal ! Tout est question du style qu’on veut donner au vêtement.

On sélectionne une personne qui servira de base au sizing, généralement du M. L’équipe produit fait ensuite une gradation des tailles à partir de là.

Chez BonneGueule, on travaille avec Gaël depuis près d’un an. Il a les mensurations idéales qui correspondent au M qu’on retrouve dans la plupart critères internationaux?Selon les statistiques anthropométriques :

• Taille : 180cm
• Tour de poitrine (à l’endroit le plus fort) : 97cm
• Tour de taille (à la hauteur du nombril) : 80cm
• Tour de bassin (à l’endroit le plus fort) : 95cm
• Tour d’encolure (de la base du cou à l’emmanchure) : 39,5 cm

Sa morphologie est le standard de la très grande majorité des marques. Et ce, même si les mesures d’un vêtement à l’autre peuvent varier en fonction de la matière utilisée.

Et donc, comment se passe la vie d’une telle personne qui vit à l’ombre du podium ?

Il faut des qualités aussi bien physiques que morales :

• De la disponibilité : il faut pouvoir répondre présent dès qu’une marque le sollicite ;
• Ne pas être susceptible : l’équipe de création peut débattre autour de la silhouette qu’apportera le vêtement, en faisant abstraction du mannequin ;
• De l’endurance : il court à la fois partout, et se tient immobile parfois de longues minutes ;
• Évidemment, garder la ligne, un physique stable. Il faut des mensurations précises pour correspondre à la taille de la marque ;
• De la rigueur et de la discrétion, puisqu’ils travaillent sur des pièces confidentielles.

Gaël est venu par exemple un lundi matin, sur un créneau très serré : de 9h50 à 10h50. Pas une minute de plus puisqu’il avait d’autres essayages à faire dans la journée.

Il s’est changé dès son arrivée pour essayer les pièces d’une de nos collections à venir bientôt, qui comprenait :

• Une veste de costume croisée en seersucker ;
• Le pantalon qui allait avec ;
• Un nouveau jean ;
• Un nouveau pantalon ;
• Un blouson d’été.

Quant à l’équipe, elle s’assure du tombé des pièces portées.

Chaque essai est entrecoupé de commentaires et de rectifications à apporter à la pièce, qui seront ensuite envoyés au fournisseurs.

Je ne l’ai pas précisé, mais il ne se contente pas seulement d’essayer les pièces qu’on lui présente. Il fait également des retours à l’équipe sur le port du vêtement : est-ce trop serré ? trop ample ? est-ce qu’il peut lever facilement le bras ou plier la jambe sans être bloqué par le vêtement ?

Son ressenti est pris en compte par l’équipe pour améliorer le mieux possible la pièce qui sera par la suite portée par des centaines de personnes, de tailles et de corpulences différentes.

Les rectifications que l’équipe de création veut apporter sont représentées par des fils rouges, bien distincts.

Dans un cas idéal, une véritable complicité se crée entre le mannequin et l’équipe, ce qui peut aider à faciliter la mise au point des produits.

Notre cofondateur Benoit avait évoqué nos changements de fits dans son traditionnel bilan annuel.

Faire essayer nos vêtements sur la même personne nous a permis de revoir tout le dimensionnement (sizing) de nos vêtements et in fine, de normaliser nos coupes. Histoire de créer de vrais vêtements avec des tailles fixes et stables.

Des vêtements qui peuvent aller mieux, à plus de monde.

On avait tendance à proposer des vêtements dont les tailles étaient parfois plus ajustées que prévu, nous retrouvant donc parfois entre deux tailles et pour lesquelles il fallait faire un compromis : un M serré ou un L (trop) ample ?

Avant de faire appel à lui, les membres de l’équipe servaient de cobayes en fonction de la pièce et du rendu qu’on voulait avoir. Mais c’était au risque d’avoir des tailles moins “authentiques”.

D'où l'intérêt d'avoir fait ce passage avec des mannequins cabine !

J’espère vous avoir appris des choses sur ce métier méconnu, ainsi que sur les coulisses de la confection de vêtements. Si vous avez des questions ou remarques, n'hésitez pas à laisser un commentaire !