Test : Du mouton à votre dressing, la confection d’un pull Epicure

6 min

Test : Du mouton à votre dressing, la confection d’un pull Epicure

6 min
Publié le : 7 décembre 2012Mis à jour le : 7 mars 2019

Disclaimer : J'ai rencontré Thibaud de la marque Epicure il y a quelques mois. J'ai apprécié le produit pour son bon rapport qualité / prix (pull col V à moins de 100 € par exemple), mais je ne savais pas trop quoi écrire en dehors de cela, les designs étant très simples (quoique efficaces).

Du coup j'ai proposé à Thibaud de nous raconter une histoire où on tond des bêtes à cornes pour ne pas avoir froid aux épaules. Il a été très honnête et a vraiment joué le jeu, notamment sur la confection chinoise, ce qu'on a beaucoup apprécié. Et voilà !

Rapide présentation d’Epicure

Epicure n’est pas qu’un vieux barbu, c’est aussi une toute nouvelle marque de prêt-à-porter parisienne qui débute tout juste avec une collection Automne/Hiver 2012, disponible en ce moment. Et uniquement avec des matières naturelles. La définition de l’Epicurien le résume très bien : « Un Epicurien est quelqu’un qui aime plaire et se faire plaisir ». Quant à notre crédo, c’est la gourmandise des matières.

La marque a été créée par nous deux, Peter et Thibaud. Et on nous questionne souvent tous les deux sur la confection d’un pull. Alors voici en image la confection d’un pull en laine mérinos extrafine.

Alors déjà, un pull ça ne se fait pas en 2 semaines comme le fait si bien Zara (bon, ok, pas avec de belles matières, ni un détail de confection top...). Avant d’arriver dans votre garde-robe (ou garde-pull, on peut dire les deux), un bon pull aura fait le tour du monde. Pas en 80 jours, mais presque !

Le mouton, une belle bête

Un mouton australien recouvert d'une belle laine avant tonte.

Avant de finir dans nos assiettes, le mouton nous fait plaisir grâce à sa laine pour les hivers rugueux. La laine c’est chaud ! Mais ça peut parfois piquer, je vous l’accorde. Il existe la laine mérinos, déjà plus noble, plus douce... Mais le must, c’est la laine mérinos extrafine.

Un peu de culture du mouton pour se coucher encore plus intelligent ce soir ? La race de mouton mérinos, principalement élevée en Australie et en Nouvelle-Zélande, produit une laine de très grande qualité, comme je vous l’ai dit. Elle est très souvent considérée comme étant l’une des meilleures laines du monde. La laine mérinos est caractérisée par une fibre jusqu’à trois fois plus fine que celle de la laine traditionnelle.

Je vous vois venir « une fibre » ? On parle de la laine ou du mouton ? je ne vois pas le rapport avec la fibre là... Pour faire simple, ça veut dire que la laine (et non pas le mouton) est beaucoup plus confortable à porter car elle est très douce et, surtout, elle ne pique pas ! La laine mérinos extrafine est le summum de la laine mérinos : la douceur du cachemire associée à la qualité de la laine (ça bouloche nettement moins !).

La laine mérinos extrafine au pays des Kangourous

Notre laine mérinos extrafine provient du sud de l’Australie où les moutons sont élevés dans la ferme familiale de Mount Hesse. Créée en 1882, cette ferme est aujourd’hui l’une des plus importantes d’Australie (et si on mettait « Epicure, depuis 1882 »... ça le ferait, non ?).

Les fermiers Australiens la tondent et la lavent avant de l’inspecter méticuleusement à la main à la recherche du moindre défaut de qualité. Il faut se l’avouer, un mouton c’est marrant, c’est sympa, mais ce n’est pas toujours très propre ... Alors cette étape d’inspection est essentielle.

Bon, la laine est encore brute. Il faut la rendre apte au tricotage, il faut la filer comme on dit. Mais les australiens ne sont hélas pas les meilleurs dans ce domaine. Et non ! Ce sont nos amis les Italiens qui cartonnent en termes de filature.

Direction l’Italie !

On envoie donc la laine mérinos extrafine chez les Italiens, en Lombardie, plus précisément entre Milan et Turin. Les filatures italiennes étant réputées pour être parmi les meilleures !

Elle est ici transformée en une multitude de pelotes. Cette transformation se fait selon l’épaisseur du fil souhaité. Nous on a retenu un fil très fin pour préserver la souplesse du vêtement.

On y est presque... C’est à partir de ces pelotes que les pulls vont être tricotés. Les pelotes sont toutes blanches. Un blanc un peu écru... Bref, il faut la teindre, sinon on n’aurait qu’une couleur et ce ne serait pas top. Un peu en mode «pin naturel», la couleur des meubles Ikea de base.

Comme on veut faire quelque chose de jeune et frais, il faut des couleurs, alors comment passer à côté de cette étape ? Il faut savoir que la teinture est très variable selon les couleurs. Les couleurs chinées par exemple nécessitent une approche un peu différente. Ceci explique parfois une légère différence au toucher entre les différentes couleurs : vous n’avez jamais remarqué ? Encore une info pour se coucher plus intelligent.

A présent, il faut tricoter pour ne pas vous vendre des pelotes mais un modèle fini. Au travail !

Et un passage par la Chine

Bon, tout est prêt pour être envoyé dans notre usine de maille à Shanghai. Oui, oui ! Shanghai en Chine.

