Futurologie de la mode : quel avenir pour le masque après le Covid-19 ?
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Futurologie de la mode : quel avenir pour le masque après le Covid-19 ?
Article mis à jour le 24 août 2020 - Quatre mois exactement après la parution de cet article, il est temps de relever les compteurs quant à mes prévisions sur le futur du masque.
En quoi m'étais-je trompé ? Sur quoi avais-je bien vu juste ? Qu'est-ce qu'on est en droit d'attendre pour la suite ?
1. Ce qui s'est passé comme prévu
Ce n'est pas sans une légère pointe d'orgueil que j'annonce, exactement comme je l'avais prédit, que le masque a bel bien pris une dimension "esthétique".
Il serait pratiquement inutile de vous faire une liste exhaustive, car aujourd'hui, je ne doute pas que vous ayez des adresses pour acheter des masques à chaque coin de rue.

Les modèles de chez DeBonneFacture ont bonne réputation. Simple, légers et respirants, m'a-t-on dit.
Nombre de marques spécialisées dans l'accessoire telles que Kirikomade, Cinabre, ou même Shibumi Firenze, en proposent.
D'un point de vue technique, ce sont des produits encore assez peu avancés. Alors libre à vous de choisir celui qui vous plaît le plus, la différence de protection étant sans doute négligeable entre deux modèles.

Les masques d'inspiration nippone Kirikomade. Toujours aussi jolis, et... Toujours aussi sold-out rapidement.
Je rappelle qu'au moment qu'au printemps 2020, à l'heure d'écrire sur le sujet, toutes les réactions n'allaient pas dans le sens de mon propos, loin de là.
Certains doutaient de la probabilité de la chose, mettant en cause le fait qu'un tissu "simple" soit d'une protection trop sommaire contre un virus.

Une prédiction plausible si l'on part du principe que les êtres humains n'agissent QUE pour des motifs rationnels. En "Homo Economicus", comme on dit en économie.
J'aurais pu rejoindre le point de vue de Pierre-Louis, mais je comptais dores et déjà sur une chose : le fait qu'à l'échelle d'une population entière, il n'y ait pas une motivation suffisamment forte pour que la plupart de ses individus choisissent la protection la plus "sécurisée" plutôt que la plus confortable, la plus abordable, ou la plus belle.
Pourquoi ? Eh bien parce que je vois beaucoup plus de cas de figure contre que de cas de figure pour. Entre :
- Ceux qui s'estiment peu vulnérables à titre personnel, et s'orientent donc naturellement vers la protection "minimum requis"
- Ceux qui n'ont pas le budget pour des masques plus avancés technologiquement
- Ceux qui se posent sans doute mille fois moins de questions que vous et moi qui lisons ces lignes et font juste "comme tout le monde"
- Ceux qui n'en ont rien à faire. Tout simplement.
- Ceux qui veulent un joli masque en priorité.
Je pense que ça faisait tout simplement trop de monde pour "s’interdire" le masque en tissu.
Le masque chirurgical reste cependant très répandu, comme le pensait ce lecteur. J'exposerai mes hypothèses quant à la raison de cela un peu plus bas.

Malgré la pollution évidente qu'il semble causer, le masque jetable reste parmi les plus répandus. (Photo by Flo Rols/Pacific Press/LightRocket via Getty Images)
J'ajouterai que, pour vraiment voir une tendance forte se dégager sur le choix d'un matériau spécifique pour mieux protéger, il faudrait que les règles évoluent à ce sujet.
Que le gouvernement instaure des arrêtés spécifiant que certaines matières ne sont pas autorisées, que les médias communiquent en ce sens...
De façon générale, je ne crois pas à la mise en place généralisée de mesures de sécurité contraignantes par une majorité, sauf à ce qu'elles soient obligatoires. A titre d'exemple, regardez les casques à vélo, les gilets jaunes réfléchissants et autres mesures de ce genre.
A défaut d'obligation de les porter, les usagers adultes n'en mettent pas ou presque pas.
Il y avait aussi un autre type de réaction qui s'est manifesté à plusieurs reprises.
Certains étaient si tourmentés par le confinement, les morts au quotidien, la panique, l'incertitude et toutes ces choses que nous avons vécues au cours de ces derniers mois difficiles... Qu'ils ne voulaient tout bonnement rien entendre.
L'idée de rendre esthétique "une chose aussi grave" les révoltait tout simplement. Selon eux, avoir de telles pensées ne correspondait pas à l'ambiance générale de désespoir et de contrition, et il ne fallait tout simplement pas en parler.

