Dossier : Analyse des tendances homme de la Fashion Week Printemps / Été 2017

20 min

Dossier : Analyse des tendances homme de la Fashion Week Printemps / Été 2017

20 min
Publié le : 16 juillet 2016Mis à jour le : 6 janvier 2020
Après une interruption de séance, la Fashion Week fait son retour sur BonneGueule avec le format Podium(s). Aux commandes Zack, notre ancien rédacteur en chef, pour vous décrypter les grandes tendances et vous la faire vivre comme si vous étiez. Premier épisode avec Londres. Christophe.

La mode est souvent considérée comme un vecteur de rêve, quelque chose permettant d'échapper à la morosité du quotidien, lorsque morosité il y a. D'un autre côté, la mode se fait aussi le reflet d'une époque, d'une culture, d'un contexte et peut se révéler perméable aux tourments de son temps.

C'est un peu ces deux visions qui ont cohabité durant ces Fashion Weeks Printemps-Été 2017. Souvent italiens, les "rêveurs" ont assumé un luxe élégant et raffiné pour le soir bien sûr, mais aussi pour le jour. D'autres, français mais pas que, ont porté le noir et les couleurs sombres aux nues, recherchant une sobriété pas toujours naturelle mais revendiquée.

Finalement, les contrastes sont plus que jamais exacerbés, entre ceux qui souhaitent - par humilité peut-être, ou par décence - rester discrets et ceux qui, par rébellion, en rejet des turbulences contemporaines, veulent s'afficher, montrer ce qu'ils ont, ce qu'ils font.

Il va falloir "profiter" de ce spectacle -car c'est bien de cela dont il s'agit avec les Fashion week, quoique ce ne soit en rien un critique. De nombreux spécialistes évoquent d'ores et déjà la disparition des semaines de défilés masculins. Sans avoir véritablement éclos, le "see now - buy now" aurait-il déjà eu raison des défilés pour homme ? Il est vrai que Milan a connu une semaine clairsemée... Mais j'espère sincèrement qu'un temps dédié restera consacré à la mode masculine, elle qui a tant de choses à dire désormais.

J'ai choisi trois angles de décryptage pour vous parler des collections de l'été 2017 :

  • L'élégance raffinée, parfois sartoriale, mais aussi décontractée ;
  • La tendance marquante de la décennie ensuite, celle que l'on retiendra pour définir les années 2010 : le sportswear. La technologie permet aux marques de luxe de conjuguer matières nobles et vêtements pratiques et techniques, d'où le terme de techno-couture ;
  • Le bling, ensuite, celui que l'on voit dans les clips de certains artistes pas toujours élégants, mais qui peut reposer sur des savoir-faire exceptionnels qu'il serait mal placé de snober.

Et pour terminer, quelques brefs commentaires sur les autres défilés marquants de la saison, histoire de contenter le plus grand nombre.

Pour vous aider à retrouver facilement chaque marque, voici un résumé :

Le style chic, élégant, raffiné

Le chic n'est plus si évident en matière de mode homme. Au milieu de tendances loin d'être raffinées, il est bon de se rappeler à quoi ressemble l'élégance masculine, fût-elle interprétée par un costume ou par une parka. Eh oui ! La "classe" n'est pas l'apanage du vestiaire habillé, loin de là.

L'élégance en toutes circonstances de chez Salvatore Ferragamo

Certaines Maisons ont littéralement l'élégance dans le sang. C'est le cas de Ferragamo, Maison ô combien respectable, plus encore lorsque l'on connait l'histoire incroyable de son fondateur.

Ferragamo SS17 combinaison

Le départ inattendu du directeur artistique de la Maison il y a quelques mois ne semble pas en bouleverser les codes : ce défilé est une nouvelle démonstration qu'élégance \neq  formel. On l'admet tout d'abord à la vue de tenues de voyage, comme la combinaison de coton beige sable : une pièce qui tente une percée depuis plusieurs saisons maintenant, mais qui peinera à infiltrer les lignes des marques de diffusion.

C'est, d'autre part, la première fois qu'une parka (aussi jaune soit-elle) me paraît aussi élégante. Le pantalon a beau être simplement remonté au-dessus du mollet et le sac banane trop imposant, l'ensemble reste... eh bien, chic ! Enfin, la saharienne en tissu technique affirme sa décontraction grâce aux manches courtes, malgré la cravate et le pantalon à plis. Une très belle tenue !