Le «Made in China» peut faire peur. Mais on a plus d’un tour dans notre sac dans le prêt-à-porter : avec 35% de la valeur ajoutée on peut étiqueter nos modèles «Made in France». Alors forcément, beaucoup le font.Oui, beaucoup beaucoup même !

Car il faut savoir que tout le monde fabrique en Chine. Même les plus grandes marques de luxe. C’est connu, c’est dénoncé dans des livres (Dana Thomas en a écrit un qui résume très bien cela : «Luxe & Co»). Alors autant être honnête. Car les usines en Chine, c’est comme les bistrots en France : il y en a de très bons, d’autres très mauvais... Et puis la matière est loin d’être chinoise avec tout le chemin qu’elle a déjà effectué. Epicure pourrait être «Made in Italy» avec la filature qui coûte un bras !

Bref, revenons à nos moutons... La laine mérinos extrafine vient d’arriver en Chine. Parallèlement à tout ce processus, et pendant que la laine fait son petit tour du monde, détente, nous on travaille ! Les stylistes aussi. Vous avez cru que deux jeunes d’école de commerce savent dessiner ? Bon, il y en a sûrement quelques uns mais savent-ils dessiner des modèles ? Des silhouettes ? Faire une fiche technique ? Pas sûr.

On travaille donc avec 3 stylistes. L’opérationnelle, celle qui travaille le plus, a fait l’ESMOD à Paris et s’appelle Stéphanie. A ses côtés, deux autres nous donnent des coups de mains en termes de tendance et de stylisme. L’un sort de la Saint Martin’s School à Londres, l’autre de l’Istituto Marangoni à Milan. Tant qu’à faire...

Une fois les croquis réalisés, les fiches techniques terminées et les couleurs sélectionnées, on envoie tout ça à nos amis les chinois. Place au prototypage ! Cette phase permet de faire quelques tests et ajustements sur le modèle pour qu’il tombe bien, qu’il ait un beau porté. On parle de « modélisation » et de « montage » du premier prototype.

En complément du dessin technique, une multitude de recommandations sont envoyées : détails des finitions, jauge à utiliser, tension du maillage, nombre d’entrées de fils… On a choisi pour le pull « Roméo » des finitions en bords-côte et un travail de tricotage précis autour du col et des coutures de manches, qui soulignent le modèle.

La jauge concerne la finesse du tricotage, plus la jauge est élevée, plus le pull sera fin. Ici, la jauge retenue est de 12, avec deux fils. Mais on peut aller sur des jauges de 4 ou 6 pour les grosses mailles, ou de 20 pour des tissages très très fins.

Une usine de confection en Chine.

Il est extrêmement rare de n’avoir qu’un prototype, irréprochable du premier coup. Ou alors les mecs sont les meilleurs du monde des deux côtés (stylistes, modélistes, façonniers...). Aucune marque ne fait qu’un prototype. Il y a toujours quelques ajustement sur le tombé du modèle, sur les finitions, sur 1 ou 2 cm à rajouter ici ou là, ou à enlever... Après quelques échanges franco-chinois où se trimballe le prototype, et une fois toutes les mesures bonnes, on peut le valider et demander le proto final dans tous les coloris choisis.

Note de Geoffrey : Voici l'outil qu'utilisent les créateurs pour choisir les coloris. Ça s'appelle un nuancier, et le marque Pantone que vous connaissez peut-être est leader dans ce domaine de la définition des couleurs. C'est quelque chose qui parait bête mais c'est très précis et ça demande un vrai savoir-faire.

Nuancier de la marque Pantone.

Et voilà le résultat final :

Avant d’arriver chez vous, ce pull a donc parcouru une bonne partie du globe, pour trouver à chaque endroit les meilleurs façonniers et producteurs. Et pour remercier tous ceux qui nous supportent depuis le début de notre marque, nous leur avons demandé de donner le nom qu’ils souhaitaient au produit qu’ils sélectionnaient. Alors quelqu’un a donné au col V le nom « Roméo ».

Aujourd’hui, les Roméo sont entreposés dans nos appartements, dans des boîtes pour ne pas qu’ils se fassent la malle... Bon, on en n’a pas des masses car on ne fait que des séries limitées. Un modèle est commandé à 100 exemplaires. Toujours en 3 tailles (1, 2 et 3 ou S, M et L). Ce pull est proposé dans 3 coloris : bleu, gris et rose.

Allez, finissons sur une touche scientifique : Si un pull est proposé à 100 exemplaires et qu’il y a 3 tailles, ça fait ... 33 exemplaires par taille. Mais s’il y a 3 couleurs, ça veut dire qu’il n’y a plus que (33 / 3) ....... 11 exemplaires par modèle et par couleur ? Donc seulement 11 Roméo bleu en taille 1 ?? Et oui ! au moins, il y a peu de chances que vous ne croisiez une autre personne dans la rue avec le même modèle Epicure !

Le parcours complet de la laine.

Pour finir, on a pris l'exemple de l'Australie, mais on voyage aussi en Mongolie (soie) ou au Pérou (le fameux coton Pima) pour sélectionner nos matières.

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Vous pourrez trouver les produits Epicure sur leur site web. Et pour un article test à proprement parler, vous pouvez lire celui de nos amis les Yers.

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