Test : Burel Mountain Originals la marque portugaise au savoir-faire ancestral

8 min

Test : Burel Mountain Originals la marque portugaise au savoir-faire ancestral

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Publié le : 11 décembre 2017Mis à jour le : 19 janvier 2018

Pour la petite histoire...

Lors d’un récent séjour à Lisbonne et plus précisément lors d'une visite du quartier du Chiado - quartier commerçant du centre ville - ma copine remarque une petite boutique à la devanture plus originale que celles de la plupart des grosses enseignes internationales alentours.

Attirés, nous nous approchons et repérons d'abord une paire de chelsea boots en laine grise, aussi surprenantes qu’élégantes. Une minute plus tard nous étions dans la boutique nommée Burel Mountain Originals, dont je ne peux que recommander l’adresse à tous les futurs visiteurs de la charmante capitale portugaise.

Une histoire millénaire

Burel Mountain Originals est une jeune marque créée en 2010 qui remet aujourd'hui à l’honneur, un savoir-faire portugais millénaire en matière de laine : le Burel.

La région montagneuse de la Serra de Estrella, dans le Portugal continental, culminant à près de 2000 mètres d'altitude.

Ce tissu est une spécialité des montagnes de la Serra da Estrela, comprenez “toit du Portugal” culminant à presque 2000 mètres. Cette région se caractérise notamment par son climat relativement rude et sa forte tradition pastorale.

Afin de se protéger du froid et de la pluie habituels durant l’hiver dans cette région, ses habitants se sont, depuis des siècles, fabriqués de lourdes capes avec la laine de leurs propres moutons. Cette production de vêtements robustes a d'ailleurs longtemps été au centre de l'économie locale, entretenue par la population paysanne.

S'il s'agissait, à la base, de simples vêtements de travail, peut-être un peu crus, ils avaient l'avantage de tenir chaud et de garder au sec le berger à flanc de montagne. Il était également suffisamment robuste pour résister aux épreuves de ce dur métier.

Photo d'époque, d'un berger de la région de la Serra da Estrela, protégé par une large cape en burel. Le style, d'époque lui aussi, est à méditer.

Plus tard, la concurrence internationale et le goût des années 70 pour les tissus synthétiques ont mis à mal l’industrie lainière traditionnelle de la région. Si bien qu’au cours des années 2000, dans la capitale régionale Manteigas (où le secteur employait 50% de la population après-guerre), il ne restait plus qu’une seule usine en activité. Encore un exemple de destruction de savoir-faire au profit de la sur-production, notamment dans le secteur du textile. Pour la petite histoire, beaucoup des victimes de ces réorganisations économiques immigrèrent en France.

Et c’est là qu'entre en scène Burel Factory. João Tomas et sa femme Isabel Costa, entrepreneurs et amoureux du pays, comprennent le potentiel de cette histoire pleine d'authenticité, de cette main d’oeuvre très qualifiée et de cette chaîne de production ne demandant qu'à renaitre. Les moutons pâturent en effet juste à côté de l’outil de production, et l’eau claire et fraîche des montagnes (indispensable au lavage de la laine) y est abondante.

Exemple de leur diversification… Laine et cuir végétal.

Ils s’emparent de l’héritage de cette noble matière pleine d'histoire et décident d'en moderniser et d'en diversifier son utilisation: manteaux, chemises, sacs, chaussures, mobilier, éléments de décoration et revêtements muraux en relief, les déclinaisons sont nombreuses (Mesdames, vous y trouverez aussi votre bonheur, une collection féminine très large est également disponible). Ils ouvrent même dans la région, un hôtel-vitrine afin de promouvoir ce savoir-faire local néo-traditionnel. Nombre de leur produits utilisent également d'autres matériaux, comme le cuir végétal par exemple.

La Casa de Penhas Douradas : l'hôtel vitrine situé en plein milieu de la région de la Serra da Estrela.

L'intérieur du magasin de la boutique Burel Moutains Originals à Lisbonne

Après avoir été récompensés de plusieurs prix pour gratifier leur travail et leur expansion (les ouvertures réussies de magasins à Porto et Lisbonne), Burel Factory groupe plusieurs enseignes locales et forme Burel - Mountain Originals. Ce groupe est dédié à la mise en valeur de la région de la Serra da Estrela et de son savoir-faire, notamment via l’ouverture d’un musée du burel au sein de leurs usines.

Après 60 ans d’errances synthétiques et le retour sur le devant de la scène de ces traditions, beaucoup d’expatriés reviennent de France. Cette région du Portugal est donc aujourd'hui comme un petit bastion aux accents francophones... 

Le test de la pièce en Burel

Bon, passé l'histoire de cette étoffe et de ceux qui l'ont remis au goût du jour je vais plus amplement vous faire part de mon ressenti tandis que j'ai craqué pour m'offrir une sublime surchemise de cette marque.

