Test : Three Animals, la nouvelle vague des créateurs chinois
Vous avez certainement pu lire l'article de Geoffrey sur la (vraie) vérité du made in China et apercevoir Ming, la créatrice de Three Animals. Cette fois-ci, on va vous présenter en détails cette marque pleine de ressources. Tout le monde est unanime dans l'équipe , c'est typiquement le genre de marques auxquelles on croit.
A présent, installez-vous confortablement dans votre fauteuil : c'est parti pour un petit voyage entre le France et la Chine.
Pourquoi Three Animals ?
Three animals est une marque ethnique, directement inspirée de l'éléphant (pour la fortune), le chameau (pour l'indépendance d'esprit) et la chèvre (pour l'esprit aventurier). Ce symbolisme chinois traduit l’esprit et la philosophie de la marque, définissant ainsi un style original et habillé, avec quelques détails ethniques.
Pourquoi un style ethnique ? C'est un terme qu'on entend un peu à tort et à travers mais qui a ici une vraie signification. Ming est d'origine chinoise et vit à Paris depuis 10 ans. Elle est profondément attachée à l'artisanat chinois (j'y reviendrai) et sa marque Three Animals traduit bien cette double appartenance culturelle franco-chinoise. Elle utilise de nombreux imprimés, motifs et matières qui rappellent les héritages orientaux et asiatiques, couplés à des coupes occidentales.
Un petit avant goût de la collection Automne / Hiver 2013-2014.
Je peux vous dire que ce sera (encore) un bon mix entre pièces fortes et basiques 😉
Voyage entre La France et la Chine
Une recherche de la qualité par l'artisanat
Pour préparer et développer ses collections, Ming passe beaucoup de temps en Chine. L'intégralité des produits sont conçus et fabriqués dans un atelier hautement qualifié à Shanghai et dans ses environs.
C'est dans ce village qu'une partie de la magie opère ... (j'y reviens juste après)
Ming apporte une attention particulière à tous les éléments qui traduisent un vêtement de qualité :
- Les matières : elles sont 100 % naturelles et produites artisanalement. La production est respectueuse de l'environnement : tant qu'à faire autant éviter d'utiliser des colorants nocifs à la nature (et aux salariés par la même occasion) que certaines grandes enseignes utilisent.
- Un montage rigoureux : des vêtements bien coupés et confortables.
- Des finitions impecables : des coutures propres et régulières
Et elle ne néglige pas le style avec des détails qui apportent de l'originalité. Que ce soit sur un basique ou une pièce forte, il y a toujours un détail discret qui fait la différence.
Un artisanat local n°1 : la fabrication des tissus
Lors de son dernier voyage, Ming nous a rapporté des photos prises lors de la fabrication de ses tissus. Je précise que tous les tissus de la collection ne sont pas faits dans ce petit village (mais une bonne partie quand même).
Concrètement, avant d'obtenir l'armure finale du tissu (croisement de chaîne et de la trame), il y a un certain nombre d'étapes à respecter.
Le nettoyage des ballots de coton et l'encollage
Comme vous le savez, le coton est d'origine naturelle. Sur cette photo, vous pouvez voir à quoi ressemble le coton à l'état brut. La première étape consiste à nettoyer le coton de ses impuretés pour qu'il soit plus facilement exploitable.
Ce bain contient également de l'amidon (aujourd'hui très fréquemment remplacé par des produits de synthèse) pour durcir le coton afin de mieux supporter les contraintes infligées par le tissage. C'est ce qu'on appelle l'encollage.
Note de Geoffrey : Cela existe aussi dans les filatures de laine. On y imbibe souvent la laine brute de fibres de cellulose pour la renforcer.
Le doublage
C'est une étape importante dans la constitution de la fibre de coton (qui doit être la plus longue possible). C'est cette fibre qui servira directement à fabriquer le fil du tissu.
Le doublage consiste à rendre parallèles les fibres et à les dissocier les unes des autres. Notez que tout est réalisé à la main. Ensuite, il faut laisser les fibres de coton sécher.
Le peignage
Il s'agit d'affiner le parallélisme des fibres. Comme son nom l'indique, cette opération consiste à démêler les fibres entre elles et à enlever les plus courtes pour ne conserver que les plus longues pour obtenir un fil de coton de meilleure qualité.