Evidemment, en avril dernier, l'émotion était un peu à son comble. A la simple vue des mots "masque" et "mode", le sentiment d'outrage était très vite arrivé chez certains.
Mais ne leur en déplaise, le masque, comme n'importe quel autre objet récurrent du quotidien des humains, a bien eu droit à ce traitement.
Cependant, peut-on dire que le masque comme objet de mode s'est "généralisé" ?
Eh bien, pas tout à fait. La plupart des masques que vous croisez dans la rue sont, tout au plus, "banals".
Certains choisissent un tissu un peu moins moche que d'autres. D'autres s'orientent sur du moins cher, d'autres sur du plus confortable. Et une petite minorité, en effet, ira jusqu'à la coquetterie d'un beau motif assorti, voire même de l'emploi de matières précieuses.

Masque en soie assorti à la cravate. Un produit somme toute prévisible, destiné à un public bien précis. Coucou The Rake !
Mais finalement, je ne m'attendais pas autre chose. Car voyez-vous, ces disparités d'un individu à un autre reflètent assez bien les disparités dans nos différents rapports au vêtement, à l'échelle d'une population entière.
En effet, si vous lisez ces lignes, vous faites probablement partie, déjà, d'une "minorité" d'hommes ?Et de femmes ! Je sais que vous nous lisez même si vous commentez moins ;), beaucoup plus soucieuse de son look que 90% de la population. Même si vous êtes débutant, que vous ne savez pas assortir les couleurs, cela vous met en fait déjà dans une catégorie "à part".
Ainsi, je pense que le masque en tant "qu'objet esthétique" s'est démocratisé proportionnellement au nombre de personnes réellement concernées par ce genre de démarche.
Je ne pense pas, donc, que l'on verra le jour où plus d'une personne sur deux aura un masque camouflage ou un masque en soie assorti à la cravate, pour la simple et bonne raison qu'il y a beaucoup moins d'une personne sur deux qui ait une telle démarche vestimentaire sur un plan plus général.
2. Ce qui ne s'est pas passé comme prévu
Eh bien pas grand chose, si ce n'est que je pensais vraiment que des masques "moins esthétiques" et plus techniques se démocratiseraient plus rapidement.
Evidemment, les innovations technologiques nécessaires impliques un delta de temps plus grand.
Mais j'aurais cru, étant donné la gravité des faits, qu'il y aurait eu une sorte d'accélération, une forme de "course" à la production de masques techniquement plus aboutis, dotés de filtres interchangeables, ou transparents, ou dans une matière spéciale qui protégerait encore mieux des projections que le masque chirurgical jetable.
Or, comme je l'ai dit plus haut, la majorité de la population ne ressent pas le besoin d'employer une protection maximale, ou n'a pas accès à cette possibilité.
On voit tout de même poindre des campagnes de financement participatif telles que celles-ci, qui nous ciblent parfois sur les réseaux sociaux. Mais dans la rue, je n'ai encore jamais, une seule fois, croisé quelque chose de ce goût là.
3. Ce que j'aimerais voir pour la suite...
Nous y arrivons enfin. Ma plus grande déception vis à vis du marché, c'est peut-être le fait que peu voire aucune marque ne s'est préoccupée de proposer le masque le plus léger et respirant possible ?En gardant une protection minimale contre les projections, bien sûr.
