Interview de Hugo Jacomet de Parisian Gentleman

29 min

Interview de Hugo Jacomet de Parisian Gentleman

29 min
Publié le : 9 août 2013Mis à jour le : 24 novembre 2016

Il y a quelques jours, nous avons accueilli Hugo Jacomet. Il a fondé l'excellent blog Parisian Gentleman, qui est assez complémentaire à BonneGueule : vous verrez dans la vidéo que nous partageons les mêmes réflexions sur la mode masculine, son marché et ses médias.

À la différence près que Hugo s'intéresse essentiellement à l'art tailleur (costume, chemise, souliers), là où nous baignons dans des styles moins formels (blazer, jeans, sneakers... voir à la fin de cet article).

Mais les parallèles restent frappants : bonne vidéo (elle dure longtemps, mais vraiment, rien n'est à jeter) !

Micro-résumé de l'interview de Hugo Jacomet, fondateur de Parisian Gentleman

Hugo, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Hugo Jacomet, je viens d’avoir 50 ans. Étant passionné d’art tailleur, j’ai fondé Parisian Gentleman en janvier 2009. Je suis né dans ce milieu, car mon grand-père était bottier et ma mère couturière. Mon but est de travailler à l’éducation des hommes sur l’élégance et les vêtements de tradition.

Pourquoi as-tu choisi une approche éducative pour Parisian Gentleman ?

Je pense que c’est le fondement de notre succès. Quand je lisais les magazines qui parlent du sujet, je me suis aperçu très vite que j’arrivais à une limite. Ces magazines ont un business model lié à la publicité. Ils n’ont pas la liberté d’expression nécessaire pour parler du vêtement comme il se doit.

J’ai décidé d’écrire et de partager mon avis et mon savoir sur le sujet. J’ai appris très vite que les gens demandaient justement cela, de l’éducation. Un vêtement raconte une histoire, communique une personnalité, un milieu social, une posture et cela passionne toute une nouvelle génération.

Quel est selon toi l’état de la presse et des blogs sur le sujet ?

Les lecteurs viennent trouver chez nous une transparence de discours qu’ils ne peuvent trouver dans la presse écrite. Et c’est paradoxal, car lorsque l’on parle d’Internet, et surtout de blog, le mot crédibilité ne vient pas de suite. À titre d’exemple, les petites maisons viennent vers nous, mais les grandes restent frileuses parce que la blogosphère leur fait peur.

Retenez cela : Ce qui est important, ce n’est pas le support, mais le contenu.

Cela améliore-t-il le niveau des achats des hommes ?

Indéniablement. Il y a des signes qui ne trompent pas : le marché de l’accessoire masculin progresse beaucoup depuis 3 ans : la pochette, la cravate et même les bijoux de cravates reviennent en force. On en voit fleurir de plus en plus dans la rue. On n’a jamais vécu cela. Si Berluti fait du vêtement, si LVMH rachète Loro Piana pour 2 milliards d’euros, c’est bien parce qu’il y a un marché énorme.

Il y a donc bien un regain d’intérêt des hommes pour le vêtement ?

Oui et il est très net. Il faut comprendre ce que l’on dit dans “regain”, parce qu’on sort de trois décennies catastrophiques. Je pense que l’on est dans un cycle. Le style masculin était encore présent dans les années 1960. Internet a créé une vraie alternative. Grâce à lui, on a eu accès aux conseils, aux avis. Il y a une révolution en cours, les choses bougent.

Quels conseils donnerais-tu à un débutant ?

Le clivage par l’argent est un faux problème. N’importe quel homme, jeune ou âgé, intéressé par le sujet, via les blogs, les ventes privées et tout le contenu Internet, peut s’habiller de manière confortable, sophistiquée, sans avoir à beaucoup débourser.

Il ne faut plus accepter le diktat d’un mec qui a pensé pour nous ce que nous allions porter et qui l’a lourdement promu. Nous pouvons avoir la main là-dessus. Mais ça demande d’être éduqué.

Que penses-tu de l’offre du prêt-à-porter actuel ?

On monte en gamme. L’homme qui vient en boutique aujourd’hui n’est plus le même. Les vendeurs sont parfois complètements perdus face aux lecteurs de blogs, de forums. On les pousse vers de la production de qualité car les blogs sont capables de faire ou défaire une notoriété. L’offre n’a jamais été aussi intéressante pour celui qui sait faire le tri.

Quel est selon toi le budget minimum pour un costume ?

Selon moi, la base, c’est le costume semi-entoilé, qui respire ; en deçà il y a un impact sur le style. Bien sûr, en période de soldes et avec de la chance, pour 400 euros, vous pouvez avoir, par exemple, un beau costume Timothy Everest à Londres. Mais la tranche 600 à 800 euros reste celle dans laquelle on peut commencer à parler de qualité et de durabilité.

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui a une cinquantaine d’années ?

Tout dépend de l’intérêt que l’on porte au sujet. Un homme qui est élégant doit prendre le temps de se faire une garde-robe, de forger son propre style. Il ne faut jamais faire de compromis sur la ligne. Il vaut mieux avoir un tissu moins classe et privilégier la coupe. Faites confiance à votre œil, et non au vendeur. Allez-y doucement, achetez une ou deux pièces de qualité qui vous plaisent et construisez autour.

Peut-on être trop habillé, trop parfait ?

Quand un mouvement se crée, il y a toujours des extrémistes. L’être humain est acceptable et intéressant tant qu’il ne devient pas la caricature de lui-même. Alors oui, il existe des hommes trop habillés. Encore une fois, la réponse à cela, c’est l’éducation.

Et toi, t’arrive-t-il d’être vêtu très simplement ?

Je ne suis pas pris par des contraintes vestimentaires. Je suis fan des vestes sport, et je porte, parfois même, des t-shirts. Mais c'est rare : quatre fois en deux ans !

Retranscription complète de l'interview de Hugo Jacomet, de Parisian Gentleman

Hugo Jacomet : La mesure est le graal pour moi parce qu’après tout, la mesure c’est quand même la quintessence de la vie, mon cher. Quand tu trouves ta femme, normalement, c’est sur-mesure.