L'étirage
Une fois toutes les fibres séparées les unes des autres, il faut tendre la fibre en vue de l'étape suivante (la torsion du fil).
On voit bien toutes les fibres à droite.
Les fibres sont bien parallèles et prêtes à être exploitées pour la prochaine étape.
Le filage
Cette étape est souvent mécanisée, car les machines permettent une torsion de la fibre plus puissante. Plus la torsion est forte, plus le fil sera de qualité car densifié.
Il y a plusieurs types de torsions :
- La torsion en S ou Z pour un fil simple,
- La torsion en S dans le cas d'un double-fil ou double-retors (terme très présent en chemiserie).
Le tissage
Le tissage consiste à entrecroiser deux séries de fils perpendiculaires : les fils de chaîne (horizontaux), et les fils de trame (verticaux). Préalablement, on prépare les fils de chaîne et les fils de trame.
Un métier à tisser traditionnel à navette.
À la différence d'un métier à tisser industriel, le métier à tisser traditionnel utilise des navettes qui bougent via la pédale actionnée par l'ouvrière. Les navettes entrecroisent le fil de trame avec le fil de chaîne, pour former le tissu. On est vraiment au coeur de l'artisanat textile comme il en existe peu aujourd'hui. Et c'est bien de la Chine qu'on parle.
La teinte des tissus
Une fois encore, c'est vraiment de l'artisanat pur et dur. J'insiste sur ce point car c'est très rare de retrouver ses méthodes dans le prêt-à-porter d'aujourd'hui. Le tissu est plongé dans le bain indigo, puis séché, puis replongé à nouveau dans le bain, etc... pour teindre en profondeur la fibre.
Un petit coup de nettoyage dans la rivière et le tour est joué.
Bien entendu les pigments qui servent à teindre le tissu
sont naturels pour ne pas polluer l'eau.
Et voilà le résultat : des tissus faits main !
Ming tient absolument à conserver cet artisanat. Via sa marque, il y a aussi une démarche de développement durable qui contribue à son échelle, à améliorer les conditions de vie et de travail des artisans. Et bien sûr, perpétuer un artisanat plusieurs fois millénaire.
En effet, la Chine a un vrai savoir-faire avec les matières naturelles. C'est un héritage axé sur le coton, le lin et la soie et on trouve facilement des matières bio ou éco-friendly.
Un artisanat local n°2 : la conception et le montage
Une fois la fabrication des tissus terminée, on passe à la conception et au montage.
Le moulage
Le moulage est l'étape où l'on façonne le vêtement. Autrement dit, c'est à cet instant que le modéliste réalise les lignes du produit (sa coupe) à partir des dessins de Ming et des instructions données par le styliste. Notez qu'on ne travaille pas directement sur les tissus mais sur une toile de moulage (que vous pouvez voir sur la photo) : on mesure, on découpe, on coud, on réajuste et ainsi de suite, jusqu'à que tout soit parfait au millimètre près. Les modélistes, ce sont un peu les comptables de la mode 🙂
Une fois cette étape finie, on obtient une sorte de prototype qui sera la base du patronage.
Le patronage
C'est le prolongement du moulage. On réalise toutes les parties d'un vêtement à l'aide de mesures très précises obtenues via le moulage. C'est également un travail technique. C'est pour ça qu'on distingue le travail de la styliste (la personne qui imagine et dessine les modèles : partie créative) de celui du modéliste (pour cette partie technique). Même si beaucoup de personnes savent faire les deux.
Le réglage et découpage
Voici les différentes pièces de patronage
placées sur le tissu avant qu'il ne soit découpé.
Quand la matière fait intervenir des motifs (carreaux, rayures...), on procède au réglage. On ajuste la découpe de telle sorte que le motif soit continu entre deux pièces de patronage assemblées. Par exemple entre les manches d'une veste et les épaules. C'est un travail supplémentaire, qui explique pourquoi les vêtements à motifs coûtent parfois un peu plus cher.