L'attention au détail : l'échantillon accroché à la carte du magasin. La classe !

Petite info au passage, leur carte de visite inclue un échantillon de laine burel. Personnellement je trouve déjà que ça a du charme. 

Une production particulière

“Mais alors techniquement, cher Mathieu, qu’est-ce que ce Burel dont tu sembles chanter les louanges et la noblesse?”

Et bien mon cher ami, il s’agit de pure laine vierge provenant de la Serra da Estrela, prélevée directement sur des moutons rustiques, habitués à la dureté du climat. Ici ce types de moutons sont dénommés des Bordaleira et des Churra Mondegueira, pour être plus précis. Soumis à un contrôle extrêmement vigilant, cette laine est garantie sans contact avec des pesticides. Un vrai plus.

Exemple de machine à tisser pour la laine burel que l'on peut observer dans leur boutique de Lisbonne.

Filée et tissée sur d'anciennes machines datant de la Révolution Industrielle, la laine est ensuite longuement bouillie et battue dans des foulons au doux nom de pisão. Le processus rend son drap presque feutré. Cette étape permet surtout un rétrécissement de 30 à 40% du tissu, ce qui lui confère une belle épaisseur et une densité impressionnante, presque totalement imperméabilisé et capable de résister à l’eau.

Sachant que BonneGueule est pointu sur tout ce qui est technicité du vêtement (et n’ayant pas encore exposé mon burel à l’intempérie), je ne pourrai que vous répéter ce que les conseillères du magasin de Burel Mountain Originals m'expliquèrent dans un français impeccable : pour faire simple, sous la neige, un crachin voire une averse, ça passe… Mais je vous conseille de ne pas rester des heures sous une averse, le burel finissant naturellement par s’imbiber. Après tout, ça reste de la laine.

Focus sur la pièce

Évoluant dans un style flirtant volontiers avec des influences workwear assumées, une épaisse surchemise en laine était pour moi un "must-have". J'en cherchais d'ailleurs une depuis longtemps : un canon du genre, associé à la figure emblématique du bûcheron canadien.

Cela étant, je vous invite à vous renseigner sur les prix des sublimes modèles en molleton de chez RRL, Dehen 1920, Rogue Territory voire Drapeau Noir… Malheureusement, rares sont les offres descendant en dessous 200 euros, voire des 300 euros, comme le précisait Benoit dans un récent Parlons Vêtements. Voilà qui était un peu rédhibitoire.

Voici la bête, portée sur un des looks proposé et détaillé ci-dessous.

Tandis que je flânais dans la boutique je m'arrêtais devant cette superbe surchemise “Fisherman” trônant sur un mannequin lisboète et en découvrais le prix. J’ai alors su que je repartirai à Paris avec elle. Elle était affiché à un prix (magasin) de 132€. Il s'agissait là d'une véritable opportunité, sans doute unique sur le marché.

"Mais à quoi doit-on s'attendre ce prix étonnant ?" me direz-vous. Continuez la lecture, je vous détaille tout mon ressenti et vous explique plus en détails.

Parlons matière et confection

Pour commencer, il s'agit d'une matière mélangée complexe. Si vous passez en magasin, n’hésitez pas à demander à voir plusieurs modèles, tant Burel Mountain Originals expérimente de nombreux coloris et de nombreux motifs : beaucoup ne sont d'ailleurs pas recensés sur le site. Il faut donc se rendre sur place pour profiter de l'ensemble de leur offre, rendant la pièce achetée quasiment unique.

Zoom sur la laine burel, on distingue particulièrement les nombreux reflets et la pluralité de couleurs qui donnent du relief à la matière et donc à la pièce.

Outre la grande richesse de ses reflets (mieux visible à la lumière du jour), le burel se caractérise par une solidité palpable. Son feutre très compact, et dont on ne distingue pas le tissage, ne s’étire pas. L’épaisseur est généreuse, ce qui garantit un tombé bien lourd et aucun froissage malencontreux.

Cette générosité offre évidemment à la pièce une chaleur très appréciable. J’ai passé l’essentiel de mon mois d’octobre à porter ma surchemise sur un tee-shirt et je ne me souviens pas avoir grelotté de froid, pas même lors d'une soirée un peu frisquette.

Ici, les coutures doublées du col révèlent un vrai savoir-faire et une qualité de produit rendant la pièce d'autant plus intéressante.

Autre surprise notable (notamment vu à le coût de la pièce) : son impeccable confection. Les coutures sont partout très régulières et totalement droites, malgré l’épaisseur du tissu digne d'un (très beau) tapis de bain. Mention spéciale d'ailleurs pour les coutures doublées du col, tutoyant ses bords à moins d’un 1mm.

Zoom sur les coutures au niveau de l'épaule (et leur triple-stitch).