Peux-tu te présenter ?

Hugo Jacomet : Je m’appelle Hugo Jacomet. Je viens d’avoir 50 ans. Nul n’est parfait. Et je suis, donc, fondateur de Parisian Gentleman que j’ai créé en janvier 2009, un soir d’insomnie, à 4 heures du matin très exactement, sans but précis puisque j’étais passionné d’art tailleur. Je suis petit fils de bottier. Ma maman était couturière. Elle est à la retraite maintenant. Donc, j’ai toujours été baigné dans tout ce qui est vêtement, dans tout ce qui est élégance. Après, j’ai fait une longue carrière dans l’audiovisuel, dans le cinéma, dans l’événementiel et dans la mise en scène. Et puis donc, depuis 2009, j’ai créé Parisian Gentleman. Et il se trouve que mon site est devenu un site important au niveau international et qu’on travaille sur l’éducation principalement des hommes sur l’élégance et sur le vêtement de tradition.

Pourquoi as-tu choisi une approche éducative sur Parisian Gentleman ?

Hugo Jacomet : Alors, je pense que c’est le fondement de tout notre succès. On s’est aperçu assez rapidement… moi, je bouquinais dans des magazines « The Rake », « Monsieur ». A peu près tous les quelques magazines sur le sujet. Et je me suis aperçu très vite que j’arrivais vite à une limite. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en termes éducatif, ces magazines-là n’avaient pas vraiment le temps de le faire parce qu’ils avaient un business model qui était lié à la publicité. Et quand vous avez une double page d’une marque quelconque, généralement mainstream, c’est le seul qui annonce en ouverture de votre magazine, il est fort peu probable que vous ayez toute la liberté d’expression nécessaire pour parler du vêtement comme il se doit.

Donc moi, j’ai décidé – dans un pur souci esthétique et dans un pur souci personnel, dans un premier temps de commencer à écrire et partager mon savoir sur le sujet. Et donc, on s’est aperçu que très, très vite, ce que les gens demandaient, c’était justement ça : de l’éducation. C’est-à-dire en gros, un vêtement raconte une histoire, communique une personnalité, communique un milieu social, communique une posture. Les gens sont extrêmement intéressés et de plus en plus justement sur la partie éducative.

Quel est selon toi l’état de la presse et des blogs sur le sujet ?

Hugo Jacomet : D’abord, on vit un phénomène aujourd’hui qui est assez étrange. C’est que un, la crédibilité est la vraie information de plus en plus. Les lecteurs, et ce n’est pas pour critiquer les gens de la presse écrite, mais il se trouve que aujourd’hui, la crédibilité se trouve bizarrement sur l’Internet, dans quelques sites comme le nôtre. C’est-à-dire que les gens viennent chercher chez nous une crédibilité et une transparence de discours qu’ils ne peuvent en aucun cas trouver dans la presse écrite. Pourquoi ? Et ce n’est pas une critique que je formule à cet égard, mais la presse écrite a un business model qui est différent du nôtre, qui est basé sur la publicité, qui est basé sur un certain nombre de choses comme ça. Et donc qui font que, aujourd’hui, ces gens-là sont en perte de vitesse pas par ce qu’ils font mais juste par rapport à ce qu’ils écrivent dans leur crédibilité.

Nous, chez Parisian Gentleman, on n’est lié avec aucune marque. On n’est lié avec aucun fabricant. Même si on a bien sûr les maisons qu’on protège, qu’on promeut et à qui on essaie de donner accès au marché directement. Mais pour autant, la crédibilité est du côté de l’Internet, ce qui est assez paradoxal parce que généralement, quand on dit Internet, le mot crédibilité ne vient pas directement.

Interviewer : Surtout avec le mot blog.

Hugo Jacomet : Absolument. Surtout avec le mot blog. D’ailleurs, c’est assez étonnant parce que je ne sais pas si vous vivez la même chose. Moi, je me rends compte aujourd’hui qu’autant, toutes les grandes maisons viennent vers nous pour savoir si on peut faire des reportages sur eux, etc. Ce qui est très bien. Mais dès qu’on commence à parler de choses un tout petit peu plus pointues comme, par exemple, un guide que je suis en train de monter petit à petit sur l’Internet avec ce que j’appelle le « Guide PG des maisons de qualité », sur lequel là, il y a un échange d’argent qui est complètement connu par mes lecteurs, c’est assez transparent, on se rend compte qu’il y a encore un blocage. C’est-à-dire que les petites maisons viennent très volontiers chez les gens comme nous pour exposer, mais les grandes maisons sont encore un tout petit peu frileuses parce que la blogosphère leur fait peur. Je ne sais pas si vous vivez la même chose chez Bonne Gueule. Moi, je suis surveillé. J’ai l’impression d’être surveillé comme le lait sur le feu. Ça ne veut pas dire qu’on est là pour critiquer tout le monde. Ça ne veut pas dire qu’on est là… Moi, je n’aime pas faire du mal aux gens généralement. Donc, les gens que je n’aime pas, je n’en parle pas. Mais il y a quand même une vraie liberté de ton, une vraie liberté de langage. Et puis surtout, je me rends compte qu’aujourd’hui, les gens qui lisent Parisian Gentleman et BonneGueule et qui, vraiment, vont dans le vrai sujet, bien souvent, ils se retrouvent en face de gens en boutique qui en savent moins qu’eux. Et donc, on est vraiment sur cette notion-là. On revient à l’éducation.

Pour nous, je pense aujourd’hui malgré tout le respect que j’ai pour la presse papier que le futur de l’élégance masculine se trouve sur l’Internet. Mais je balance ça aussi avec un travail de livre à côté puisque je suis très attaché au mot imprimé, comme vous d’ailleurs, je crois que vous faites des choses imprimées mais ce n’est pas le même type d’écriture pour moi.

