Projet StarShip – Les tee-shirts BG-1.31 et BG-1.32
Ce matin, Benoît vous a révélé ce qu'est le Projet StarShip, avec notamment le lancement de la ligne BonneGueule, et d'un premier tee-shirt en deux coloris. Mais derrière un simple tee-shirt, il y a beaucoup plus de travail qu'il n'y parait (quand on veut bien faire les choses, en tout cas).
Eh oui, comme souvent, il y a la manière simple et rapide, et puis... la bonne manière.
Où va-t-on pour fabriquer un très bon tee-shirt ?
C'est simple, on achète un lot de tee-shirts au Viêt Nam, et on imprime dessus des photos de stars en noir et blanc, qui imitent une moustache avec un doigt sous leur nez. On peut rajouter le mot "Paris" sur l'étiquette, aussi, pour faire vraiment bien... Bon, ok, je sors.
Et c'est là que je vous parle d'Alexandre, qui est un membre à plein temps de l'équipe BonneGueule depuis presque 1 an. Et vous vous doutez bien qu'il n'est pas là juste pour échanger des titres de rap sous le manteau, avec le reste de l'équipe (on le surnomme le Kanye West blanc), ou écrire 3 articles par an sur le streetwear.
Eh non. Alexandre, qui a commencé sa carrière dans le textile chez A.P.C., et nous a été présenté par L'Exception, est aujourd'hui ce qu'on pourrait appeler notre brand manager.

Alex, c'est un peu notre collab BonneGueule x Kanye West à nous.
Le sourcing
Alex vous expliquera lundi son travail en détail. Mais dans les grandes lignes, il s'agit de dénicher et de tester les meilleurs ateliers pour chaque vêtement que l'on souhaite faire. Mais le seul savoir faire d'un atelier, ce n'est pas suffisant : encore faut-il que l'atelier soit abordable pour pouvoir sortir des vêtements avec de très bons rapports qualité / prix. C'est le travail d'Alex : il teste, visite, teste, et ne garde que le meilleur. On appelle ça le sourcing.
Il faut ensuite gérer les relations avec l'atelier : développer et améliorer des prototypes successifs, lancer des têtes de production, et suivre la production finale, puis son acheminement.
Et en matière d'atelier, on a vraiment eu accès aux meilleurs grâce à tous nos amis créateurs qui nous ont retourné l'ascenseur quand on leur a gentiment demandé de nous conseiller.

Florian, qui est lui aussi désormais un pilier de l'équipe.
Notre atelier de Troyes
Pour ce tee-shirt, on s'est tourné vers un atelier historique de la région de Troyes, en Champagne-Ardenne. C'est un des ateliers qui a survécu aux vagues de délocalisations, et peut prospérer aujourd'hui, notamment pour trois grandes raisons.
La première, c'est le savoir-faire. C'est bête à dire, et ça parait être une évidence aujourd'hui, mais ils ont fait le choix stratégique de la qualité et de la modernisation, plutôt que d'essayer de sortir des quantités de vêtements à faible valeur ajoutée sans penser à demain. Aujourd'hui, c'est un choix qui paye. Leur parc de machine allie des techniques anciennes et des technologies modernes.
La seconde raison, c'est ce qu'on appelle l'intégration verticale. Notre atelier de Troyes réalise à la fois le tricot et le montage des tee-shirts. À partir d'un fil, on obtient une trame qui est ensuite montée en une pièce : tout cela au sein d'une seule et même entreprise. Cela économise des transports et des frais d'intermédiaires.
Mais surtout, cela donne au final des tisserands qui comprennent les besoins réels des façonniers, et des façonniers qui respectent la matière car ils la connaissent mieux.
La troisième raison, et sans doute la plus importante : c'est le capital humain. L'atelier de Troyes, en plein coeur des délocalisations, se retrouve en liquidation en 1979. Plutôt que de baisser les bras, 120 salariés et quelques cadres décident alors de racheter la société avec leurs indemnités de licenciement, et en font une coopérative, c'est-à-dire une société dont les actionnaires sont... les salariés.
Vous imaginez bien que les salariés s'investissent alors beaucoup plus, et peuvent consacrer encore davantage de ressources à la modernisation de leur outil de production. Mais aussi sur le développement de leurs compétences humaines, à la fois en se diversifiant pour que la structure soit plus souple, et en se spécialisation pour réaliser des tâches encore plus précises.
C'est ce qui s'est passé, et l'atelier est toujours là.
Vous dire tout ça n'est pas nécessaire pour vous expliquer l'intérêt de ce qui peut sembler n'être, après tout, qu'un simple tee-shirt. Pourtant, vous êtes chaque jour plus curieux à ce sujet.
Et vous avez raison, car toutes les bonnes choses ont une origine. Et derrière un tee-shirt, je vous assure qu'il y a beaucoup de coeurs qui battent, et s'arrachent au quotidien. C'est pourquoi nous sommes très heureux de travailler avec cet atelier de Troyes.
Note : Et pour la petite histoire, c'est une usine qui traite des productions pour des marques comme Hermès, ou Louis Vuitton.
Ça, c'est pour la qualité. Mais le design, on le développe comment ?
Entre en jeu une autre personne-clé : le styliste.
Le nôtre est une personne très talentueuse et dotée d'une extrême gentillesse : Vincent Schoepfer (que l'on remercie au passage). On a déjà un peu parlé de Vincent sur BonneGueule, mais on ne s'est jamais douté qu'on aurait la chance de développer nos designs avec lui, surtout quand on voit les très belles marques avec qui il a travaillé, et sa propre ligne de pantalons (la marque Patrons), qui est extrêmement bien coupée.