Parce que, soyons honnêtes : si les chiffres du COVID repartent à la hausse, il y a certes une part de laxisme que l'on peut attribuer à la population, mais force est d'admettre que porter un masque dans un tissu étouffant par 30° et plus, en plein été, ce n'est pas facile pour tout le monde.
Si comme moi vous êtes en télétravail et n'avez besoin d'enfiler ce masque que pour faire vos courses à côté de chez vous, c'est une chose. Mais que dire des personnes qui ont besoin de le garder sur le visage toute la journée ? Vendeurs dans des boutiques ? Personnel de garde d'enfants ? Caissiers, guichetiers ?
Ce simple "détail" fait l'inconfort quotidien de nombre de personnes autour de moi.
4. Le mot de la fin
J'espère que cette petite mise à jour vous a plu. Tout comme vous, je n'ai pas une vue d'ensemble parfaite sur le marché. Mais l'union fait la force ! "Un pour tous et tous pour un", comme disaient de drôles de moustachus il y a fort longtemps dans un livre.
Alors n'hésitez pas à partager en commentaire toutes vos trouvailles côté masques : vos prévisions, les marques qui dont les masques vous ont déçu, celles dont vous êtes satisfaits, les plus beaux masques que vous ayez vus sur internet, les plus laids...
Et si vous ne l'avez pas déjà fait, ou que vous voulez revoir d'un œil nouveau le point de vue que je présentais il y a quatre mois jour pour jour, n'hésitez pas à relire l'article original ci-dessous.
Je vous dis à très vite,
Nicolò
En ces temps troublés, je pense qu'il y a trois façons de faire notre métier de journalistes et de créateurs de contenus.
La première, c'est de se voir comme une échappatoire, une bouffée d'air frais sur un sujet plaisant pour notre monde confiné et d'aider nos lecteurs à déconnecter de l'actualité.
Pourquoi et comment nous pourrions porter le masque à long terme ?
Il est actuellement théorisé que le COVID-19 pourrait être amené à revenir dans une seconde vague, voire même à devenir, à l'instar de la grippe, un virus saisonnier qui ferait son retour avec son lot de contaminés chaque année.
Mais au-delà de ce virus spécifique, l'expérience traumatique que pourra laisser ce confinement mondial aura potentiellement un effet de prise de conscience de nos sociétés sur de nouvelles pathologies.
Cela fait déjà quelques années que le sujet est sur le devant de la scène, mais les chercheurs craignent que nous voyions de plus en plus de maladies d'origine bactériennes résistantes aux antibiotiques. ?Pour rappel, les antibiotiques fonctionnent contre les bactéries, et non les virus.
Si les pays asiatiques, forcés par la pollution, étaient déjà largement accoutumés au port du masque, il faut dire qu'en Europe et aux États-Unis, nous avions une réticence assez forte à leur usage, encore très peu répandu.
Quel parisien n'a jamais souri, l'air amusé, en voyant un touriste asiatique le visage constamment masqué tandis qu'il découvrait notre belle capitale française ? "Bah ! Quelle paranoïa, voyons!", aurait pu dire n'importe quel parisien en les voyant. Que celui qui n'a jamais pensé ou dit ça me jette la première pierre !