Alors, je pense qu’il faut oublier les supports. Ce n’est pas un vrai débat. Moi, ce qui m’intéresse c’est la qualité de ce qui est écrit. Après, que ça soit sur écran, sur papier, taillé sur une pierre, sur une plaque de marbre, chanté, ça n’a aucune importance. L’important est le propos. Le problème, c’est que l’Internet a ouvert une fenêtre de liberté. Il faut savoir qu’aujourd’hui, la grande différence entre écrire dans un magazine, écrire un livre et écrire sur Internet c’est que quand vous écrivez un livre, vous avez été choisi parmi des milliers de personnes qui peuvent potentiellement écrire un livre. Donc, vous avez été sélectionnés pour ça. Sur l’Internet, vous pouvez vous asseoir devant votre clavier et écrire. Ça veut dire qu’évidemment, il y a 85% de choses qui ne sont pas intéressantes même surtout actuellement dans notre secteur, vous le voyez tous les jours. Il y a, surtout le mot « Gentleman » – j’ai eu du bol de le prendre le premier, je n’ai vraiment pas fait exprès – tous les jours, il y a un blog… j’exagère. Toutes les semaines, il y a un blog qui se crée, qu’il y a le mot « Gentleman » à l’intérieur.

Donc, moi je vois le futur. Sincèrement, le point majeur c’est le propos. Et la question n’est pas uniquement liée à notre secteur. Enfin, je veux dire, c’est vrai pour tous les secteurs d’activité. Je pense que la presse papier, par définition, hormis des choses extrêmement pointues comme monocle, comme ce genre de choses qui ont ouvert une voix un peu particulière, je pense que le futur bien sûr est sur l’Internet. Mais je pense aussi qu’il y a aussi des ponts énormes qui sont en train de se créer. Moi, j’écris dans la presse papier. Je fais des contributions. Je parle à la radio. J’écris des bouquins. Donc, il y a vraiment une vraie fusion. Encore une fois, le juge de paix pour moi, c’est la qualité du propos et c’est la qualité de ce qu’on dit à l’intérieur. Après, que ça soit sur un écran, même si… J’ai écrit un article récemment sur le sujet où c’est vrai qu’il y a eu des études qui ont été faites qui montrent que le mot imprimé crée quelque chose de différent mentalement par rapport à un mot sur écran. C’est assez simple. En fait, quand vous êtes sur écran ou sur Internet, vous êtes par définition dans un environnement ouvert. C’est-à-dire, vous pouvez à tout moment vous échapper. Vous pouvez à tout moment cliquer. Vous pouvez vous documenter, fouiller un peu plus avant. Alors que sur un livre écrit, vous êtes en tête à tête, seul, avec quelque chose qui est écrite et qui est face à vous. Et on s’est aperçu avec des études que la base de la compréhension même, c’est ce qu’on appelle "les liens de causalité", c’est-à-dire en gros, la compréhension de la causalité entre des choses, d’accord, et le mot sur papier. C’est un fait scientifique et beaucoup plus intéressant pour vraiment identifier les contenus puisque vous êtes prisonniers d’untel. Vous êtes en tête à tête. Alors que sur l’Internet… c’est pour ça que sur Parisian Gentleman, on met assez peu de liens. On met très peu. On ne met pas de bannière. On n’a aucune publicité à l’intérieur. On est complètement immaculé. Et puis, je vais vous le dire en exclusivité pour vous, si vous le voulez, on prépare la version 3 qui sera une fusion entre le livre et l’Internet. Donc, avec un vrai travail de typo retravaillé à l’ancienne. C’est-à-dire vraiment un choix typo fabriqué pour nous où on va essayer d’aller retrouver la saveur livresque mais en étant dans un environnement d’écran. Et ça, c’est un chantier de six mois, je pense, à peu près.

Cela améliore-t-il le niveau des achats des hommes ?

Hugo Jacomet : Indéniablement. Et moi, je ne fais pas partie des esprits chagrins. Des gens qui disent : « Ouais. Regarde comment il est… ». Oui, il y a un énorme chantier devant nous. Enfin, tout de même, il y a des signes qui ne trompent pas.

Le marché de l’accessoire masculin a une progression à deux chiffres énormes depuis deux ans, trois ans. Je pense qu’on a même touché à plus de 60% sur le petit accessoire, la pochette, la cravate. Les bijoux de cravate font un retour en force énorme. Donc là, il faudrait être aveugle ou stupide ou borné pour ne pas observer. Il se passe quelque chose. Pour autant, c’est vrai qu’on est quand même dans une civilisation qui a depuis très longtemps fait l’impasse – surtout dans le monde de l’homme – sur ce qu’on appelait la mode, le style parce que tu es gentil avec moi. J'apprécie beaucoup que tu dises «style» et pas «mode». Ok. On s’est quand même fondu dans l’article. Sonia s’est fondu dans l’article très récemment en disant : « Attendez. Ce débat, on a plein le dos, quoi. Arrêtez de dire que le… ». C’est assez facile de comprendre que le style est intemporel et que la mode est passagère. C’est assez facile de comprendre que le style c’est personnel et que la mode, c’est dictée. Ou ce sont des tendances de base. Mais pour autant, pour nous, il n’y a pas d’antinomie potentielle puisqu’il y a quand même des gens…

Timothy Everest c’est un excellent exemple. Timothy Everest, c’est un tailleur londonien, élève de Tommy Nutter sur Savile Row qui a habillé les Beatles et qui, aujourd'hui, fait des collaborations avec Superdry, fait des collaborations avec des maisons qui sont beaucoup plus mainstream. Alors après, avec plus ou moins de bonheur. Ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est que simplement, aujourd’hui, il y a une espèce de fusion.

Pour répondre plus simplement à votre question sur l’élégance des hommes, indéniablement, je pense qu’on progresse sur le sujet. On voit fleurir des pochettes. On voit fleurir des petites épingles, etc.

Il y a aussi des gens qui aident à ça. Par exemple, il y a des lieux comme Pierre Degand à Bruxelles, comme The Armoury à Hong Kong qui sont des lieux absolument magiques où les gens ne viennent pas pour acheter des vêtements. Ils viennent pour s’immerger dans un monde de l’élégance. Ils viennent pour partager un cigare, boire un whisky, et accessoirement, faire un costume en grande mesure chez Liverano, etc. Donc, il y a une vraie poussée.