Ferragamo SS17 casual chic

Un peu plus de couleurs ensuite, en particulier le bleu outremer d'une chemise type tunique ample, assortie d'un pantalon à plis simplement ceinturé. Quasi-monochrome, la tenue est d'une classe folle, rappelant au besoin la nécessité criante de l'audace en matière de mode masculine...

Également un beau travail de la maille en tee-shirt, porté avec le pantalon kaki, bien que la grande rivale de la tenue bleue soit composée d'une blouse blanche et d'un pantalon lin-soie à plis. Ce type de fitting, pourtant éloigné de mes standards, me fait vraiment changer d'avis sur l'oversize et l'ample...

Ferragamo SS17 costume

Enfin, bien entendu, le costume s'est aussi fait une place dans ce défilé, paré de textures soyeuses et luxueuses. Je ne suis pas adepte des rayures, mais la copie mérite malgré tout un 20/20 : coupée courte en blouson, la veste à l'esprit tailleur est très réussie.

Idem pour le costume saharienne ceinturé, rappelant que les poches plaquées ou même à soufflets ont leur place dans l'univers sartorial, envers et contre un conservatisme certain. Enfin, la tenue de jour avec la veste kaki et le pantalon bleu marine, est à l'image de cette collection : simple et intelligente.

Salvatore Ferragamo demeure un maître du smart, d'une mode qui jamais ne fera étal de son caractère luxueux pourtant incontestable. À la croisée des ambiances riviera, ville et sport, cette collection offre de belles perspectives au vestiaire masculin, capable d'évoluer sans tomber dans la surenchère.

Corneliani, le récital sartorial

Décidément, les Italiens ont, une fois de plus, une avance considérable sur la France en ce qui concerne l'élégance masculine. Tandis que les créateurs parisiens à la Fashion Week se bornent à expérimenter, à intellectualiser une mode qui n'a pas toujours besoin de l'être, les Italiens vont à l'essentiel...

Corneliani SS17 costume

Les costumes de la Maison tailleur rendent hommage aux savoir-faire sur lesquels elle a bâti sa réputation : tout est absolument superbe.

La justesse des coupes, des volumes, la pertinence du choix de matière et la réalisation irréprochable s'émulsionnent jusqu'à donner au vêtement une allure au comble du raffinement. Pas un pli sur les vestes, des épaules aux courbes et lignes très précises. Non, vraiment, une leçon !

Corneliani SS17 cuir

Les cuirs ne s'en sortent pas plus mal grâce à une qualité somptueuse. Le grain des agneaux plongés est extrêmement fin, ce que l'on voit à l'aspect si soyeux des peaux qui réagissent presque à la manière de tissus, fluides.

Le travail de teinture offre de superbes nuances dans les tons bleus notamment, mises en valeur par des pantalons aux tons clairs et à la texture mât. Le contraste est parfait, subtil, sans artifices.

corneliani SS17 polos

Il y a bien sûr eu un peu de casual qui, là encore, impose l'élégance absolue. Les polos redorent leur blason ces dernières saisons, grâce à un travail sur les matières comme la soie notamment, et par un tissage un peu plus élaboré que le robuste mais simple coton piqué...

À la fois pratique et confortable, le polo mérite à mon sens une place de choix dans notre vestiaire. Le costume sait s'en accommoder à merveille, et on notera une fois de plus le cintrage très opportun grâce à l'ajout d'une ceinture.

"Aller à l'essentiel", disais-je ; cela signifie miser sur les savoir-faire et l'exception du Made in Italy que personne d'autre ne saurait faire. C'est assumer un sens certain du luxe, celui qui "se ressent mais ne se dit pas".

C'est tout simplement parier sur la qualité d'un vêtement noble et précieux, plus que sur une communication fumeuse censée donner une âme à des vêtements produits au rabais mais vendus une fortune - le vulgaire d'aujourd'hui. Et si la véritable révolution c'était de ne faire que du vrai luxe ?

Une fascinante décontraction, par Cerruti

La maison fondée en France il y a maintenant 50 ans réalise finalement ce grand écart entre vision française de la mode et maîtrise raffinée des Italiens.

Cerruti SS17 casual chic

Dans les faits, l'esprit de Cerruti aujourd'hui n'est pas si éloigné de celui insufflé ces derniers temps chez Ferragamo. On retrouve une référence très nette aux fondations de la Maison de tailleur, interprétée de façon plus urbaine.

Plus de volume, des matières légères ou techniques : le vêtement semble bien plus disposé à accompagner le mouvement ainsi conçu, fut-il un costume. Le travail sur les couleurs, sourdes, neutres, presque bâtardes, donne à la collection une certaine ambiguïté loin d'être désagréable.