Des touristes chinois de passage à Paris. Vous les verrez porter sans problème le masque avec un manteau en cachemire ou des sneakers de luxe. (Crédit : Le Parisien)
Mais quelles qu'aient été nos opinions par le passé, il y a fort à parier que le masque deviendra, a minima, un objet communément répandu qui ne sera plus du tout sujet à moqueries voire un produit indispensable à notre quotidien.
Et si dans le meilleur des cas, nous finissons par ne plus être obligés de le porter, beaucoup de citoyens soucieux de leur sécurité le mettront malgré tout, "au cas où". Bref : le masque, ce n'est plus une blague.
L'idée de "tendance de fond"
S'il ne m'arrive que très rarement de faire des hypothèses sur l'avènement de telle ou telle pièce dans le domaine de la mode, c'est parce que peu d'entre elles sont justifiées par un réel besoin, une réelle réponse de la société à une réalité profonde du monde.
Mais il arrive, comme pour le masque ici, que ce soit tout le contraire.
Je vous propose donc, pour ceux qui ne l'ont pas vu, de revoir mon épisode #2 de Sapristi, dans lequel j'explique la distinction entre les tendances de marché, les tendances, culturelles et les tendances de fond.
Mais pour faire bref, ce qui distingue les tendances de fond, c'est qu'elles sont induites par des changements de société profonds et durables : ce sont des changements qui ne dépendent pas seulement d'un goût personnel ou d'un besoin de susciter un renouveau dans l'offre d'une marque, mais d'une profonde transformation de nos cultures, de nos valeurs, de nos technologies, de nos moeurs ou de nos besoins pratiques.
Le masque répond donc parfaitement à cette définition.
Aura-t-on donc notre semainier de masques, que l'on lavera en machine tous les jours à côté de nos chaussettes ? Cela paraît plausible.
Un temps nécessaire d'acceptation
Malgré tout, je pense que la tendance ne sera pas immédiatement mise en oeuvre, pour plusieurs raisons.
A l'heure où j'écris ces lignes, de plus en plus d’entreprises textiles produisent des masques réutilisables en tissu, donnés charitablement aux hôpitaux ou aux populations.
Il faut considérer qu'au sein des consciences collectives, les masques, symboles de crise sanitaire, de pénurie, de contrainte, vont prendre un certain temps à devenir des objets de mode.

Quand je dis "masque" aujourd'hui, la première image, le premier flash mental que vous avez, c'est probablement celle-ci.
Autant pour le consommateur ?Qui le verra pendant assez longtemps comme un objet symbolique d'un traumatisme., que pour les marques de mode ?Qui seraient, pour beaucoup, perçues comme opportunistes à proposer une version 'premium' de cet objet de première nécessité., là où le monde parle encore beaucoup de solidarité et de temps de crise.
Surtout à une ère où l'image d'éthique et de responsabilité est devenue prépondérante.
Mais plus le temps passera, plus il sera acceptable, et accepté, de voir commercialisés des masques en tout genre et à toutes les prix. Ce premier laps de temps d'acceptation commerciale est déjà en train d'être entamé.
Quand l'esthétisme va s'imposer
Il y aura ensuite un second laps de temps avant que le masque devienne un objet de mode : le délai d'acceptation du superflu, de la frivolité.
Car après tout, si l'on peut concevoir qu'une entreprise fasse du profit sur un objet de première nécessité, peut-on aller jusqu'à accepter qu'on en fasse un objet de coquetterie ?
Selon-moi, la réponse est oui : l'avènement du masque comme objet esthétique, désiré et commercialisé selon les codes de la mode est inévitable.
C'est une pulsion fondamentalement humaine : tout objet de première nécessité que nous créons finit par se voit décliné dans des versions qui prennent en compte le beau, la forme, les couleurs, les matériaux.
Prenons votre table, par exemple. Simple surface supportée par quatre pieds sur laquelle vous travaillez ou mangez, elle existe pourtant dans des centaines de milliers de versions esthétisées, pour répondre à des besoins de goût, de statut social, de collection, de passion, d'originalité...
Ou encore, les couteaux de cuisines, les épées depuis le moyen âge, les couteaux de chasse : toutes ces lames ont été créées pour répondre à une fonction ?Couper la nourriture, faire la guerre.. Ce sont des outils, destinés à des tâches spécifiques.
Et pourtant, toutes ont été déclinés dans des versions rivalisant d'esthétisme, au point parfois de mériter leur place dans un musée. Regardez par exemple cette reproduction de l'épée de François 1er, dont l'originale se trouve à Paris, au Musée de l'armée.