Après, est-ce que le mouvement est pérenne ? Oui, indéniablement. Je pense qu’on en a au moins pour 10-15 ans parce qu’on est vraiment sur une crête. Après, toute est question d’éducation encore une fois. Moi, mon analyse, c’est qu’on n’a jamais vécu ça. Bon moi, j’ai 50 ans, j’ai un peu plus de recul que vous les enfants. Donc, je n’ai jamais vécu ça. Il y a vraiment quelque chose qui se passe. Après, il faut faire le distinguo parce que tout le monde se revendique maintenant de faire des cravates machin, d’être… voilà. Même The Kooples, qui sont ... Bref, ils ont failli m’avoir. J’ai fait demi-tour d’ailleurs avec eux puisque je suis allé les voir. Bon, peu importe. Mais encore une fois, le tri va se faire naturellement. Aujourd’hui, on est dans la mêlée. Tout le monde y va de sa pochette. The Kooples, ils vont quand même très loin. Ils font même des pochettes fixes, et même des accessoires fixes. Oui. Ils ont par exemple des chaînettes pour mettre les montres. C’est fixe. C’est juste un accessoire.

Oui, et bien, c’est la vulgarité incarnée. Moi, ce qui me donne confiance, ce qui me plaît, c'est quand je vois des investissements colossaux comme ça. Quand je vois Pinault-Printemps-Redoute qui rachète Brioni, ça pourrait être passer pour une mauvaise nouvelle. Au final, c’est une bonne nouvelle. Pourquoi ? Parce que Brioni, c’est un grand tailleur. C’est une vraie maison de couture. Et que Pinault-Printemps-Redoute promeuvent et investissent des gens comme ça, cela a vraiment du bon. Et donc, je pense que dans tout ça, on est parti pour, je pense, 15 années passionnantes sur le sujet. Et puis après tout, l’homme est une femme comme les autres. Il faut juste en être conscient.

Il y a donc bien un regain d’intérêt des hommes pour le vêtement ?

Hugo Jacomet : Je pense que, effectivement, il y a un regain d’intérêt très net des hommes sur le vêtement. Je pense qu’il faut faire attention dans ce qu’on dit, d’abord.

Regain d’intérêt, il faut vraiment comprendre ce qu’on dit dans regain parce qu’on sort de, on va dire, vraiment deux décennies, trois décennies qui sont catastrophiques pour le style masculin. 80, c’est une catastrophe. 90, c’est catastrophique. 2000, a commencé à relever la tête. Donc, on sort vraiment de trois décennies. Mais en revanche, juste avant ça, 70, malgré tout ce qu’on peut en dire, était un terrain d’expérimentation absolument gigantesque. Il est quand même sorti des gens comme Tommy Nutter sur Savile Row, comme Edward Sexton, qui sont des gens qui étaient complètement dans ce milieu-là. Donc, je trouve qu’on dit beaucoup de mal des années 70, mais c’était très intéressant. Les années 60, c’était la fin de la vraie période du style masculin 40-50. Donc, on restait encore avec des vrais apports, notamment au niveau du style parisien. C’était très intéressant. Donc, je pense qu’on est dans un cycle, d’abord et avant tout. Ok. Mais pour autant, l’Internet a créé une vraie alternative. Je vous explique ça en deux mots.

On a été depuis 30 ans dans le easywear, sportswear, streetwear, et avec cette notion surtout que l’homme n’était pas très concerné par l’élégance, etc. Donc ça, on va dire que ça a été 30 ans. A peu près comme ça. Et d’un seul coup, il y a eu une espèce de déclic qui s’est créé. Pourquoi ? Et bien, tout simplement parce que grâce à l'Internet, on a eu accès subitement.

Il ne faut pas oublier un facteur majeur. C’est que, avant, en 1988, tu voulais t’intéresser à l’élégance masculine, où est-ce que tu allais pouvoir lire sur le sujet ? Quasiment nulle part. Aujourd'hui, donc, à mon avis, on redémarre un cycle. Et ce qui est intéressant, c’est qu’on a redémarré un cycle avec des images dans la tête qui sont des images des années 30 et 40. Ok. Aster, Cooper, Grant n’ont jamais été autant mis à l’honneur ces 30 dernières années qu’actuellement. Il y a des bouquins qui sortent sur Gary Cooper. Très bon livre d’ailleurs de Bruce Boyer sur Gary Cooper où il a eu accès à toutes les archives familiales de Gary Cooper qui est un magnifique ouvrage qui est sorti aux États-Unis. Je pense qu'il est sorti en France également. Donc, on redécouvre cette période-là.

Donc, je pense que ce regain d'intérêt vient de l'Internet principalement, avec cet accès à l'information. Et puis, je pense également qu’il y a une révolution en cours qui est une révolution du genre, une révolution sexuelle, une révolution dans tout. Vraiment, les choses bougent énormément. Et aujourd’hui, on peut commencer à s’habiller avec style sans être, comment dire… moi, je me suis charrié toute ma vie parce que je m’habillais un peu différemment. Je me suis charrié. Ce qui, plutôt, me plaisait. Mais après, c’est une forme de personnalité. Je pense qu’effectivement, on est parti pour 30 années. Mais, ça n’a rien… je veux dire la grotte de Lascaux, sur les murs, il y a des peintures rupestres qui sont des peintures d’ornementation où on voit des silhouettes de gens qui sont habillés. On voyait que l’ornementation est très importante pour l'humanité. C’est ce qui fait la différence entre l’homme et l’animal.

Quels conseils donnerais-tu à un débutant ?

Hugo Jacomet : Moi, ce que je pense d'abord, c’est que le clivage par l’argent est un faux problème. Aujourd'hui, toute personne éduquée, c'est pour ça que l'éducation est fondamentale. Toute personne éduquée – évidemment, quelqu’un qui a les moyens – bon, si vous avez les moyens d’aller à la grande mesure directement, allez-y parce que vous ne serez plus jamais le même. Après, c’est… Non, mais je pense que cela a un impact terrible sur la personnalité. C’est presque une démarche heuristique. C’est un travail philosophique quasiment pour moi. Mais évidemment, le panier moyen – vous vous en rendez bien compte – est je crois, trois fois et demie le SMIC aujourd’hui pour un costume. Donc, je pense que c’est vraiment le haut du panier. Mais c’est un métier qui est extrêmement important à protéger et à promouvoir.

