Dossier : Actualité mode rendue, le retour d’Hedi Slimane
Vous l'avez peut-être remarqué mais nous ne sommes pas fans de l'actualité pour l'actualité. Relayer l'info en quasi temps réel de la dernière sneakers dessinée par Kanye West pour Vuitton ou du dernier lookbook Jules ne nous a bizarrement jamais semblé pertinent.
Il y a cependant des événements majeurs qui méritent d'être traités car ils sont les plus significatifs en terme de style et on peut en extraire la substantifique moelle dont on est friands ici : des leçons de style concrètes.
Vous savez lire un titre donc vous l'aurez vu venir, je parle évidemment du retour d'Hedi Slimane chez Yves Saint-Laurent.
C'est là l'occasion de décrypter son succès chez Dior Homme et de constater toute la portée de son travail à travers trois de ses caractéristiques concrètes, dont vous pourrez vous inspirer directement après avoir lu cet article.
I Les silhouettes slim
Si pour notre génération élevée au thermocollé Kooples, les silhouettes slim sont dans la norme, c'était loin d'être le cas du temps de Slimane et, comme il l'évoque dans une interview riche d'enseignements donnée en 2010, ses jeans skinny et ses silhouettes étaient vus comme "absurdes et voués à l'échec".
1/ Les cuirs cintrés
Pour la plupart d'entre nous, et moi le premier, avant de s'intéresser à la mode, un cuir de mec viril ressemblait grosso modo à ça :
C'est bizzarement en commençant à voir les silhouettes longilignes, limite androgynes des défilés Slimane que j'ai commencé à remettre un peu cette vision en question : blousons courts, col montant et manches fittées. On est bien loin du motard en Harley ou du gros blouson Schott de nos années collège.
Et pourtant cette obsession du fit combiné aux idéaux de virilité et d'aventure qu'on associe traditionnellement au cuir a eu tôt fait de donner des looks de voyous même aux plus chétifs d'entre nous.
Une pièce assez travaillée et qui se suffit à elle-même au point de pouvoir être portée avec un simple tee-shirt un peu évasé. Mais on peut aussi jouer sur les matières et opter pour quelque chose de plus plissé, pourquoi pas avec une capuche :
2/ Les revers fins
Ceux qui ont lu Dressing The Man, l'ouvrage sur la mode aussi drôle, jeune et plein de surprises que votre Bescherelle du collège, sauront qu'avec une morphologie longiligne, on proportionne le reste en conséquence.
A notre époque du cintrage, an 12 après H.S., c'est une évidence. Mais dans les années 90, la tendance était par exemple au power-suit pour les costumes, pour renforcer même les silhouettes les plus chétives, avec des épaules au padding très prononcé (c'est-à-dire ultra rembourrées).
C'est ainsi une révolution lorsque pour ses premiers défilés, Slimane nous présente des vestes courtes, cintrés et avec des revers fins, qui sont instantanément devenues un trio gagnant sur les podiums.
Plus qu'un simple mélange entre veste formelle et tenue casual : les détails comme les mitaines et l'ourlet disproportionné sont là pour grossir le trait.
Des années plus tard, je n'ai pas encore vu de meilleure représentation du costume porté à l'arrache que celle-là. Les proportions sont parfaites, que ce soit au niveau du pantalon, des manches, des revers, de la cravate, de la pochette et du col de chemise. Le style est cependant négligé : coiffure saut du lit, pantalon et manches qui plissent énormément.
On remarque également l'ajout d'inserts en velours noir pour jouer à la fois sur le contraste de couleurs et le contraste de matières, le tout dans une même pièce.
3/ Les jeans slims
Un pari réussi sur les défilés mais plus risqué en réalité. Si les silhouettes Slimanes sont en longueur et les jeans très fittés - comme en témoigne le stacking (= plis au niveau des jambes) prononcé aux mollets et aux genoux - obtenir ce résultat précis est souvent compliqué car on a tôt fait de se retrouver avec des collants.
L'effet de stacking n'a d'ailleurs pas toujours l'effet escompté et peut souvent tasser votre silhouette, selon votre taille.
J'ai beaucoup aimé les jeux de plis à la cheville et au genou de ces deux silhouettes, mais il ne faut pas oublier que ces mannequins-là ont les jambes très fines et, si on a les jambes un peu musclées, ça peut vite dégénerer.
Essayez de faire en sorte que la ligne dessinée par le jean reste à peu près droite au niveau des mollets :
Evitez simplement qu'ils soient aussi sculptés :
II Les mélanges formels/casuals
Regarder des photos de défilé Slimane, c'était pour moi plus ou moins me dire "enfin des tenues de défilé que je pourrais porter directement dans la rue sans me rendre complètement ridicule": c'est pour ça que j'y ai trouvé les mélanges formels/casuals les plus réalistes. Avec des superpositions et un travail de proportions parfaitement exécutés.
Par exemple des cols assez profonds pour éviter le trop classique casual américain :
Une veste cintrée assez courte pour bien comprendre qu'on a pas essayé de faire du formel en se ratant.
Le rendu froissé ajoute à cette impression de négligé. La tenue est pourtant millimétrée comme en témoigne le rappel des manches d'à peine un centimètre.
On note ici que la veste est encore plus formelle :
c'est une veste de smoking à col châle contrastant.
La tenue est donc d'autant plus à l'arrache pour casser le côté formel :
coiffure un peu brouillon, chemise froissée et sortie du pantalon.
Slimane, c'est aussi le mélange du formel et des sneakers avec l'utilisation des GAT : il fut le premier à les dépoussiérer, juste avant Margiela. Grâce à lui, on peut enfin profiter du confort de la sneaker en gardant un côté précieux grâce à l'utilisation de matériaux de qualité (cuir de veau vernis, veau velours etc) qui font qu'on comprend instantanément qu'elles ne sont pas faites pour courir un cent mètres.
Le modèle emblématique est la B01, B pour Berlin où il a découvert des GAT vintage portées par de jeunes Allemands.
Ces "négligés travaillés" impeccables démontrent une maîtrise sans faille des codes et donc une capacité à les détourner.
III Un créateur proche de la jeunesse et des influences artistiques de son époque
Toujours selon l'interview "The Tempo of Fashion", la mode, c'est avant tout la jeunesse, le sexe et la musique. Un point commun avec ce qu'évoque notre cher Karl dans le clip de SALM.
Un vêtement, c'est fait pour être porté et servir une allure générale : c'est bien ce qu'a compris Hedi Slimane en évoluant dans les milieux rocks berlinois avant ses années Dior où il commençait à entrevoir le futur style de la rue. Mais aussi comment trouver le juste équilibre entre des pièces avec de la personnalité et des vêtements portables.
N'ayant jamais fait d'école de stylisme, Slimane a en revanche une sensibilité artistique rare. Beaucoup de créateurs vous diront qu'ils sont inspirés par absolument tout ce qu'ils voient et tous les gens qu'ils croisent dans leur vie quotidienne (c'est la réponse bateau qui passe bien dans les milieux artistiques) et rare sont ceux qui le retranscrivent vraiment, ou alors ils vivent sur une planète différente. Ce n'est pas le cas de Slimane qui développe lui une vraie cohérence avec son autre passion : la photo.
Alors si vous voulez imaginer ce que sera la future collection YSL, c'est peut être par sa galerie photo, Hedislimane.com, qu'il vous faudra d'abord passer.
Les photos de Pete Doherty figurent parmi les plus connues :
Faites aussi un tour sur son journal pour une vision plus brut et spontanée de ses inspirations :
La BonneGueule Team reconnait notamment a cette dernière photo
des vertus artistiques soutenues.
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