Juste pour rappeler qu'un objet dont la fonction première n'est évoque quelque chose de grave peut finir esthétisé et symbole d'un statut. (Reproduction de l'épée de François Premier)
Ne parlons même pas des vêtements (évidement), des voitures, ou mêmes des coques de protection de vos smartphones.
Si esthétiser le masque peut sembler absurde et frivole à l'heure actuelle, il faut pourtant se rappeler que la vaste majorité de ce que nous portons aujourd'hui dans le "menswear" sont des vêtements nés sous l'impulsion de la contrainte pratique, du jean jusqu'aux sneakers.
Peu importe donc que nous n'ayons absolument pas envie de vivre dans un monde à visage couvert, et qu'actuellement ce soit un objet qui évoque la maladie et la froideur médicale : si le masque est porté régulièrement et massivement, il deviendra un accessoire de mode, aussi sûrement que la terre continuera de tourner autour du soleil.
L'avenir stylistique du "facewear"
Vous trouvez le nom cocasse ? Moi aussi.
Je prends pourtant le pari que ce type d'accessoire s'appellera ainsi, évitant par la même occasion le nom connoté de "masque".
Via ce nom, il trouvera sa place à côté d'une ribambelle d'autres catégories d'objets du quotidien qui ont été hissés au panthéon de l'esthétisme : le "homewear", cousin coquet de votre pyjama composé d'un vieux jogging et d'un tee-shirt troué, le swimwear, évolution embellie du maillot de bain, etc.

Les marques de "Facewear" n'ont pas attendu la pandémie pour exister. Comme Airinium, créée en 2017, dont les masques sont commandables sur "liste d'attente". L'exclusivité se fait déjà sentir.
C'est une codification qui le rattachera à l'univers anglicisé de la mode, un symbole, et un simple mot qui change comment on désigne un objet peut changer drastiquement la façon dont on le voit ?En fait, j'apprends même au moment où j'écris ces lignes que le terme est déjà largement répandu en Asie et dans le jargon du milieu de la mode plus 'avant-gardiste'..
Je voudrais donc que nous explorions ensemble les différentes possibilités d'évolution que subira le masque, toutes les façons d'innover sur cet objet, à travers la mode et au-delà.
1. Une innovation par le tissu
C'est le vecteur de changement le plus évident, et le plus facile d'accès.
Tout comme pour n'importe quel vêtement ou accessoire, le premier moyen d'en améliorer l'apparence est de changer le matériau dans lequel on le fabrique. Regardons ensemble ce qui commence déjà à poindre le bout de son nez, et ce qu'on pourrait imaginer.
D'ailleurs personne ne sera surpris de savoir que cette innovation est déjà en cours, avant même que le masque soit démocratisé.
On a tout d'abord constaté une première vague de masques fabriqués par des ateliers de confection en tout genre, particulièrement en Italie : tailleurs, faiseurs de chemises, cravatiers, pantaloniers...
Il va de soi qu'au vu de la situation, la plupart de ces masques ont été donnés à titre caritatif ou avec des prix faibles qui couvraient surtout le coût de fabrication et une faible marge pour garder l'entreprise à flot. Leur but n'était donc pas vraiment esthétique, mais pratique, sanitaire, comme ces masques fabriqués par Claudio Mariani, habituellement faiseur de pantalons.
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Et probablement que, pour l'image des marques et ateliers en question, il était aussi de bon ton de ne pas en faire une opportunité commerciale trop assumée.
Les tissus étaient donc disponibles sous la main, en grande quantité.
Mais je pense que passées les premières semaines et l'état de choc du monde entier dans son nouvel état de quarantaine, ces productions ont ouvert la voie à des produits dont la portée était plus lucrative, mais aussi plus "mode".
Du tissu japonais traditionnel
Les premiers exemples de masques "travaillés" que j'ai pu voir nous viennent, sans trop de surprise, de tissus japonais : l'indigo et le vintage ont le vent en poupe depuis quelques années, le bleu reste la couleur la plus facile, c'est joli, sans prétention et facile à comprendre.
Voici un petit carrousel de photos avec une bonne dizaine de déclinaisons de chez Kai D. Utility. Preuve, s'il en fallait une, que l'idée est commercialement viable : chaque exemplaire produit à l'unité est immédiatement sold-out dans les instants qui suivent sa mise en ligne.
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Autre très bel exemple sur l'insta de l'ancien designer de J.Crew, plus focalisé encore sur l'indigo.
Du cuir
Et pourquoi pas après tout ? C'est un matériau isolant, très noble, qui s'embellit dans le temps et étonnamment respirant alors qu'il est plus hermétique que du tissu. J'en ai déjà aperçu quelques-uns sur le compte Instagram de mon amie Anaïs, qui confectionne des blousons pour les maisons de luxe.
De l'imprimé
C'était couru d'avance : l'imprimé est le moyen de déclinaison de vêtements le plus banal à l'ère moderne. On prend le vêtement, on rajoute un dessin, un logo, ou du texte dessus, et paf, c'est fait, on l'a personnalisé.
C'est aussi à cause de ce côté un peu "facile" que les gens exigeants sur l'apparence de leur vêtements lui accordent peu de crédit, ou alors de façon plus parcimonieuse et sélective.
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Ces masques siglés des logos de grandes marques sont évidemment des faux ?Ou des hommages, selon votre vision des choses., mais je mettrais ma main à couper qu'ils présagent de réels produits pour l'avenir.
Qui veut parier sur un masque Supreme aux normes FFP2 ?
Du camouflage
Le masque, via son côté utilitaire, l'idée de "protection" qu'il évoque, se combine assez bien avec l'univers militaire.