Mais aujourd’hui, n’importe quel gentleman, n’importe quel homme qu’il soit jeune ou plus âgé qui est vraiment intéressé par le sujet via les blogs, les ventes privées, eBay, et toutes les possibilités qu’il y a aujourd’hui, peut s’habiller de manière extrêmement sophistiqué et extrêmement confortable, et extrêmement de manière raisonnable en termes de tarif. Si tant est que vous évitiez toutes les grandes marques qui vendent de la merde très chère.

Evidemment, toute personne qui a la capacité d’aller vers la mesure, que ce soit de la grande mesure, de la demi-mesure, la petite mesure, de la mesure industrielle, si vous voulez savoir le différentiel sur Parisian Gentleman, ce sera un peu long à expliquer tout de suite. Aujourd’hui, on peut commencer prétendre à avoir de la mesure aux alentours de 1000 euros sur de la mesure industrielle. Evidemment si vous avez la possibilité d’aller vers ça, c’est bien sûr mieux tout de suite parce que vous avez accès à quelque chose qui se rapproche plus de l’expression de vous-même que simplement l’achat d’un vêtement. Pour autant, aujourd’hui – et c’est l’effet positif de tout ce qui se passe aujourd’hui – l’offre est absolument pléthorique. Je veux dire, il ne se passe pas une semaine sans qu’il y ait un nouveau fabricant de cravate, de chemise, de costume, etc. Donc, je pense qu’aujourd’hui, il est beaucoup plus facile d’être élégant. L’offre est là. Il y a toutes les gammes de prix. Moi, je découvre des pépites. C’est ce que je dis par exemple pour les chemises. Tout le monde demande : « Mais comment commencer pour la chemise par chère ? », etc. J’ai dit : « Ecoutez. Si vous avez envie de faire à la main, allez chez Levine. TMLevine. » Ok, c’est fabriqué en Inde. Il y a marqué "established 1800, quelque chose sur Jamin Street ». On sait que c’est fabriqué en Inde. Mais enfin, quand en période de solde, vous pouvez avoir accès à quatre types de col, trois types de poignées, différentes matières, différents motifs pour 29 livres sterling les trois chemises en période de solde. Ça vous permet de faire des essais. Les cravates, pareil. Vous pouvez voir, c’est de la bonne qualité. Bon, évidemment, c’est pareil chez Tyrwhitt. Vous savez, ce sont tous les chemisiers anglais qui ont des offres extrêmement compétitives. Un jeune homme qui a envie d’essayer. Moi, je le dis d’ailleurs beaucoup : Allez chez Levine. Commandez-vous. Vous ne prenez pas de risque, vous pouvez commander 100 balles de chemises. Peut-être que vous allez avoir six chemises. Vous faites vos essais. Vous voyez ce qui vous va mieux. Quelle couleur vous va au teint, etc. Donc, il y a réellement fouiller, fouiller les offres en ligne, aller dans les magasins et aller sur EBay également.

C’est dommage de dire ça parce que je ne protège pas, mais je veux dire que pour un gamin qui a vraiment envie de goûter un costume de chez Rubinacci ou chez Attolini, il ne pourra pas se le payer aujourd’hui. S’il y va sur EBay, il pourra éventuellement avec de la chance de le trouver. En gros, aujourd’hui, l’univers est ouvert. Et surtout, je pense qu’il est la mesure est le graal pour moi parce qu’après tout, la mesure c’est quand même la quintessence de la vie, mon cher. Quand tu trouves ta femme, normalement, c’est sur mesure. Tu vois, tu la choisis. Oui, la mesure c’est vraiment cette notion de, comment dire, ne plus accepter le diktat d’un mec qui a pensé pour toi ce que t’allais porter et qu’il a lourdement promu, et te remettre toi-même dans cette idée-là qu’après tout, tu peux avoir la main là-dessus. Et qu’après tout, c’est vachement bien d’avoir la main là-dessus mais ça demande d’être éduqué. Voilà.

Et que penses-tu de l’offre de prêt-à-porter actuelle ?

Hugo Jacomet : Le regainest très bon parce qu’il y a un effet excellent des gens comme vous et comme nous. C’est qu’on casse le bras à beaucoup de maisons c'est-à-dire que moi, je me suis aperçu par exemple depuis quelques années qu’on voit beaucoup de choses dont j’ai parlé : la petite boutonnière à l’horizontale sur les chemises. On commence à avoir des milanaises un tout petit peu plus intéressantes. En l’occurrence des milanaises, non puisque ça, c’est une vraie milanaise, mais on commence à avoir du travail sur les boutonnières. Donc, il y a...

Interviewer : Des boutonnières ouvertes ?

Hugo Jacomet : Voilà. C’est grâce à nous et vous, et nous et plein d’autres. On est en train de casser les bras à ces gens-là et indéniablement – moi, je l’observe, je suis capable de le dire et vraiment sans aucune réserve – on monte en gamme. C'est-à-dire qu’aujourd’hui, je trouve que l’offre est de bien meilleure qualité parce que les hommes sont éduqués. Chez Francesco Smalto, ils le savent très bien. Quand on va Rue François 1er, vous allez quand même acheter un costume de 2 500 euros, 3 000 euros, 3 500 euros. Donc, c’est un investissement. Au-delà de 3 500 euros, il faut aller faire de la grande mesure. C’est ridicule d’acheter plus chère. Mais ces gens-là, aujourd’hui, sont montés en gamme.

Pourquoi ? Parce que le mec qui vient en boutique, l’homme qui vient en boutique aujourd’hui, ce n’est plus le même que dans les années 2000 et encore moins dans les années 90. Et il y a combien de vendeurs qui se retrouvent en face d’un lecteur de « Bonne Gueule » ou « Parisian Gentleman » ou d’autres et qui est complètement paumé parce que lui, il va demander : « Mais votre épaule, elle est entre Romaine et Napolitaine ? » Et évidemment, la grande majorité des vendeurs en boutique. Donc, il y a un vrai effet positif. C'est-à-dire que par l’impulsion de gens comme nous qui existons par passion d’abord et avant toutes choses, on a – j’aime bien la leçon de casser le bras – quand on les pousse vers la qualité parce qu’aujourd’hui, une maison qui vend un costume à 2 000 euros par exemple, elle vend de la merde à 2 000 euros. Ça se sait en trois jours sur l’Internet. Et par une dizaine de blogs ou de forums, etc., on peut faire ou défaire une notoriété. Alors, après, ça ouvre un autre sujet. Restons à notre place aussi à un certain moment. C’est un autre sujet que je ne veux pas traiter ici.