Cerruti SS17 costume

Plus ça va, plus les vestes formelles se font envahir par une décontraction irrésistible. Les pardessus maintiennent un brin de sévérité tandis que l'imprimé camouflage tire les tenues vers une audace plus tapageuse.

Évidemment, les coupes et la fabrication en général autorisent une "simplicité" apparente mais savamment maîtrisée, ce que l'on apprécie particulièrement.

cerruti SS17 imprimes

Et lorsqu'il ne reste d'habillés que les plis des pantalons, il s'agit de profiter des vestes teddy et mailles sophistiquées.

La parka de cuir interpelle et impose une remarque : tout est portable, vous ne trouvez pas ? Les mains sont rentrées dans les poches afin de les mettre en valeur, les constructions sont robustes, les souliers presque tous pourvus de semelles en caoutchouc : voilà de quoi être vêtu de façon élégante pour la journée !

Le grand atout de Cerruti ? Sa modernité incontestable. La marque parvient à créer un vestiaire sophistiqué, raffiné, tout en quittant avec aisance le style tapis rouge. Cette collection est faite pour être portée le jour et, après tout, c'est bien là une preuve d'intelligence : être élégant au quotidien demeure un défi de taille !

Sportswear & techno-couture : le marqueur mode de la décennie

Impossible de passer à côté : le sportswear est partout, dans toutes les gammes. En version luxe, il fait souvent appel à des méthodes de fabrication innovantes, profitant des nouvelles avancées technologiques en matière de confection.

Lorsque tout cela s'émulsionne, le résultat peut être très concluant, mais aussi très diversifié. À tel point que je vous propose non pas trois mais quatre focus, interprétant chacun à leur manière le sportswear version techno-couture.

Versace en pleine révolution (une fois de plus)

Cela ne fait même pas un an que le dossier sur la Maison Versace a été publié, et le voilà déjà sujet à quelques éditions.

La vitesse et la maturité avec laquelle mute l'une des plus illustres griffes italiennes est impressionnante. Le style super bling, fait d'imprimés baroques, de clous dorés et d'excès s'est complètement dissout dans une surprenante sobriété.

Versace SS17 sobre

À la manière d'une Maison de mode qui se respecte, l'équipe artistique continue son exploration d'un sportswear en quête d'une certaine noblesse, portée par le succès unanime des collections femme allant dans ce sens.

Quelques imprimés sur des parkas à enfiler, plus pour la forme qu'autre chose car cela reste marginal sur l'ensemble du défilé. On notera d'ailleurs une présence massive de noir, la saison estivale lui donnant un sens alternatif particulièrement intéressant.

Mais plus que tout, le travail se porte sur les matières : les tissus techniques présentent une nouvelle venue au sein de leur composition, la soie. Aériens, précieux, les manteaux et impers faits de ces nouvelles étoffes confirment avec assurance que leur rang est à la hauteur de la Medusa cousue sur leur étiquette.

Versace SS17 cuir

De façon aussi sûre que le sang est la vie, le cuir est Versace... Ou l'inverse, on ne sait plus trop.

Consciente qu'elle bouscule avec une vigueur presque inquiétante les codes qui sont les siens, la marque s'enquiert de son devoir de mémoire en rappelant sur son podium le fameux motif diamant. Il est découpé ici dans un long pardessus noir et un perfecto sable, tous deux réalisés à partir d'un cuir d'une perfection absolue.

Puisqu'il est question de peaux précieuses, évoquons aussi l'autre manteau en agneau suédé, d'une simplicité que l'on pensait jusqu'alors antinomique avec le nom de Versace. Mis à part un short cycliste vu à plusieurs reprise, RAS concernant les bas : pantalons et joggings se font, là encore, d'une discrétion absolue, simplement marqués d'une bande smoking sur les côtés.

Versace SS17 elegant

Les tenues sérotinales ?Qui concernent la fin de la journée, la soirée. clôturent magistralement cet exposé digne d'une récession. Les costumes étaient présents, les vestes surtout, et eux sont incontestablement restés les mêmes : cintrés avec épaules et revers (très) larges.

Par contraste, il apparaît clair que la confection de toute la collection délaisse l'esprit tailleur pour aller vers des montages techniques censés faciliter le mouvement dans le vêtement.