Notre cher David, lors d'un shooting de l'année dernière, illustre plutôt bien ce que le masque camo peut donner pour pimenter une tenue assez sobre, avec une parka et des boots de couleur sombre.
Ce que j'imagine...
Tout dépend de la sévérité des conséquences de la crise sanitaire, mais si elles s'inscrivent dans un temps suffisamment long, je ne serais pas surpris de voir des matières premières très spécifiques au masque : de la laine pour l'hiver, du lin pour l'été, et même des versions luxueuses en cachemire ou en d'autres matières précieuses pour une clientèle fortunée.
Cela peut paraître absurde, mais il n'y aucune raison de penser que cet objet, s'il reste dans notre quotidien suffisamment longtemps, ne subira pas le même traitement et les mêmes déclinaisons que d'autres objets de mode.

Ce masque "anti-pollution" en lin, de chez Natures & Découvertes, est un bon exemple. Le masque connaîtra probablement toutes les déclinaisons de matières possibles et imaginables.
2. Une innovation par la forme
Plus téméraire, et plus avant-gardiste que la simple déclinaison de matière elle nécessitera probablement un certain temps avant de s'installer.
Pour être envisageable, il faut que le port du masque dans sa forme classique soit devenu si commun, même décliné dans de nombreuses matières, qu'un nombre suffisant d'individus commencent à converger vers l'opinion suivante : "C'est un peu banal, non ?"
C'est seulement à ce moment qu'on trouvera une valeur dans l'idée de faire des masques vraiment originaux.
Petite digression sur l'originalité
Notons que c'est exactement le cours que suivent les autres vêtements dans leur évolution : avant de voir de plus en plus de pantalons ceinturés rivalisant de créativité dans leur mode d'attache, il aura fallu que la classique forme du pantalon de costume, du chino ou du jean lasse le client un peu pointu.
L'originalité dans la mode est donc un "atout" qui n'existe que comparativement : c'est parce que nous avons une norme, un standard habituel, qui devient potentiellement lassant, qu'il peut y avoir de l'original rafraîchissant.
D'ailleurs, lorsqu'on fait plus original que ce qui est déjà original, on reçoit plutôt des réactions négatives, et on tend à parler de "marginal"...
C'est donc un jeu d'équilibre, qui est par ailleurs hautement relatif au contexte. Ce qui est original pour moi peut-être banal pour un autre, et vice-versa.
Un masque bandana de cow-boy ?
Pour les fans d'americana et les adorateurs de la petite tendance "revival western" qui s'installe, il ne serait pas absurde d'imaginer un design dont l'apparence extérieure serait celle-ci, qui intégrerait des protections aux normes :