Les épaules ont aussi le droit à un "triple stitch", plus clean que sur la plupart de mes "workshirts" en chambray ; de jolies pression “canon de fusil” italiennes émettant un "click" satisfait ; deux poches pectorales pas immenses, mais suffisantes pour y glisser un porte-carte…

Bref, la pièce dégage une impression de solidité et de rusticité qui sent bon le workwear pur et dur. Son nom de “fisherman” n’est d’ailleurs pas qu’un simple artifice marketing. En effet, de telles surchemises de travail ont été réellement utilisées, jadis, par les pécheurs portugais. 

Petites précisions

Pour ce prix, il est à noter que la pièce reste assez brute et n’arbore pas les finitions "jusqu’au-boutistes" des concurrents plus onéreux. Pas de doublure en coton, de tab-collar, de poignets doublés, de poches intérieures, de poches passepoilées extérieures et autres renforcements aux coudes… Non ici, c’est du brut de pomme. Prenez ça comme une vraie "feature" de la bête et de son pedigree. À prendre ou à laisser dirait-on... 

Malgré l'aspect rugueux et brut de la surchemise en burel, le rendu peut-être doux et délicat si l'on accessoirise convenablement.

Seul bémol de la pièce (on se rappelle que le burel reste de la laine vierge bouillie) : bien que feutrée et destinée à s’adoucir avec la patine, la matière reste assez rèche et gratte un peu. La fibre de ces moutons rustiques n’ayant pas la finesse et la longueur d’un merinos chouchouté à l’herbe grasse. Ce qui exclue sans doute la chemise à toute tentative de port à même la peau, surtout pour les plus sensibles aux démangeaisons. Mais sur une chemise, un henley manches longues voire un pull léger, le problème est vite réglé. Et puis pour ceux qui seraient beaucoup moins sensibles : au bout d’un moment on s’y fait.

Comment porter la surchemise Burel avec style ?

Même portée avec des couleurs discrètes et très "urbaines", il sera un difficile de faire passer cette surchemise pour un basique caméléon pouvant se fondre dans tous les styles. Ce n'est définitivement pas une pièce destinée aux tenues trop habillées ou trop classiques. 

Si le brut et l'authenticité de la pièce lui donne tout son cachet et son esprit workwear, je pense malgré tout qu’elle est loin du "one-trick poney" auquel certains pourraient d’instinct la réduire.

Opter pour l'évidence workwear

Cette pièce passe donc tout naturellement dans un look workwear-isant. Workboots americana, denim japonais aux revers généreux, henley manches longues texturé et laine bouillie y font bon ménage. Les coloris automnaux et les textures se répondent gentiment. Le bandana, petite touche en plus, offre un détail intéressant et un motif bienvenu. Astuce ; il permet surtout de protéger son cou des de la laine un peu rugueuse. On note qu’à peu de chose près, un jean troué, des converses pourrie et un tee shirt Daniel Johnston et le look se fait joyeusement grunge. On pense à toi Kurt (Boots Wolverines, jean BonneGueule Kurabo, henley Uniqlo, bandana japonais et bracelet Tanner Goods).

Céder à la tendance sportswear

L’idée derrière ce look était de substituer le burel à la coach-jacket imperméable qu’on aurait largement pu envisager dans cette tenue d’inspiration sportswear. La surchemise se fait donc outerwear. Oubliez le manque intégral de "street credit" du mannequin (qui a sincèrement donné de sa personne lors dushooting), le hoodie sous la veste, le layering un peu "longline", le chino à la coupe tappered si particulière et les midtops font le job. Par cette température un petit bonnet n’aurait pas été de trop (Midtops National Standard, chino technique Maharishi, hoodie vintage).

Se la jouer "gentleman farmer"

Autre ambiance pour finir avec un look plus "countryside" anglais où la surchemise se cale sur un col roulé écru épais et un pantalon en velours kaki pour une tenue aux teintes naturelles et aux textures douces. Se dégage une forme de simplicité sur une silhouette délibérément voulue loose. Niveau accessoires, une wax-jacket et un cheval auraient été tout indiqués. On aura préféré l'ambiance décontracté d'un café du 2ème arrondissement de Paris (boots Wolverines, velours pants BonneGueule et Submariner roll neck North Sea Clothing).

Le mot de la fin...

Finalement cette pièce originale est un véritable cas d’école de vêtement plus polyvalent qu’il n’en a l’air. En se portant alternativement en outerwear ou en une mid-layer bien chaud, il devient presque indispensable dans le vestiaire de tout aficionado de tenues d'inspiration workwear (parfait pour une petit "bûcheronisation" de vos looks) mais pas que. Laissez-vous aller vers d'autres types de tenues plus sportswear, casual voire même intégré dans des looks "sprezzatura" (nous voulions vous présenter un look de ce genre mais malheureusement nous avons eu quelques soucis de rendu de photos...). 

En plus d'acheter une surchemise somme toute atypique, vous acheter un petit bout de savoir-faire unique et précieux que vous aidez à préserver.

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