Mais revenons à cette nouvelle définition du smoking : une incroyable veste en sergé de soie aérien, un tee-shirt presque plus élégant que la chemise qu'il a éclipsée et, bien sûr, la ceinture smoking en satin et le pantalon qui va avec. Fantastique !

Donc nous y sommes, voilà Versace devenu portable, sobre, pratique même. D'un côté, la cohérence de tout ceci est extrêmement séduisante et laisse augurer un franc succès - commercial en particulier.

De l'autre, eh bien... Je me dis que si la marque - qui clame une volonté sincère de faire rêver et de ne surtout pas refléter la morosité ambiante - venait à renoncer à son audace, elle n'aurait tout simplement plus aucune raison d'être... Mais ainsi va la mode.

Le recyclage technique de Christopher Raeburn

Si la notion de mode responsable se précise peu à peu, Raeburn n'hésite pas à prendre les devants pour proposer sa vision de la mode durable.

Raeburn SS17 matiere technique

Les podiums des années 2006 et 2007 furent particulièrement marqués par la tendance futuriste : cosmonautes, robots et autres extraterrestres envahirent les podiums, jouant sans subtilité sur l'imaginaire de la science-fiction. Passé l'effet de surprise, plus personne ne s'y risquerait, à moins d'avoir de solides arguments.

Raeburn a fait ce pari, imaginant des blousons de cosmonautes bourrés de compartiments zippés, de poches et de liens de serrage. Cela aurait été un peu juste s'il ne s'agissait que de cela... En regardant du côté de la matière, on apprend que ces pièces ont été confectionnées en Nomex, une fibre synthétique très technique connue pour sa résistance au feu et aux intempéries.

Ok, pas sûr que nous ayons besoin tous les jours de traverser un feu ardent, mais l'effort de recycler une telle matière pour en faire du prêt-à-porter est pour le moins intéressant !

Raeburn SS17 futuriste

Petit à petit, les looks deviennent moins racés et tendent vers une mode un peu plus esthétique et moins techno.

D'accord, la parka en molleton enduit et les empiècements en Tyvek® réfléchissant (là encore, récupérés) demeurent peu présents dans notre garde-robe quotidienne, mais sans être incongrus pour autant.

Le travail autour de la construction des silhouettes rectilignes et bardées de figures géométriques renvoie à un autre poncif du style futuriste très bien exploité ici.

Raeburn SS17 logos

Probablement plus portables encore que les autres, les derniers looks partent dans un esprit geek mais toujours cohérent avec le reste de la collection. Les lettres apposées sur les sweats sont conçues pour être détachées et replacées au bon vouloir du client ; l'avenir étant dans la personnalisation du produit selon de nombreux experts.

Enfin, les Remade Recycled Reduced imprimés sur les fameux diagrammes de Venn, revus et corrigés, expriment l'ambition du créateur en matière de sourcing et de conception mode. Les défis qu'il se lance sont vraiment intéressants. De plus en plus impliqué dans une démarche de recyclage de tissus non utilisés, le Britannique part de la matière pour créer le vêtement et non l'inverse.

C'est exactement la démarche vers laquelle devrait plus souvent se tourner l'industrie de la mode si elle voulait adopter une démarche un peu plus vertueuse. Et il est certain qu'au-delà du style, c'est bien dans le sourcing des matières que se crée la mode du futur !

Neil Barrett, une marque à son apogée

Maturité :

"État de l'esprit, d'un talent qui est parvenu à la plénitude de son développement."

Dictionnaire, Larousse.

Barett SS17 geometrique

La saison dernière encensait un style plus géométrique que jamais, porté par une fabrication irréprochable. La clé d'un succès retentissant cette année, de la bouche de Neil Barrett himself : une prouesse dans l'actuelle période de troubles.

Comme les saisons précédentes, le designer trace des lignes partout, créant des imbrications de cuir absolument parfaites, à la précision chirurgicale. Les pantalons ont beau marquer le pli, ils ne trompent personne sur leur ADN sport.

Barrett SS17 marrons

Les figures géométriques deviennent soudain moins prévisibles, jusqu'à tomber dans une asymétrie vraiment superbe. Fidèle à son amour pour les sweats en néoprène, Neil Barrett enchaîne les découpes et les assemblages jusqu'à donner à ses vêtements un aspect architectural très réussi.

La palette de marrons littéralement gourmands (nougat, chocolat...) surprend en cette saison, bien que l'on ne puisse s'en contenter pour un été déjà bien morose.

Barrett SS17 coupe oversize

Mais bien sûr, le créateur a pensé à tout en dessinant des tee-shirts à la fois oversize, dotés de volumes amples mais aux emmanchures et encolures parfaitement calées.