Bon, ça ne vient pas vraiment d'un western, mais de Retour vers le Futur 3. Mais vous voyez l'idée.
Un masque en denim brut ?
Certes, ce sera inconfortable au possible tant il sera rigide, mais si j'étais vous, je ne sous-estimerai pas la pulsion presque mono-maniaque de certains "denimheads" à mettre de la toile jap 15Oz sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à un vêtement. Tiens d'ailleurs, en voilà déjà un.

Voici un exemplaire de chez Raleigh Denim Workshop. J'attends juste le petit liseré selvedge sur le masque pour confirmer totalement mes prévisions futurologiques.
L'heure de gloire du "techwear ninja" ?
Disons-le : le truc avec le "techwear ninja" ?Notamment représenté par le fameux label <a href='https://www.bonnegueule.fr/marque/acronym/'>Acronym cher au coeur de Benoît., c'est que beaucoup d'entre nous trouvent secrètement que c'est assez stylé, mais sommes obligés d'admettre qu'il est intolérable, en société, de ressembler à un ninja du futur.

Si vous avez toujours aimé l'ambiance des shootings Acronym mais n'avez jamais osé les assumer, c'est le moment où jamais.
Oui, mais... ça c'était avant que le masque ne s'installe dans notre quotidien.
Par ailleurs, streetwear, depuis toujours inspiré par les arts martiaux et la culture asiatique ne se prive déjà pas de son utilisation.

Je rappelle que des masques comme celui de cette collab' Acronym x Nike A.C.G. se sont déjà vendus comme des petits pains avant la pandémie auprès des "hypebeasts"... Alors autant dire que le marché va être plus que mûr, après...

Evidemment, il fallait s'y attendre : off-white a proposé des masques à plus de 80 euros, dont la valeur "resell" est déjà aux alentours des 200 euros.
Un masque qui vous ressemble ?
Notons aussi que si le port du masque se prolonge, un nouveau besoin se fera vite sentir : celui de mettre en valeur le visage du porteur, désormais masqué.

Cette marque d'accessoires de moto proposera bientôt des masques "sur-mesure", incluant un filtre de protection. La zone du nez semble réellement adaptée au visage du modèle.
A l'instar des lunettes choisies selon la forme d'un visage, on pourrait voir naître de nouvelles considérations esthétiques : est-ce qu'une certaine hauteur, largeur et profondeur de masque flatterait plus votre visage ? Est-ce qu'une structure plus anguleuse, ou au contraire plus courbée met mieux en valeur votre regard ?
On pourrait même imaginer des masques "sur-mesure", dont la forme serait moulée sur votre faciès pour le laisser paraître le plus possible. Ce qui m'amène d'ailleurs au dernier vecteur d'innovation qui guidera probablement le marché du masque.
3. Une innovation par la technologie
C'est déjà un moteur fort derrière le secteur du vêtement. On pourrait même dire qu'à l'échelle de toutes les industries au-delà de la mode et du textile, c'est l'innovation technologique qui pousse les offres à se renouveler, bien plus que le besoin de faire avancer l'esthétique.
Mais pour le cas du masque, c'est probablement encore plus vrai, puisqu'en tant qu'objet qui aura été récemment démocratisé par l'urgence de sa fonction ?A savoir, nous protéger nous-mêmes et les autres de la contamination., le potentiel d'amélioration technique sera encore totalement inexploité.
Imaginez un peu : certains masques promettront un meilleur confort pour une durée de port prolongée, via une ergonomie plus respectueuse du visage ou des systèmes d'attache innovants.