Donc, pour répondre à ta question de manière globale, je pense réellement qu’on n’a jamais eu autant de choix et qu’on n’a jamais eu autant d’offres de qualité parce que justement, il y a de l’éducation. Les clients sont de plus en plus éduqués. Et ce n’est pas parce qu’ils achètent un objet à 300 euros qu’ils veulent acheter de la merde. Et donc de plus en plus, je pense qu’au contraire, l’offre n’a jamais été aussi intéressante pour celui qui sait faire le tri.

Quel est selon toi le budget minimum pour un costume ?

Hugo Jacomet : Mon grand-père m’a toujours expliqué – ce n’est pas mon grand-père d’ailleurs, c’était mon ami Roger qui était viticulteur. Vous vous souvenez, j’avais écrit ça dans un article ? Il m’a dit : « Hugo, ce n’est pas possible pour faire un Bordeaux ». Il était producteur de vin en Anjou, petit vin rouge.

Interviewer : Cabernet ?

Hugo Jacomet : Voilà. Très bon. C’était à côté de Saumur exactement. Et je me souviens, je foulais le raisin au pied avec lui puisque ça se faisait comme ça à l’époque. Il me disait : « Hugo, à moins de 35 francs qui faisait à l’époque 5 euros quoi, tu ne peux pas trouver un Bordeaux décent. C’est mécanique. » C'est-à-dire qu’à un moment, mécaniquement, tu ne peux pas trouver la quête. Alors, après, tout dépend de ce qu’on cherche. Dans le costume, c’est pareil. Aujourd’hui, je considère moins qu’un costume. Alors, on ne va pas rentrer dans le débat du thermocollage, Ok. Simplement ce qu’on sait, c’est qu’en termes de confort, de tombé, de durabilité, au moins en semi-entoilé c'est-à-dire une toile libre à l’intérieur des costumes qui respire, pas quelque chose qui est fusée, c’est vraiment le mot. Je fais le bruit parce que c’est vraiment ça. Ça, pour moi, c’est la base. En deçà de ça, on est vraiment dans la mauvaise matière, etc. et surtout, ça impacte le style et le tombé du vêtement.

Donc, je pense que… allez, je vais me lancer mais je pense que si vous êtes capables d’acheter en bonne période de solde chez Timothy Everest à Londres, vous avez du semi-entoilé fabriqué en Portugal, de manière très ouverte. Ça veut dire que Timothy Everest fait partie de ces gens qui ne se cachent pas parce qu’après tout, il est lié à une très, très bonne maison en Portugal et c’est vrai en l’occurrence. On parle de solde, vous pourrez avoir un beau costume 350-400 euros, quelque chose comme ça de Timothy Everest à Londres. Aujourd’hui voilà, c’est vrai qu’en standard, pour moi, je pense qu’à partir de 400 euros, on peut commencer à avoir quelque chose de correct. 600 ou 800 euros est pour moi plutôt quand même la tranche dans laquelle on trouve vraiment quelque chose mais qui va durer.

Savez-vous par exemple que Cifonelli faisait avant 600 costumes avec 40 clients ? Cette année, ils ont fait 980 costumes avec 250 clients. Donc, ça veut tout dire. Ça veut dire qu’aujourd’hui chez Cifonelli – chez Camps de Luca, c’est pareil – ils ont des trentenaires qui viennent et qui font un prêt bancaire pour s’acheter deux costumes bespoke. Et ils ont raison. Non pas parce que tout le monde pense que c’est ridicule de mettre 10 000 euros dans deux costumes, etc. Non. Rockefeller disait, vous vous souvenez de cette phrase-là ? On a posé la question un jour à Rockefeller, on a dit : « Monsieur Rockefeller, s’il vous restait 10 000 dollars, qu’est-ce que vous feriez ? » Il a dit : « Je m’achèterais un beau costume. »

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui a une cinquantaine d’années ?

Hugo Jacomet : Tout dépend de l’intérêt qu’on porte aussi au sujet parce que moi, je ne fais pas partie de ceux qui veulent absolument convaincre tout le monde qu’il faut être élégant tout le temps. Après, comme disait les Américains : « Every man for himself. » On s’en fout mais effectivement, j’ai d’ailleurs écrit tout récemment un petit précis d’élégance pour la maison Smalto qui va sortir dans les boutiques parce que les gens… Oui, un très bon exemple. Smalto fait une nouvelle collection et nous demande d’écrire un guide d’élégance sur comment porter la nouvelle collection ? Vous voyez ça, c’est un petit aparté mais ça, c’est l’éducation. Même les grandes maisons maintenant font appel à des gens comme nous pour faire l’éducation.

Un homme qui veut être élégant, qui a un petit peu de moyen, je le conseille de prendre le temps de se faire une garde-robe. Je ne fais partie de ceux qui disent : « il faut trois costumes, machin… deux costumes… non. » Commencez par un ou deux vêtements, tranquillement. Forgez votre propre style. C’est une démarche si vous voulez vraiment le faire de manière… ça ne prend pas 15 heures par jour. Si, pour des gens comme nous. Mais nous, c’est notre métier. On est immergé à l’intérieur. Mais moi, je connais plein d’hommes qui s’y intéressent vraiment. Le seul problème, c’est que l’homme… il faut garder cette phrase-là : « Quand l’homme est passionné, il est 10 000 fois plus déraisonnable que la femme. » L’homme est incontrôlable quand il a un jouet. Ok. Mais c’est réel. Même les grandes maisons de couture le savent. Cifonelli sait. Il y a des gens qui pètent les plombs chez lui, qui achètent 15 costumes, qui pètent une durite. Je ne rigole pas parce que l’homme est complètement déraisonnable, il faut le savoir, beaucoup plus que la femme. Donc ça, c’est un sujet qui m’intéresse beaucoup mais un peu psychologiquement parce que c’est assez vrai.