Concernant le découpage, je ne vous fais pas de dessins, on découpe le tissu en suivant le patronage. Ici, on découpe de manière artisanale avec un placement et une découpe manuelle aux ciseaux. Mais à une échelle industrielle, la découpe se fait à l'aide d'une scie électrique qui vient couper plusieurs épaisseurs de tissus (on appelle cela un matelas). Parfois, la découpe est entièrement automatisée avec un robot. Ce n'est pas moins bien, mais certaines découpes et réglages complexes demeurent impossibles à exécuter de manière industrielle.
L'assemblage et les finitions
On retrouve le modéliste en chef :
c'est l'homme à tout faire dans la fabrication du vêtement
C'est la dernière étape avant d'obtenir le vêtement. On coud toutes les parties de la pièce. Une étape cruciale où les ouvriers mettent l'accent sur la qualité des finitions (j'y reviendrai lors du test).
Three Animals : un style ethnique qui se démarque
Dans le prêt-à-porter habituel, je déplore un peu le manque d'audace et de prise de risque des marques. Fort heureusement, les jeunes créateurs comme Ming proposent des pièces originales sans tomber dans le vulgaire façon Desigual.
Three Animals est in fine un mélange entre minimalisme oriental et des inspirations occidentales caractérisées par des motifs imprimés (assez rétro), des empiècements de cuirs suédés et des imprimés floraux (signature de la marque). J'ai choisi de vous présenter quelques pièces phares (et fortes).
Le trench est revisité par Three Animals :
bi-couleur, poches patch, protège-col,
boutons en corne, doublure en imprimés floraux.
Les imprimés floraux en coton (signature de la marque)
que l'on retrouve dans les blazers également.
Remarquez les finitions qui sont impeccables !
Chemise imprimée à motifs rétro, poche inversée en cuir suédé à la poitrine, empiècement en cuir suédé dans le haut du dos et sur la gorge de la chemise, boutons en bois : c'est discret, raffiné et original.
Dans un style plus formel, cette chemise est également intéressante.
Une chemise bi-couleur en apparence "classique".
Et voici ce que l'on trouve quand on s'y penche de plus près : de beaux boutons en bois brûlé !
Il y a vraiment un beau travail sur les détails.
Test : une fois portée, toujours aussi convaincu ?
Parfois, on peut adorer une pièce sur le mannequin et une fois qu'on l'essaye, on déchante. Eh bien cette fois, je n'ai pas eu cette impression, bien au contraire !
Alexandre
C'est le petit nouveau chez BonneGueule ! Alex et moi avons préparé chacun 2 looks pour vous donner des idées de tenues tout en les décryptant.
Note de Geoffrey : Bienvenue à Alexandre. Il travaille sur le projet secret prévu pour la fin de l'année, et qui sera encore plus gros que le Programme BG et les collabs. C'est un gros adepte de streetwear (il va apporter ce côté-là à BonneGueule), et c'est un ancien responsable sourcing (stages chez Inditex aka Zara, et A.P.C., ce qui est un gros indice sur pourquoi il a rejoint la team).
Look n°1
On commence avec un mélange entre basiques et pièces fortes. Le blazer gris tempère les motifs rétro de la veste et le jean brut souligne le beige de la chemise. Les chaussures effectuent le rappel avec les boutons de la chemise. On a donc un look épuré, facile à construire et surtout cohérent.
Le blazer est de la bonne longueur : ni trop long, ni trop court.
Les poches donnent un aspect moins formel au blazer.
Des beaux détails : des boutons en corne et des coudières en cuir suédé. A noter que les coudières ont
aussi un aspect fonctionnel, elles renforcent le tissu là où il s'use rapidement.
"Always keep it with love"
Une belle doublure en coton imprimé qui rappelle les inspirations de Min
Ça ne se voit pas forcément à l'écran mais le tissu du blazer est un tissu en chevron qui apporte une touche plus brute.
Niveau composition : 80 % en ramie et 20 % laine (j'y reviendrai).
Et hop, on tombe la veste quand il fait chaud 🙂
La chemise a un bon fit et tombe très bien sur Alex.
Look n°2
Quand vous avez une pièce forte comme ce trench/imper, il est important de ne pas surcharger votre silhouette avec d'autres pièces fortes. Le blanc s'associe bien avec les 2 couleurs du l'imper'.
Encore une fois, la coupe est maîtrisée. La longueur n'est pas trop longue pour ne pas tasser la silhouette
et le fait que la coupe soit droite (et pas trop ample) vous donnera quelques cm.