Notre styliste, Vincent Schoepfer.
Vincent joue donc le rôle de styliste chez nous : il transpose nos attentes de style dans des cahiers des charges, qui sont des documents techniques que les usines comprennent.

Exactement la coupe que l'on voulait : nette et précise.
Prototype après prototype, on s'est réuni avec Vincent pour élargir un peu le col ici, enlever un peu de matière-là, et j'avoue qu'on a été super exigeant sur des détails a priori insignifiants, mais importants pour nous, comme le tombé des manches ou la hauteur précise du col.

Le fameux col sur lequel on s'est montré très maniaques !

La coupe du dos et des épaules a également été très travaillée.
Mais Vincent est très patient, et aime le travail bien fait. Alors on est arrivé facilement à une très belle coupe de tee-shirt, grâce à lui.
Mais alors, il est comment ce tee-shirt ?
Eh bien, on en avait assez des tee-shirts coupés dans des matières et couleurs insipides, ou bien trop chers chez les marques les plus créatives.
En effet, même si un tee-shirt ne coûte pas si cher que ça à produire, les marques les proposent à des prix prohibitifs (à plus de 50 € bien souvent), par soucis de cohérence avec le reste de la collection, et pour éviter que les tee-shirts ne se substituent aux ventes de leurs chemises ou pantalons.
Alors on a encore tout fait à l'envers, en proposant un vrai bon tee-shirt, au vrai bon prix.

Un tee-shirt que vous garderez looongtemps.
On a opté pour une couleur claire, car c'est plus facile à porter en dessous d'un cardigan ou d'un blazer. Mais une couleur bien particulière, puisque le fil est chiné, et teint dans de jolies nuances bien douces.

Une première version en gris.

Et une seconde dans un joli bleu, lui aussi chiné.
Un tee-shirt bien choisi doit être ajusté, mais surtout pas moulant. Les coutures des épaules doivent être bien superposées sur votre épaule naturelle, les aisselles bien hautes, et pas de matière superflue autour du buste. C'est comme ça qu'on a travaillé la coupe.
Et sur une pièce simple comme le tee-shirt, l'enfer est dans les détails. Vous n'imaginez pas le temps qu'on a passé à chercher l'encolure parfaite : ni trop haute, ni trop basse, qui tombe au niveau de la clavicule. Et le dos comme le devant restent bien plats, sans aucun plis, grace à une matière suffisamment lourde pour bien tomber.
Note de Benoit : pour ma part, j'ai longtemps cassé les pieds à Alexandre pour l'épaule, je voulais vraiment éviter l'effet "bec".

