Le fantôme d’Arsène et autres vêtements jaunes – Carte blanche… à Jérôme
Il m’a fallu un certain temps pour relier les fils de cette histoire. Je n’ai jamais cru aux fantômes et pourtant, il y a désormais suffisamment de signes et d’apparitions étranges pour que je me mette à douter. Ce qui m’a mis la puce à l’oreille ? Une certaine récurrence dans les couleurs des vêtements.
Tout a commencé avec les tournesols. C'était il y a de cela quelques mois, à une époque où je traversais peut-être un moment de doute comme ça nous arrive parfois.
Une amie me donnait alors ce conseil tout simple : jeter un œil au jaune des tournesols. Les mots avaient quelque chose du message à lire entre les lignes : "On ne le voit pas à l'œil nu, mais ces fleurs bougent, tu le sais. Pas à pas, lentement, le soleil, la chaleur, la vue attire".

(Photo by Kurita KAKU/Gamma-Rapho via Getty Images)
Dans ma tête revenaient ainsi les champs verts et jaunes de mon enfance, les toiles de Vincent Van Gogh, l’album «Yellow Submarine» des Beatles, les cirés Armor Lux ou Petit Bateau, tout ce qui a trait à cette couleur en réalité, et même ma propre période jaune à Arles il y a quinze ans de cela J'ai habité le Sud pour voir, et porté là bas bermudas et chemisettes plus que de coutume. Le soleil me regardait soudain fixement.
J'avoue que ces deux phrases me sont restées en tête un très long moment, comme un poème. Il fut d’ailleurs un temps où j'écrivais moi aussi des choses comme ça. Pourtant, le jaune et moi, c'est une histoire qui s'ouvre dès l'enfance sur un véritable traumatisme.
J'associe cette couleur avec ma première expérience de la mort. C’est une découverte à la fois cruelle et fondamentale. Je dois être haut comme trois pommes, à jouer dans le jardin avec un poussin qui s’appelle Arsène. C’est l’ami de mes premières années.
Nous vivons dans une région particulière : la mousse s’insinue partout, la maison est en vieille pierre et tout est un peu vert et sombre. La nuit, il n’est pas rare de s’imaginer des formes allant et venant entre les arbres.
Nous jouons donc. Il fait jour, c’est le matin peut-être et bientôt le petit Arsène ne bougera plus. Choqué, je comprends alors que les êtres vivants ne sont pas immortels. Le jaune s’efface soudain brutalement de mon existence jusqu’à refaire son apparition récemment, de manière étrangement récurrente. Le fantôme d’Arsène ? Peut-être bien.
Il y a d'abord eu les tournesols en éclaireurs, puis pas plus tard que la semaine dernière, le jaune faisait son retour juste sous mon nez alors même que nous enregistrions notre podcast mensuel.
"Je suis resté bloqué sur Pikachu".
Encore une phrase qui me reste longuement en tête, mais cette fois, ce n'est pas de la poésie, juste des mots qui sortent au hasard de ma bouche. En face de moi, Jordan porte un polo de couleur jaune poussin.
Rentré à la maison, je me raisonne comme je peux : tout cela n'est peut-être encore qu'une coïncidence.
En fouillant mon vestiaire le lendemain à la recherche de ma tenue du jour, je découvre un tee-shirt jaune dont j’avais oublié l’existence. C’est un tee-shirt de groupe de musique. La couleur est éclatante, les inscriptions blanches et relativement discrètes. Je n’ai jamais vraiment su comment le porter. Mais je ne suis pas le seul à me poser des questions sur cette couleur et ses variations.
Plus tard dans la journée survient un curieux phénomène : je commence à voir du jaune un peu partout. Sur la façade de la boutique en face de mon immeuble, sur la tôle des camionnettes et jusque dans les tenues des passants - des totebags ou des sneakers principalement.
Les e-shops que je visite aussi sont peuplés de jaune. Sweats, hoodies, surchemises, chaussettes. Alors quoi, je vais bientôt rêver de petites pattes palmées qui s’avancent la nuit dans l’appartement ?
Je reprends mes esprits jusqu’à ce mardi soir, jour de live YouTube pour l’équipe édito de BonneGueule. Ce jour-là, ma connexion Internet est désastreuse, et je peux bien vous le dire maintenant : je n'entends alors qu'un mot sur deux et mon image se fige aussi par moments. "Vous êtes toujours en ligne, les gars ?"
A l'écran, on voit le soleil se coucher depuis ma fenêtre vidéo. C'est de la poésie involontaire, une scène un rien surréaliste, mais peut-être pas autant que la séquence téléshopping de Benoît que je trouve soudain extraordinaire.
Car cet épisode a quelque chose de fascinant à la fois pour moi et j'espère aussi pour les internautes qui nous suivent à ce moment-là : Benoît y dévoile une nouvelle fois sa passion comme personne, et à titre plus personnel, je remarque qu'il est une nouvelle fois question de couleur jaune.
Ce chapeau de marque Ecologyst est superbe, à tel point que je me laisserais bien moi aussi tenter malgré ou peut-être à cause de cette étrange récurrence de jaune dans mon quotidien.
C’est peut-être ça le message : oser porter du jaune, trouver la pièce qui mettra un terme à toute cette histoire un rien fantastique.
L'air de rien, cette couleur se rapproche de plus en plus de moi. Je peux presque la toucher à présent. Le fantôme d'Arsène encore une fois ? Franchement, on dirait bien.
Car bien sûr, l'histoire ne s'arrête pas là. Deux jours après le live, je découvre au hasard de mes recherches Internet une vieille vidéo d'un concert organisé il y a des lustres. L'image n'est pas de la meilleure qualité, mais le document est rare pour ne pas dire collector.
Je redécouvre cette musique avec un certain plaisir. Voilà donc les petites histoires que j'écrivais avant BonneGueule ? Il était déjà question de communauté, d'échanges et d'expériences non pas vestimentaires mais sonores.
Ce soir de Juin 2007, sur la scène trapue du Triptyque Cette salle de concerts devenue club figure comme par hasard à deux pas de nos bureaux, le groupe A moi entre en scène. Ils laisseront place moins d'une heure plus tard à Arnaud Michniak, que certains ici connaitront peut-être à travers ses autres projets comme Programme ou Diabologum. En attendant, ce que je vois sur mon ordinateur est une nouvelle fois troublant.
Est-ce bien du jaune qu'on aperçoit sur cette chemise ? Le suspens est intenable : c'est bien une chemise JAUNE comme on n'en fait plus depuis l'ère disco, assez incroyable au demeurant si on la replace dans le contexte de l'univers noirci du groupe.
J'ai beau chercher : je ne trouve aucune explication à cette avalanche de jaune ces derniers temps. La couleur est-elle redevenue tendance de mode ? Suis-je hanté par le fantôme d'un poussin disparu il y maintenant 40 ans ?
Nous sommes aujourd'hui dimanche et je n'aurais peut-être jamais la réponse. Je porte pour la première fois depuis une éternité mon tee-shirt jaune oublié. Et je regarde ici et là à quelle autre pièce en jaune je pourrais bien m'essayer.
Une chemise, un pantalon, un pull, voire n'ayons peur de rien un maillot jaune ? Quelque part au loin, j'ai comme l'impression qu'il y a un petit volatile à qui ça ferait esquisser ne serait-ce qu'un sourire.
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