Ici, cette publicité vante plutôt l'ergonomie et le confort d'utilisation.
D'autres proposeront des déclinaisons thermiques et saisonnières, avec des tissus plus adaptés pour rester au chaud en hiver, ne pas suer en été, ou repousser la pluie à la mi-saison. Les marques de techwear vont se régaler.
D'autres encore clameront un niveau de filtrage plus poussé, plus sécurisé, quitte à faire monter le prix de l'objet au-delà de sa simple valeur textile.
Certains en profiteront pour faire d'une pierre deux coups, et intégrer une protection contre la pollution qui affaiblit nos organismes depuis des décennies. Sur le net, on voit déjà les prémices d'une petite guerre commerciale se livrer entre les différentes marques de masques, particulièrement sur l'argument de la fiabilité de la protection.

Sur Instagram, je vois déjà les publicités fleurir et me cibler, comme celle-ci qui vante un masque de cyclisme à la fameuse norme FFP2.
Je pense aussi que, comme pour beaucoup d'objets contraignants tels les appareils d'orthodontie ou les prothèses, des options "ultra-minimalistes" verront le jour, afin de se faire le moins intrusives possibles : c'est à dire des masques ultra légers translucides, ou encore totalement transparents.

Ce masque "concept" sorti d'une expo illustre bien l'idée d'un masque élégant et totalement transparent. Il n'est malheureusement pas fonctionnel. (Crédits : A Shaded View of Fashion)
Ce besoin relèvera même, tôt ou tard, de l'indispensable sur le plan social : vous vous voyez séduire, créer de nouvelles relations professionnelles ou passer des moments avec vos proches sans pouvoir lire les expressions faciales de vos interlocuteurs ?

Voici le "Clearmask". Plutôt qu'un parti pris de style, il est ici pensé comme une contrainte que l'on doit rendre la moins gênante possible d'un point de vue social. Bon pour l'esthétique on repassera par contre.
On peut imaginer encore de nombreuses "features" qui verront le jour sous l'impulsion du besoin, et à mesure que l'urgence d'une production rapide diminue : facilité d'entretien, fibres antiseptiques, respirabilité accrue, objet connecté tel qu'un micro bluetooth tenant compte de l'usage du téléphone, technologie contre l'accumulation de la buée sur les verres des lunettes...
Le mot de la fin
Je conclurais sur une note personnelle : je m'attendais à être un peu déprimé par toutes ces hypothèses auxquelles j'ai pensé, et finalement, je me sens drôlement excité.
À vrai dire, plutôt que de me rendre triste quant à cette perspective d'avenir, réfléchir à tout cela m'a, au contraire, gorgé d'espoir et de fierté sur l'humanité et à son aptitude à changer lorsqu'elle y est contrainte.
Je crois que quand il s'agit de notre faculté à nous adapter à notre environnement, à relever le défi face à l'inattendu et à inventer des choses pour rendre notre quotidien meilleur en toutes situations plus beau, plus sûr, ou même plus agréable. Nous n'avons pas fini de nous surprendre nous-mêmes.
Nicolò Minchillo, en mode expert
Moi, c'est Nicolò. Concepteur-Rédacteur, je suis chez BonneGueule depuis 2015. J'écris évidemment des articles, et je crée des vidéos sur notre chaîne YouTube, telles que "Sapristi" ou encore "Sape m'en Cinq". Le tout avec un certain amour pour le débat, dont je ne me déferais jamais.
À côté de ça, je prête main forte au pôle produit pour qu'on développe des vêtements inspirés, dans de super matières.
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