Reportage : Le Tour de France et les vêtements de cyclisme, avec le coq sportif
Le samedi 26 juillet dernier, j'ai pu suivre l'avant-dernière épreuve du Tour de France, le fameux "contre la montre", grâce aux équipes du coq sportif.
Ce fût l'occasion d'en apprendre beaucoup plus sur le cyclimse cyclisme professionnel en termes de préparation physique, de performance, d'économie du sport, de stratégie d'équipe, mais aussi... de textile technique.
Alors que le Tour de France s'est achevé dimanche dernier avec la victoire de Vincenzo Nibali, et la présence de deux français sur le podium (Jean-Christophe Péraud et Thibaut Pinot), c'est intéressant de comparer toutes les problématiques des coureurs professionnels à la pratique du vélo comme celle que j'ai connu durant le mois de juin (j'ai relié Paris à Istanbul avec 1.800 km de vélo, du 5 juin au 5 juillet : articles à venir).
D'autant que nous avions la chance et le plaisir d'être accompagné par Sébastien Joly, ex-coureur professionnel (12 ans de carrière, 4 Tours de France), et directeur technique de la team Europcar. Autant vous dire que je l'ai harcelé de questions (je ne connaissais vraiment pas grand chose aux courses de vélo professionnelles) !

Une des voitures qui suivent les coureurs du contre la montre.
Un vrai sport de proximité
Tout le monde a autour de lui des gens qui pratiquent le cyclisme a un niveau ou à un autre. Pour ma part, j'étais hyper étonné de voir autant de pratiquants, partout en France, quand j'ai débuté mon voyage de Paris à Mulhouse.

Jean-Pierre, notre pote cycliste champenois, qui nous a bien "hydraté".
C'est clairement le même engouement que l'on retrouve au bord des routes du Tour : les gens campent parfois 48h à l'avance pour assister au passage des cyclistes. Certains se déguisent pour supporter les coureurs et attirer les caméras de télé. D'autres tissent des amitiés avec des spectateurs venus d'autres régions de France et de toute l'Europe (c'est également un évènement très populaire en Belgique).

Impressionnant de trouver autant de spectateurs à chaque kilomètre de la course.
D'autant qu'il n'existe aucun autre sport professionnel où chacun est gratuitement aux premières loges du spectacle (voire parfois un peu trop près).
On retrouve également cet aspect démocratique chez les coureurs. Par exemple, l'hébergement disponible tout au long de la course ne permet pas de faire loger tout le monde dans les meilleures conditions. En conséquence, ils tournent consécutivement dans des hôtels 1, 2 et 3 étoiles.

Yohann Gène de la Team EuropCar s'échauffe juste avant l'épreuve du "contre la montre". J'ai pu le suivre sur toute l'étape.
Au-delà, le cyclisme est un sport peu marqué par la "starification" des athlètes de haut-niveau : les cyclistes pros sont accessibles.
À l'exception des quelques têtes d'affiche de la profession, le grand public ne les reconnait pas quand il les croise dans la rue : le fait qu'ils ne soient par sur-sollicités, et que leur vie privée soit respectée, leur permet de rester sur cette logique de proximité avec leurs supporters. Et ils jouent le jeu.

Dans la voiture derrière Yohann, sur l'étape du contre la montre entre Bergerac et Périgueux.
Il est aussi vrai que les coureurs professionnels ne sont pas payés aussi haut que les stars d'autres disciplines sportives, mais ils vivent tout de même de manière assez confortable : on parle de 3.000 € / mois pour un jeune professionnel, et d'environ 5.000 € / mois pour un coureur cycliste de carrière qui fournit de bonnes performances.
Mais le Tour et les courses professionnelles sont avant tout l'affaire de rêves de gosses. On sent vraiment une grosse implication et des émotions fortes chez des gens comme Sébastien Joly, quand ils vous parlent de leur carrière et de leurs courses.
La préparation sportive professionnelle
Le Tour de France est l'étape phare de saisons du vélo professionnel.
Pour les coureurs professionnels, les compétitions s'échelonnent de janvier à octobre. Ils sont donc amenés à traverser différents climats, et il n'est pas rare qu'ils aient à affronter de grosses pluies froides ou de neige en début de saison.
Les étapes ont lieu en Europe la plupart du temps (le calendrier des cours pro est visible ici). Mais elles se concentrent aussi dans l'hémisphère Sud sur le début de saison (Australie, Nouvelle-Zélande, Argentine... où c'est le début de l'automne), et il y a des courses pros dans la plupart des pays.