Ce que je conseillerais c’est de, premier conseil : ne jamais compromettre la ligne. Faites des « compromissions » - des compromis, on dit en français – sur le tissu. Faites des compromis sur les finitions mais jamais sur la ligne. Je préfère un tissu un tout petit peu moins classieux mais avec une vraie coupe.

Deuxièmement, faites confiance à votre œil. Les vendeurs en boutique sont là pour vendre des vêtements. Vous êtes là pour acheter quelque chose qui va vous aller. Donc, ne croyez jamais un vendeur qui vous dit : « il vous va bien » etc.

Troisième chose, allez-y doucement. Achetez une ou deux belles pièces. Vivez avec, voyez ce qui va. Et surtout, une petite chose que personne ne fait – alors ça, ça m’a toujours étonné – vous voyez que quand une femme va dans un magasin, quel est le premier geste qu’elle fait quand elle prend une robe ? Elle prend la robe et elle se met sous le teint. Elle se regarde comme ça dans la glace. Vous avez déjà vu un homme faire comme ça avec un costume. Jamais. C’est le premier geste à faire. Je peux vous dire tout de suite ce qui vous va ou ce qui ne vous va pas à vos teints, c’est fondamental. Voilà.

Aujourd’hui, on est en train de donner tout un tas de petits conseils. Donc, ce que je conseillerais à un homme c’est de prendre son temps : faire une pièce, deux pièces, déterminer ce qui lui va. Faire des essais petit à petit, aller un petit peu vers le croisé, donner la chance aux trois pièces. Et petit à petit, voilà. Je pense qu’un homme qui raisonnablement a six ou sept costumes – allez, on va dire cinq costumes avec une belle veste sport et puis deux jolis pantalons en flanelle – a déjà une garde-robe sérieuse. Ok. Après évidemment, c’est sans fin.

Moi je connais des gens qui me disent qui ont 250 costumes. Il y a un malade mental sur Paris qui a 350 costumes, qui passent sa vie à faire ça toute la journée. Il y a des gens qui sont extrémistes. Je connais des gens mais je ne peux même pas vous le dire. C’est incroyable. Il y a des gens qui sont complètement…

Donc, voilà. Ce que je conseillerais, oui c’est ça, c’est une garde-robe simple, progressive. Et surtout, prenez le temps quoi. C’est génial. L’œuvre d’art, c’est vous-même. Enfin, c’est quand même génial de prendre le temps d’aller s’habiller, de faire des essais. Et donc, lisez Bonne Gueule, Parisian Gentleman et d’autres pour justement aller choisir les maisons sur qui vous allez pouvoir prendre le temps de faire ça. Donc, prenez votre temps. Et pour l’amour du ciel, évitez ces espèces de maisons surmarketées qui vous vendent des choses qui ne sont même pas décentes.

Peut-on être trop habillé, trop parfait ?

Hugo Jacomet : Oui. Je ne suis peut-être pas le seul mais un des rares à exprimer que l’élégance n’a pas qu’à voir avec des vêtements, et je pense même que ça a assez peu à voir avec les vêtements. L’être humain est acceptable et intéressant tant qu’il ne devient pas la caricature de lui-même. Et le problème de ces gens-là c’est qu’ils deviennent souvent la caricature d’eux-mêmes. Donc moi, je vois des gens qui sont survêtus, qui sont sursophistiqués. Et c’est pour ça que l’éducation est encore une fois importante. C’est que pour moi, le sujet du vêtement masculin, de l’élégance masculine a un peu à voir avec les vêtements. Bien sûr, parce que c’est quand même plus facile d’être élégant dans un Cifonelli sur mesure que dans un bleu de travail. Quoique, mais enfin, normalement, c’est le cas.

Sans aller dans la formule, il me semble que l’élégance, par définition, elle est discrète. L’élégance est raffinée. Et vous savez qu’une des phrases qui me tient particulièrement à cœur dans Parisian Gentleman, c’est : « D’abord, on apprend les règles pour ensuite les briser ».

Moi, je rencontre toute la journée des gens qui font l’erreur de trop s’apprêter, de trop s’habiller. C’est absolument ridicule quand quelqu’un est cravate, bijou, cravate, pochette, etc. et qu’on voit tout de suite qu’il a fait des efforts pour faire ça. Et bien, qu’est-ce qui se passe sur les gens ? On voit que cette personne expose ses efforts au lieu d’exposer sa personne. Donc, elle est en train vraiment de montrer à autrui qu’elle a fait des efforts. Ça peut être charmant de le faire quand vous le faites pour quelqu’un pour une occasion. Mais dans la vie quotidienne – alors, encore une fois, tout ceci est très personnel – peut-être qu’il y a des gens qui sont très bien à l’intérieur, pour moi, l’élégance est discrète et il n’y a pas de meilleurs mots que « understated », en anglais. C’est vraiment, on est en dessous. Ça, c’est la base de tout.

« La Sprezzatura », c’est un article un peu célèbre de PG qui a été écrit sur la base d’un article de Bruce Boyer, qui est aux Etats-Unis. C’est cette tradition italienne justement de cette nonchalance travaillée. C’est de donner l’impression qu’on ne s’est pas préparé et qu’on a pris le foulard ou la cravate qui était au-dessus de la pile. Evidemment, un certain niveau d’élégance, ce n’est pas tout à fait le cas. Mais je pense que l’élégance, oui, il y a un risque. Il y a un risque. Mais, c’est normal. Je veux dire donc, à chaque moment qu’il y a eu une poussée sur un sujet, il y a eu les extrémistes de ce sujet. La seule chose sur laquelle je m’inscris totalement et que je ne suis pas d’accord, c’est qu’on galvaude un concept comme le concept de dandysme. Parce que le concept de dandysme est un concept extrêmement précis, qui décrit quelque chose de très précis. Aujourd’hui, c’est devenu une espèce de mot fourre-tout dans lequel on met tout et n’importe quoi. Voilà. Donc oui, je pense qu’il y a le risque d’être trop habillé. Mais la solution et encore une fois la réponse de tout ça, c’est l’éducation.

