« Sous couvert » d’anonymat – Undercover de JUN TAKAHASHI

4 min

« Sous couvert » d’anonymat – Undercover de JUN TAKAHASHI

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Publié le : 17 novembre 2010Mis à jour le : 6 mai 2016

Associé à son pote Nigo (le fondateur de la hype A BATHING APE et ses jolis personnages cartoon sur fond de streetwear dont le culte au Japon dépasse celui de Jean Reno et d'Hélène et les garçons réunis),

Jun Takahashi fondent tous deux ensemble sans le savoir, le futur temple de la hype où naîtra la marque Undercover au sein de leur shop NOWHERE en plein coeur du bouillonnant quartier d'Harajuku.

Définir le label japonais serait difficile tant les adjectifs aussi pompeux que flatteurs tels que "innovateur" ou "rebelle" seraient les termes attendus pour désigner toute nouvelle marque un tant soit peu différente du circuit traditionnel issue de la mode masculine. Mais force est de constater qu'Undercover remplit difficilement le cahier des charges d'une marque qui cultive l'art du camouflage idéologique.

"Businessement" rentable (66 shops pour 23 pays en 2006) et artistiquement "un sans faute" (défilé à Paris depuis 2002 pour la scène internationale, plusieurs collaborations comme celui de défiler au jardin de Piti Uomo pour la saison printemps 2010, ou encore de produire une gamme de vêtements sportifs tout public les courses à pied nommé GYAKUSOU avec Nike "fais le sans tarder"), la marque cultive le luxe de s'inscrire dans une mouvance regroupant streetwear / vêtement urbains / innovation technologique dans des matières uniques comme un Léonardo Dicaprio hésite entre son identité de flic ou d'infiltré dans le célèbre remake du film de Hong-Kong à défaut de pénétrer vos rêves.

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Comment prendre en effet au sérieux une marque qui rend hommage aux super-héros sentaï (si les noms de X-Or ou Bioman ne vous volent pas une larme, c'est que vous êtes des êtres insensibles) de la collection printemps 2011 UNDERMAN ?

(Ambiance rétro WTF pour une esthétique empreinte de nostalgie et d'hommage à la pop culture)

(Une sorte de retour vers le futur qui se situe dans le présent pour mieux retrouver son passé donc)

(Un remix du méchant qui poursuit la gentille)

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Ou encore celui de la AVAKATERE LIFE de la collection automne/hiver 2010 qui s'attache à mettre en scène différentes situations du quotidien ennuyant d'un honnête japonais moyen ?

Version "je sors mes poubelles une fois par semaine" : Un excellent ensemble gilet / baskets / paire de gant + bonnet pour un ensemble streetwear / urbain au goût banal en apparence, mais subtilement créatif via le choix des couleurs, des matières riches et d'une coupe loin de ressembler à du Célio/Jules.

Version "j'achète mon pain et j'ai oublié mes croissants" : coupe fluide du pantalon, veste taillée de façon classique mais qui comporte une multitude de détails qui tendent à dire le contraire, manteau qui tend à rendre l'ensemble dans un esprit légèrement plus "tailored" qu'on pourrait l'imaginer.

Version "j'attends ma copine depuis une heure et ça me soûle" : manteau parka confortable et maille de pull bien épaisse =je reste quand même présentable

Le choix de s'inscrire dans la culture urbaine et populaire pour communiquer les idées de la marque est un choix judicieux en apparence, en pratique, elle l'est beaucoup moins. Un rapide coup d'oeil sur le site japonais qui en vend (lien : ZOZOVILLE) permet rapidement de confirmer les faits : la marque n'est pas du sportswear au sens traditionnel et requiert le minimum syndical en matière d'habillement comme un bon vin se savoure avec passion.

Toutes les pièces d'UNDERCOVER sont en effet difficilement portables et associables avec d'autres types de vêtements (prises hors de leur contexte). Leur ensemble forme un toute et une fois assemblées comme des pièces de LEGO, elles reproduisent un histoire particulière sur celui qui le porte, et agissent presque comme des gouttes parfums disséminés en cachette sur des vêtements évoquant bien des souvenirs.

Des pièces aussi austères et modestes que des baskets ou manteaux sont réinterprétés et détournés de leur esthétique initiale via un filtre de couleurs / coupe / matière innovante (par exemple, l'usage du textile PCM qui régule la chaleur du corps humain) qui s'unissent au service d'un objectif commun : celui de dégraisser le superflu bling bling & fashion et de se concentrer sur l'aspect utilitariste du vêtement sans occulter son aspect créatif. Un peu comme si on redécouvrait que de bons burgers faits maisons pouvaient avoir plus de goût lorsqu'on met de la vraie viande autre que du Charal. La marque s'inscrit dans votre quotidien, se "camoufle" en vous subtilement "comme les autres, mais pas tout à fait pareil".

Cette accumulation de contradictions, qui rend la marque difficilement identifiable est donc en réalité ce qui la rend si attrayante et séduisante sur le plan créatif. En refusant de se plier aux exigences de tendances, en forçant les adeptes de la marque à reconsidérer l'aspect purement mercantile et consumériste de ses clients, Undercover a réussi à se créer une sorte de culte que lui vous la plupart de ses fans, forçant Takahashi à admettre avec humour qu'ils sont parfois un peu "bizarres".

Quid du cool et et du hip ? Lorsque la marque s'expriment sur le plan purement créatif, ça donne des morceaux de choix telles que celui de la collection automne-hiver 2009 :

Ici, choix de bottes originales, le sac en bandoulière monstrueux d'apétit d'espace ou encore la texture du cuir, pas de doute, le future c'est now.

Coupe du pantalon épuré, harmonie des couleurs, relative simplicité de l'ensemble pull / chemise / baskets. C'est frais, c'est vif, c'est incisif.

Dégradé sublime du pull hoodie / utilisation de la casquette / gants / bottes pour renforcer ce côté guérilla urbain. Un 3-0 avec les honneurs.

Ou encore :

C'est donc portable, avec une touche expérimentale suffisante pour garantir un camouflage urbain subtil lors de vos sorties nocturnes.

L'aspect technique des coupes et du tailoring est donc loin de se limiter à faire des vêtements "cheap" sans aucune sophistication. La principale force du label étant de s'immiscer de manière quasi-invisible dans le quotidien de ses adeptes/undercover fans, tout en préservant sa propre identité en refusant de s'y intégrer de manière violente et superficielle via un visuel à base de coupes trop expérimentales ou "futuriste-ment" de "mauvais goût".

Aussi méchant qu'un bon Mojito bien dosé qu'on aurait du mal à refuser en after qui aura eu raison de nous. Undercover porte bien son nom et constitue une alternative intéressante aux marques misant sur les tendances éphémères actuelles dédiés dont le cash-flow importe plus que d'y insuffler une forme d'authenticité.

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