Calendrier 2014 des courses de cyclisme.
Les cyclistes professionnels s'entraînent donc une partie de l'année, pour ensuite se lancer dans une saison qui peut faire 8 ou 9 mois.
Au niveau de l'entraînement, on est vraiment sur de l'effort de fond, avec des entraînements à 110/135 bpm (battements de coeur par minute), ce qu'on appelle de l'endurance foncière. C'est ce qu'il faut pour pouvoir soutenir des étapes qui peuvent durer jusque 6h30, avec des vitesses moyennes allant de 45 à 57 km/h.
On y trouve aussi de l'entraînement PMA, basé sur des efforts de forte intensité dans des intervalles de temps court (on appelle cela du HIIT dans d'autres sports ou dans le monde anglo-saxon).
J'étais surpris de voir que la musculation jouait par contre assez peu : majoritairement de la musculation légère (séries rapides de 12 à 15 répétitions, et jamais jusqu'à échec musculaire). Le tout essentiellement concentré sur les abdominaux, les lombaires, et les bras (et non, pas les jambes !).
Pour les jambes, un cycliste travaillera davantage sur des exercices de force, en roulant sur des plats avec le haut plateau.
Le renforcement articulaire est par contre clé dans la carrière du cycliste, il y a un vrai capital à entretenir en s'assurant d'avoir toujours une bonne position sur le vélo, sans jamais négliger les séances d'étirement.