Et il t’arrive d’être vêtu très simplement ?

Hugo Jacomet : Je porte du jean assez facilement. Je porte des bottes rigolotes assez facilement. Je peux même être assez vite assez rock’n’roll. Ça n’a pas d’importance. Il se trouve que moi j’ai, un rapport au vêtement qui est un rapport… comment dire, ce n’est pas un rapport de contrainte. J’ai la chance de faire ce que je veux dans la vie. J’ai la chance de me lever à l’heure que je veux. Plus exactement, de me coucher à l’heure que je veux. Donc, en gros, je ne suis pas pris dans des contraintes vestimentaires, comme un mec qui travaille à la Défense qui doit mettre son costume et sa cravate parce que c’est la règle. Ok. Donc, grosso modo, je fais ce que je veux.

Il se trouve qu’en plus, c’est un peu mon domaine d’activité, même carrément mon domaine d’activité. Donc, oui, je suis très amateur des belles vestes sport le week-end, une belle veste en tweed l’hiver. Ou même une veste seersucker l’été. Mais je peux porter du blouson cuir. Je peux porter des tee-shirts.

Interviewer : Des tee-shirts ?

Hugo Jacomet : Je peux porter des tee-shirts. Oui, bien entendu. Mais, c’est rare. How many times did I wear tee-shirt in the last two years ? Quatre fois en deux ans. Bon, ce n’est pas beaucoup. Non, mais je peux aller… je ne suis surtout pas obtus par rapport à ça, mais vraiment pas. C’est-à-dire que je considère moi qu’un très beau jean bien coordonné avec… Aujourd’hui, j’ai un jean avec des bottes vintage vernies de 1980. Je dis vintage là puisque c’était à l’époque. C’est un peu particulier. Voilà. Elles sont même un peu pourries au bout. J’aime bien. C’est mon style, un tout petit peu lâché. Donc, moi, je suis vraiment dans le domaine de la… comment dire, c’est un média qui est devenu important. Mais je suis vraiment dans le domaine de la passion. Je suis vraiment dans le domaine de l’éducation. Mon vrai projet derrière, c’est de… Bon, je peux vous le dire. Allez, c’est une exclusivité pour Bonne Gueule. Le projet de Parisian Gentleman dans les deux-trois ans à venir, c’est de faire le premier travail de répertoire de tous les tailleurs et bottiers dans le monde entier, y compris jusque dans les pays les plus reculés de la planète parce que je trouve que c’est un sujet qui a été galvaudé. J’ai, par exemple, eu contact avec des gens en Côte-d’Ivoire qui font des vestes pour 10 euros pour les nécessiteux, des vrais tailleurs. J’ai des gens en Birmanie qui font des trucs hallucinants. Et je veux ressourcer tous ces gens-là. Et l’idée, c’est que je veux emmener Timothy Everest, Lorenzo Cifonelli et Mariano Rubinacci et les Carracci au fin fond de l’Afrique pour faire un masterclass. Parce que je considère que le vêtement est vecteur de la beauté et de la façon dont on se présente à autrui. Et ça peut changer la vie. Et redonner la dignité aux gens par la beauté, c’est aussi une route qui a été complètement ignorée jusqu’à présent.

J’ai, par exemple, un lectorat monstrueux en Afrique. Bien sûr, il y a les sapeurs camerounais et tous les gens, etc. Mais même au-delà de ça, j’ai un lectorat et qui n’est pas de l’image qu’on a de l’Afrique parce que l’image de l’Afrique, attention, c’est en train de changer diablement. Il va se passer des trucs extrêmement importants même dans notre secteur en Afrique. Donc voilà, mon projet à long terme, c’est de faire le premier – enfin – répertoire mondial de l’art tailleur et bottier. Et d’aller ressourcer et d’aller re-identifier tous les gens. Donc, double effet pour ça. Premièrement, réatttirer l’attention sur ce métier. Deuxièmement, recréer des vocations parce qu’on a un vrai problème en France sur le sujet. On va mourir de ça. On n’a plus de tailleur. Et alors que l’art tailleur est comme ça, ça n’intéresse pas les gamins. Les gamins, ils veulent être sociologues ou rock star, en gros. Ou éventuellement dentiste, mais c’est de moins en moins intéressant. C’est leurs parents le problème. Ce n’est pas les enfants. Pour moi, c’est les parents.

J’adore les artisans. C’est génial. Moi-même, je suis consommateur des artisans, les bobos… J’adore les artisans. Mais enfin, pour mon fils, je préfère qu’il fasse HEC ou Maths Sup’. Il ne faut pas déconner. On a un vrai snobisme en France sur ce sujet-là. Et moi, mon projet, c’est au niveau international. Mais ça, c’est pour deux ans. Je ne sais pas si c’est intéressant pour vous. Ce n’est peut-être pas intéressant.

Je me suis donné pour mission – comme personne ne me l’a donné, je me la suis donné tout seul – de travailler sur cet art-là, tailleur et bottier. Mais d’aller vraiment faire le job. Et je pense, ça va me prendre trois ou quatre ans. On a regardé, on a déjà identifié les gens dans 87 pays. Tout ça pour vous dire que selon moi, le style, l’élégance et la qualité n’est pas qu’une affaire d’argent. J’ai beaucoup de lecteurs qui sont d’une élégance inouïe et qui n’ont pas la moitié du début du moyen d’aller faire de la grande mesure. Et c’est ça qui m’intéresse. La beauté m’intéresse. Je sais, j’ai une démarche quasi philosophique, c’est la beauté qui m’intéresse. Et c’est le vecteur du beau, qu’est-ce que ça crée chez l’homme, en général ? Bon, chez la femme, bien sûr, mais chez l’homme aussi en général. Et je m’aperçois qu’il y a un sujet énorme qui nous ouvre les bras. Et bien, on va se laisser en prendre.

Interviewer : On se donne rendez-vous dans 3 ans.

Hugo Jacomet : Allez !

Merci à Hugo, de l'excellent blog Parisian Gentleman.

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