Notez la prise de vue particulièrement champêtre.

Au final, on a une coupe qui habille toutes les morphologies. Mêmes les types bien bâtis comme Luca.
Le coton est filé en Italie et la matière est tricotée en France, dans le bassin textile de Troyes. Cet atelier français maîtrise, comme je l'ai dit, un véritable savoir-faire, ce qui permet d'avoir au final un très beau jersey de coton.
Le coton doit tout d'abord être de bonne qualité (fibres bien longues), et bien peigné pour ne conserver que les fibres les plus longues lors du filage. Cela donne un fil résistant et lisse, qui sera un bon support pour la couleur des teintures.
Les étapes du filage et du tricot sont également importantes, car la torsion du fil est une des clés d'un tricot bien dense. Cela permet aussi de donner de la mémoire au tissu : quand la matière est tendue, elle revient à son état normal (faites le test sur vos tee-shirts).
On obtient ici un coton de 140g/m2, avec un fil italien tricoté en France :
Le coton ainsi tricoté est ensuite monté dans l'atelier français à Troyes (même si à terme, nous passerons par la filiale d'Europe de l'Est de ce même atelier, mais uniquement pour le montage, sans que rien ne change). Ainsi, les points de coutures sont bien rapprochés pour donner une pleine résistance au tee-shirt.
Les spécificités du t-shirt sont tout ce qu'il se fait de mieux, avec des bords-côtes bien nets. Par exemple, l'atelier a utilisé différentes machines à coudre, pour améliorer le confort de la pièce (coutures élastiques sur le col et les bords-côtes, coutures résistantes à certains endroits qui empêchent la pièce de se détendre après son lavage ou lors du port).
Dernier point important : l'atelier a bien tenu compte de l'orientation de la matière en la découpant. C'est un point important qui est souvent ignoré par les marques pour économiser du tissu lors de la coupe. Pourtant, c'est vital pour le tombé de la pièce.
Et bien sûr, ça se porte avec tout : aucune prise de tête à avoir.

À porter juste à la cool avec des accessoires, et des sneakers un peu marrantes (oui, c'est du rose), comme cet autre Alex, qui travaille chez WhenIWas17, une marque de maroquinerie dont on vous a parlé.

Plus workwear, avec une chemise en chambray, et un pantalon cargo. Mais en cassant l'aspect brut avec des sneakers montantes.

Mais avec du jean, ça marche aussi, nous dit Benoît.
Coupe et entretien
Notre tee-shirt taille de manière parfaitement normale : si vous faites du S, prenez du S. Si vous faites du M, prenez du M. Vous ne risquez pas de vous tromper !
Concernant l'entretien, c'est comme d'habitude : en programme coton à 30°, en essorage minimum. Et surtout, ne le mettez jamais au sèche-linge. Je ne cesse de répéter que cela abîme beaucoup trop vos vêtements, même si vous avez l'impression de gagner du temps pour le séchage.
Et demain, il se passe quoi ?
Le tee-shirt sera disponible le mardi 18 février. Mais nous vous donnons à nouveau rendez-vous demain, pour un article à 11h où je vais tout vous dire sur le modèle économique de la ligne BonneGueule.
Car BonneGueule intrigue beaucoup dans la profession : on fait beaucoup de choses contraires à la pratique des entreprises classiques. Souvent on nous prend pour des gens à côté de la plaque : on se moquait même tranquillement de nous, et de notre refus obstiné de "faire de l'argent" avec de la pub, il n'y a pas si longtemps.
Mais depuis cette année, on nous invite dans de grandes conférences pour partager notre vision de la mode, et il y a même un chercheur en innovation qui nous suit depuis plus d'un an (c'est souvent assez marrant comme discussions, et un peu "stellaire" aussi).
Bref, l'article de demain sera pour moi l'occasion de vous en dire plus, et de vous expliquer plus en détail ce qu'est vraiment la ligne BonneGueule, vue de l'intérieur.

Et qui sait, il y aura peut-être une autre surprise !
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