Dans le village du Tour, on trouvait assez peu d'alimentation du sportif, mais les produits du Périgord m'allaient très bien : c'est pas moi sur le vélo.
Quelques mots sur la stratégie d'équipe
Une histoire de frottements
C'est clairement le point qui m'intéressait le plus : la stratégie d'équipe. Parce que quand on voit le Tour à la télé de manière occasionnelle, on ne remarque que très peu les enjeux stratégiques au sein des équipes.
L'essentiel de la stratégie est basé sur un phénomène physique : les frottements de l'air. Et à 50 km/h, il y en a beaucoup ! C'est donc largement moins fatiguant de suivre de près un autre coureur, que de rouler en tête avec personne devant. C'est le postulat de base de la discipline.
Les coureurs roulent donc en peloton pour économiser leur énergie, ce qui les incite à rester au sein du groupe. C'est en effet impossible d'être perpétuellement leader de peloton : la fatigue arrive trop vite, et les adversaires rusés n'ont alors plus qu'à déployer sur la fin les forces qu'ils ont économisé... en suivant.
La stratégie cycliste est donc un fin dosage entre échappées, où un petit groupe de coureurs sort du peloton et le dépasse, et d'habileté à profiter des efforts de ceux qui roulent en tête.
Sentir la bonne échappée
Toutefois les échappées ne sont pas toutes concluantes. Une échappée trop ambitieuse, qui démarre trop tôt ou trop vite, a de fortes chances de se fatiguer et de se faire rattraper par le peloton.
Une échappée trop éprouvante peut donc compromettre les chances de victoire d'une équipe sur l'étape : les adversaires ayant jusque-là économisé leurs forces seraient alors bien placées pour ravir les premières places à la lumière d'une autre échappée, gagnante cette fois-ci.
Sentir la bonne échappée, c'est comme choisir la bonne vague : c'est l'échappée qui récompensera les audacieux avec les meilleures places. Sentir la bonne échappée, c'est une question de feeling, mais aussi de connaissances des autres cyclistes ("est-ce que je suis en train de parier sur les bons chevaux pour m'amener à l'arrivée ? Ceux qui seront assez "généreux" pour me tracter dans la masse d'air alors que je ne suis pas dans leur équipe ?").
Les stratégies d'équipe
Les équipiers d'une même équipe s'entraident dans le cadre de la course : ils roulent en file pour se protéger mutuellement des frottements de l'air et économiser leurs forces.
Mais ils peuvent aussi choisir d'accélérer à 3 ou 4, avec leur leader en bout de file, pour retourner dans le peloton un à un à mesure qu'ils arrivent à bout de souffle avec le sur-régime dû aux frottements. Il ne reste alors que leur leader, qui propulsé à quelques mètres de l'arrivée, assure le sprint final (on appelle ça le poisson pilote, c'est une bonne image).
Certains coéquipiers peuvent aussi avoir pour rôle de fatiguer une équipe adverse en brisant les cadences, ou en laissant penser qu'ils vont tenter une échappée.
Les différentes spécialités des coureurs au sein de l'équipe
Enfin, chaque coureur a ses spécialités : les grimpeurs sont endurants dans les montées difficiles et ont généralement de petits gabarits, qui les rend moins efficaces en sprint. Les punchers creusent rapidement des écarts. Les rouleurs assurent sur le plat. Les sprinteurs sont explosifs sur les lignes d'arrivée. Etc.
Certains font des carrières entières en se cantonnant volontairement à ce qu'ils savent le mieux faire : sprinter, grimper, attaquer, etc. pour faire gagner leur équipe et leur leader.
D'autres, que l'on appelle les "hommes forts", ont des compétences plus équilibrées qui permettent à l'équipe de rester haut dans le classement général, au delà des victoires d'étape et du classement de leur leader).
Derrière chaque victoire individuelle, il y a donc des coéquipiers un peu plus à l'ombre qui oeuvrent collectivement à la réussite de l'équipe.
Une bonne équipe, c'est donc un mélange des meilleurs spécialistes (comme au football avec les attaquants, les milieux et les défenseurs). C'est le rôle du directeur sportif de les choisir le mieux possible, et de les aider à élaborer des actions stratégiques après avoir étudié les plans de course où figurent les informations sur la route et les reliefs.
L'équipement du cycliste professionnel
Le cyclisme est un sport qui allie le traditionnel à la performance.
On a vu sa culture de proximité, mais le traditionnel ressort aussi dans les équipements et la manière de s'entraîner.
Certaines équipes ont déjà tenté de réinventer totalement le sport en modernisant à fond l'équipement et les techniques d'entraînement (un peu comme dans Moneyball, qui est un film génial), mais cela ne leur a pas souri et elles ont fait machine arrière.
Notamment parce qu'un passage au "tout scientifique" a tendance à occulter l'aspect humain (stress, motivation, fatigue, confiance en soi, ou même surmenage) qui ont un rôle énorme dans la performance finale.
Certaines innovations ont tout de même pu percer. En premier lieu, les technologies du carbone : les matériaux sont aujourd'hui matures et fiables, et allègent énormément les vélos. On les préfère aux métaux pour leur confort et leur rigidité supérieure.
On retrouve aussi beaucoup de pièces extrudées pour gagner encore en légèreté. Le vélo doit toutefois dépasser un poids minimal : c'est une garantie de sécurité pour les cyclistes, mais aussi une manière de conserver la "primauté" de l'homme sur son équipement.

Différentes positions pour les bras (ici les vélos spécifiques du contre la montre).

On voit bien ici la selle extrudée.
Cela n'empêche pas les casses matérielles occasionnelles, notamment les crevaisons de boyaux (c'est comme ça qu'on appelle les chambres à air des vélos de route professionnels). Un pneu à boyau est un pneu de vélo qui est cousu autour de la chambre à air et collé à la jante (c'est bien expliqué ici).
Les boyaux sont généralement plus légers et plus solides que les systèmes à pneus et chambres à air. Ils sont plus confortables, et on peut y mettre plus de pression d'air ce qui optimise les frottements avec la route.

Les roues de vélo de course.
La roue arrière est souvent lenticulaire (pas de rayons, mais une lentille à la place). Cela offre une meilleure inertie, mais c'est totalement à éviter en cas de vent qui viendrait des côtés. On la réserve aux contre la montre, épreuves courtes où la météo est sous contrôle.