Les boutons en corne sont cousus en croix : c'est plus solide !
Une double-poche astucieuse : c'est fonctionnel.
Et une patte de boutonnage contrasté, ici uniquement esthétique.
Et toujours ce souci des finitions avec une doublure
en coton imprimé : la signature de la marque
Florian
Look n°1
J'ai choisi de construire ce look autour du cardigan et du pantalon que j'avais sur moi ce jour-là. Encore une fois, on ne se prend pas la tête pendant des heures pour savoir comment on va s'habiller : ça doit devenir instinctif.
C'est aussi un look facile à construire. Par exemple, une chemise d'une couleur neutre comme le blanc permet de lier le haut et le bas du corps. Pour les chaussures, gardez en tête que c'est l'élément qui finit votre style : à vous de voir si vous voulez vous lâcher ou pas. Ici, le choix des chaussures est volontaire pour apporter un plus à la tenue.
C'est une idée pour porter la chemise BGMD de façon décontractée.
Le montage de la manche est intéressant :
l'assemblage entre la manche et les parties au
niveau de l'épaule est décalé pour souligner sa ligne.
Notez les coudières assemblées en 2 parties pour plus de solidité.
Le coton chiné est bien régulier, rien à dire !
Look n°2
Ce deuxième look est plus habillé mais évite l'aspect trop formel en mélangeant plusieurs pièces fortes (souliers, cravate et blazer). Pourquoi le blazer ? Vous allez comprendre la suite avec la particularité de son tissage.
Pour donner de la "profondeur" à un look, ce sont souvent les accessoires qui jouent un rôle : notamment pour les rappels de couleurs. Ici, je ne vous fais pas de dessin, je pense que vous avez compris (entre la cravate et le pantalon). Essayez tout de même de toujours rester sur un nombre limité de couleurs.
De points d'arrêts bien finis viennent consolider le montage des poches.
Oui, c'est moi superman, j'ai ma combinaison qui se cache sous ma veste.
Ici on voit bien l'originalité de la matière alvéolée du blazer.
Il casse le côté formel inhérent à la pièce.
J'oubliais : si vous êtes en manque d'inspirations, que vous cherchez des idées pour assembler vos tenues : allez jeter un coup d'oeil à nos tenues commentées de Pinterest (album "nouvelles inspirations").
Focus matière : la ramie
La ramie est présente à 80 % dans les blazers que vous venez de voir. La ramie est également appelée l'ortie de Chine. Au même titre que la soie, c'est une matière historique de la Chine. Cependant, elle est très peu utilisée aujourd'hui, bien que ce soit une des plus anciennes matières textiles au monde (plus de 6.000 ans d'utilisation).
C'est une fibre végétale très résistante, et qui ne pourrit pas (imputrescible). Pour vous donner une idée, vous ne pouvez pas casser à la main un fil de couture en ramie car les fibres sont très longues.
Il est très rare de trouver cette matière dans le prêt-à-porter. Je pense que c'est essentiellement parce que c'est une matière difficile à travailler. Elle demande des savoir-faire artisanaux qui ont été très délaissés ces dernières décennies, mais qui reviennent en force. La ramie peut être vraiment intéressante dans son utilisation : elle apporte une brillance naturelle qui lui vaut parfois le surnom de "soie végétale".
On comprends pourquoi Ming l'utilise dans sa collection. Associée à des fibres courtes, la ramie apporte au tissu une résistance supérieure tout en conservant les propriétés thermiques de la laine.
Le verdict
Je crois que je n'ai pas véritablement de points négatifs à dire tant Three Animals est une marque complète. Elle combine style et qualité. Sur la veste, j'apprécie qu'il n'y ai pas d'épaulette. Avec ma morphologie, je trouve que les épaulettes me font une silhouette trop carrée et pas assez naturelle : peut-être que c'est aussi votre cas.
C'est une marque qui sait mixer l'élégance et la décontraction. Et au-delà du style, Three Animals fabrique des vêtements porteurs de sens. Un production artisanale, des matières uniquement naturelles (même pour les doublures, les empiècements, les boutons), et des coupes bien réalisées.
Vous pouvez trouver Three Animals dans quelques boutiques à Paris et Bruxelles et on line sur l'Exception.com.
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