Billet – Le temps des grandes découvertes ou le chemin vers l’ampleur
Ma première grande découverte stylistique a été de réaliser à quel point les gens autour de moi s’habillaient trop grand.
À commencer par moi-même. Puis mon père et son blouson en cuir qui lui mangeait les mains. Puis les membres de ma famille. Puis certains de mes amis. Puis les gens de l’école de commerce que je fréquentais. Puis les gens dans la rue.
Je me promenais avec cette grande découverte qui me tenait chaud. Je savais quelque chose que les autres ignoraient. Une évidence que personne ne semblait remarquer.
J’étais Néo et j’avais pris la pilule rouge. Je voyais maintenant le monde avec les lunettes de la vérité.
Et, tout Néo que j’étais, je cherchais des explications à cette inculture collective.
Voilà mes conclusions de l’époque et je les partage encore.
Ça commence dès l’enfance.
Quand on est parent, on n’habille pas le corps mutant de son gosse avec un vêtement pile à sa taille. Ça n’a pas de sens. À la place, on lui refile les vieilles fringues du grand frère, on achète une taille ou deux au-dessus en disant à son enfant : “faut que ça t’aille jusqu’en 6ème”.
Comme si on pouvait ralentir notre croissance juste pour faire plaisir à sa mère.
Je repense à ces revers dodus comme des donuts que je portais aux chevilles à cette époque. Ma mère pouvait faire des revers à la machine en un rien de temps. Mais si je prenais 10 cm dans l’été, tout serait à refaire.
Du coup, y’avait deux écoles : le stacking Le fait de laisser son pantalon tomber en accordéon sur sa chaussure. Bien maîtrisé, c'est beau. Ce qui n'était pas mon cas. ou le roulottage. Selon les pantalons, j’étais des deux écoles.

Ecole stacking pour Kanye West. Voyez l'accordéon à ses chevilles - Photo de Kevin Mazur/WireImage - Getty Images
Et puis ensuite vient l’adolescence. La période de la stratégie de l’effacement. Si on avait développé un camouflage spécial cour de récré, j’aurais acheté le brevet et lancé une marque de vêtements pour mon seul plaisir de disparaître à l'envi de ce lieu à la géopolitique plus complexe qu'un scénario d'Homeland.
Pour me fondre dans le décor, j'avais supplié ma mère d'acheter un sac Eastpak et des Puma Speedcat bleues J'étais même pas fan de sport automobile. J'étais fan de conformisme.
Mes vêtements étaient toujours trop grands et ça m'allait bien. Psychologiquement, je veux dire.
À cette époque, j'aurais préféré signer pour deux heures d'acrosport par jour avec M. Guillochet plutôt que de porter à ma taille et ajusté. Les vêtements, c'était un arme de défense, un bouclier qu'il fallait manier subtilement pour que personne ne puisse y redire quoi que ce fût.
Le résultat ?
C’est qu’on entre dans l’âge adulte avec des séquelles. On perçoit le vêtement non pas comme une source d’amusement, de plaisir potentiel et de mise en valeur de soi mais une contrainte, une source d’angoisse ou au mieux un moyen de se camoufler.
Certaines personnes n'en sortent jamais de cette vision. Ils considèrent que les vêtements, c'est pas pour eux. Ils se font une raison en se disant que ce n'est pas digne d'un homme de s'intéresser à la fringue, domaine de futilité et de frivolité par excellence.
Alors quand le brouillard de nos illusions enfantines se dissipe et qu’on découvre que, non seulement on ne s’habille pas à la bonne taille mais qu’en plus, la plupart des gens non plus, le monde chavire.
Tout est bouleversé.
Virage à 180 degrés.
Et notre vœu de rédemption est d’autant plus violent que l’illusion était grande : non seulement on se met à porter la bonne taille mais désormais on ne supporte plus l’excès de tissu.
Le semi-slim est notre nouvelle religion.
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L’ère de l’ajusté s’offre à nous : on a compris qu’il fallait que le vêtement suive le corps. Et on a compris où devaient arriver les coutures des épaules d’une chemise. On a compris que le tissu qui flotte nous fait apparaître plus large ou alors plus maigrichon qu’on ne l’est vraiment. Et ça n’est plus possible.
On a compris que son corps n'était pas si terrible que ça et que le mettre en valeur était possible.
Un retour en arrière est impossible. Vous n'aurez de répit que lorsque vous aurez débarrassé votre vestiaire de ces fringues informes.
Cette découverte, ça donne une furieuse envie de s’engager dans la police. La police du style, je veux dire. Et de distribuer des amendes. Ça donne envie de se moquer de ceux qui vivent leur petite vie sans voir l’évidence.
Se moquer, certains le font, d’autres non. Ne le faites pas. Soyez humbles, c'est une forme d'intelligence. Plus vous savez de choses, plus vous réalisez que vous ne savez rien. Merci Socrate.
Et surtout parce qu’un jour, une nouvelle grande découverte joue des coudes avec vos croyances. Et celle-là aussi bouleverse tout.
Jusque-là vous vous habilliez pour paraître bien habillé, pour les autres en fait ! Et vous en aviez oublié une des notions essentielles de l’élégance : le confort.
Avant votre stratégie d’habillement c’était de partir de l’idée que vous vous faisiez d’une silhouette élégante et de contraindre votre corps pour le conformer à cette idée.
La notion de confort change tout.
Maintenant, vous comprenez que votre corps est votre seul maître. Choisir les vêtements à la bonne taille est obligatoire mais il ne suffit pas de les choisir ajustés pour avoir gagné. Il faut que la coupe et l’ampleur suffisantes laissent le corps s’épanouir dans ces vêtements.
Ceux qui s’habillent le mieux n’ont jamais l’air étriqués dans leurs vêtements. Ils ont l’air d'être nés avec.
Un exemple :
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Leurs vêtements sont au service de leurs mouvements et ils bougent surtout ! Ils sont vivants ! Ils ne sont pas figés sur le corps comme une seconde peau ! Ce n’est pas leur rôle.
Avez-vous déjà marché dans la rue avec des vêtements parfaitement à votre taille, dont les manches arrivent où il faut, où le pantalon tombe comme il faut, les épaules ni perdues ni contraintes dans le cadre de la veste, le pantalon qui tient sans ceinture et où pourtant rien ne serre, rien n’entrave, rien n’obstrue, rien ne révèle trop ?
Et tout vole autour de vous.
On se sent libre.
Mieux. On se sait libre.
Rien de tel que l’ampleur pour atteindre cet état physique et intellectuel de bien être.
L’ampleur relative, l’ampleur adaptée à votre goût de l’ampleur, mais l’ampleur quand même. Celle qui laisse la cuisse se contracter à l’envi, le ventre s'arrondir s'il le veut et le genou se casser sereinement.
Le vêtement n'est pas une fin en soi, c'est un support pour mener votre meilleure vie possible. Peut-être qu'au fond, il ne peut y avoir d'esprit libre dans des vêtements étriqués. Cette théorie me plaît sans pour autant que je la croie vraie.
Mais demain, quelles autres théories viendront nourrir ces réflexions ? Quelle sera la grande découverte qui viendra bouleverser mon monde à nouveau ?
Pour prolonger votre réflexion, vous pouvez jeter un oeil à nos vidéos Panache. J'y porte régulièrement des vêtements aux coupes généreuses.
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