Les fameuses roues lenticulaires.
Au niveau des pieds, ce sont des pédales automatiques : le pied est maintenu au contact de la pédale même dans la phase de montée où c'est la jambe opposée qui appuie.

Zone d'échauffement avant l'épreuve du contre la montre.
Enfin, l'électronique s'est également immiscé dans la discipline au niveau des systèmes de changement de vitesse. Il n'y a pas de gain de poids, mais c'est beaucoup plus précis et agréable pour le cycliste qui contrôle ainsi mieux ses vitesses.
L'autre innovation est à chercher du côté... de l'habillement (oui, on y arrive enfin).
Le coq sportif et l'habillement du Tour de France
Le coq sportif, équipementier du Tour de France
Le coq sportif (ça s'écrit toujours sans majuscules) fournit les maillots des leaders du Tour de France (le maillot à poids du meilleur grimpeur, le maillot jaune du coureur en tête du classement, le maillot vert du meilleur sprinter, ou encore le maillot blanc du meilleur jeune).

Le fameux maillot jaune, cette fois-ci aux couleurs de la team Astana, sponsorisée par le Kazakhstan.

Les principaux maillots du Tour.
Le coq sportif, c'est un peu notre Adidas national. L'entreprise a été fondée en 1882 dans l'Aube, et équipait déjà les coureurs du Tour de 1951 à 1988.
C'est très intéressant de voir toute la technicité déployée dans la confection du maillot.
Et pour ce Tour de France, les combinaisons du "contre la montre" étaient même réalisés sur-mesure par les stylistes du coq sportif. Cela pour améliorer l'aérodynamisme (un peu comme quand Benoît vous gronde par mail en vous disant d'éviter les volumes de tissus inutiles aux aisselles sur vos chemises).

Les coureurs ont également leur mot à dire sur la longueur des manches, celle des cuissards, ou sur l'échancrure du col.
La combinaison de contre la montre
La combinaison ne pèse que 150 grammes. Vous n'avez pas forcément de motifs de comparaison, mais c'est vraiment peu (un peu moins que le poids d'un tee-shirt d'été).
Des bandes en polyuréthane sont ajoutées sur le bas du maillot et aux manches pour éviter toute infiltration de l'air qui créerait une prise au vent.

Bande de silicone pour que le maillot reste plaqué.
Un tissu spécial favorise l'aérodynamisme (techniquement, on parle de forte perméabilité à l'air, mais on va encore dire que je fais trop mon geek).

C'est un mix d'élasthanne.
De plus, ce tissu ne se mouille pas, donc pas d'alourdissement du vêtement. Il est en fait traité pour que la sueur ne soit pas absorbée, mais s'évacue immédiatement par évaporation et ruissellement.
On insère tout de même des zones respirantes aux endroits qui ne sont pas critiques pour l'aérodynamisme (le dos et les flancs). C'est un tissage technique de polyester qu'on appelle du mesh.
Le maillot général se doit d'être extensible pour entraver le moins possible le travail musculaire du coureur.

Le fond du cuissard qui protège des frottements avec la selle et apporte un peu de confort.
Enfin, le type de couture est super important : elles doivent être plates pour éviter les irritations de la peau dues à des frottements répétitifs sur des centaines de kilomètres.

Les fameuses coutures plates : pas d'irritations en course.
Voilà, vous en savez maintenant autant que moi. Pour ma part, j'ai vraiment découvert un beau sport, et une culture du Tour que je ne pensais pas aussi riche et prenante.

Un tee-shirt du coq sportif (forcément !), avec un des chinos BonneGueule x Marchand Drapier, et des Nike Lunar FlyKnit hyper confortables.
Remerciements : Un très grand merci à Camille Clance de PopAndPartners, à Jean-Phillipe Sionneau, Responsable Communication du Coq Sportif en France (ainsi que sa super équipe), et à Sébastien Joly, directeur technique de la team Europcar, dont les explications m'ont énormément aidé pour l'écriture de cet article.
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