Quelques figures rectilignes s'invitent ça et là, en cohérence avec le reste de la collection, même si le chef d'oeuvre est bien cette chemise marquée de bandes. Son caractère exceptionnel provient de sa coupe : voyez comme les manches tombent à la même hauteur que la taille, redéfinissant complètement les lignes de la chemise et, avec elles, du torse. Un travail discret mais redoutablement efficace.

Maturité, donc, pour cette collection en cohérence avec les précédentes : c'est bien d'une exploration de l'ADN Barrett dont il s'agit.

Alors que les autres Maisons s'arrachent les cheveux pour trouver de nouveaux directeurs artistiques, maintenir des croissances à deux chiffres et garder leur aura auprès de clients lassés, gavés, Barrett semble avoir compris qu'en proposant "simplement" une mode intelligente, honnête ET luxueuse, l'avenir lui appartient.

Juun J, ce label qui a déjà tout d'un très grand

Il est toujours présent dans mes reviews : j'ai une grande admiration pour le créateur Juun J...

JuunJ SS17 militaire

... Même si sa mode n'a rien, absolument rien d'évident pour ce qui en concerne l'usage.

Épargnons-nous la répétition des termes "oversize", "surdimensionnés", "amples" : le style Juun J les induit tous. Les inspirations militaires se font d'abord discrètes, quoique la couleur des sweats parsemés de laçages mettent déjà sur la voie. Puis rapidement, les treillis kakis, noirs ou blancs apparaissent, lacés eux aussi sur les côtés, alliant l'esprit glamour du laçage corset à la dureté du vestiaire militaire.

Notez les mains qui disparaissent, ensevelies sous le tissu, résonnant comme la métaphore presque providentielle de l'impuissance. Mention pour le tee-shirt / chemise, dont la fusion parfaite nous met le doute quant à sa nature : j'ai beaucoup aimé le jusqu’au-boutisme de l'excès visible à travers les poignets gigantesques !

Juunj SS17 bombers

Même présence obsédante de liens et de lacets sur l'immense majorité de la collection, en particulier sur un bomber soyeux porté sur un tee-shirt devenu tunique. Le blouson à capuche en cuir gommé, resserré à la taille, donne une nouvelle perspective à l'exploitation des volumes, faisant référence aux corsets d'autrefois qui venaient presque couper la silhouette en deux.

Enfin, tout le monde aura noté la présence du blouson "bulle", construit de telle sorte que l'air qui s'y engouffre au fil de la marche donne littéralement vie au vêtement.

Juunj SS17 costume

Le tailoring est, comme toujours, aussi au rendez-vous. Si la taille de la première veste semble repousser encore certaines limites, ce sont les vestes rentrées dans les pantalons qui ont attiré mon attention. Certains parleraient d'infamie, mais l'idée de bousculer à ce point quelques codes paraît excellente. Le treillis et le baggy sont doublés d'un pantalon de costume assorti à la veste et peuvent, là encore, se prêter à quelques interprétations...

La démarche, voilà ce que je juge lorsque je découvre une collection Juun J. Je suis à chaque fois stupéfait de la puissance, de la cohérence, de la profondeur du style exprimées ici.

Je suis convaincu qu'il s'agit là d'un précurseur dont l'histoire de la mode se souviendra, au même titre que d'autres avant lui ont pu créer une mode importable, pas pratique, mais exceptionnelle par la démarche artistique entreprise.

Bling et mauvais goût : le nouveau chic ?

Certains aiment se montrer, pour de plus ou moins bonnes raisons. Faire étalage de sa "superficie financière" en arborant des logos synonymes de prix à trois zéros (au moins) n'est pas franchement intéressant - pour ne pas dire carrément ridicule.

En revanche, assumer sa passion des choses bien faites, rares et nobles, qui se remarqueront au milieu d'une relative banalité témoigne d'une démarche plus... intelligente, dirons-nous.

Philip Plein s'enhardit jusqu'à l'insolence

Vous ne connaissez peut-être pas encore ce créateur d'origine allemande, en passe de devenir le roi incontesté du bling. La question est de savoir si vous loupez quelque chose ou non... Et je n'ai pas la réponse.

Philip Plein SS17 vestes

Les bombers et teddys ont tout raflé : ils étaient partout. En cuir noir, ils sont brodés de carreaux au fil orange, bardés de logos et bi-matière. Beaucoup de cuir aussi au niveau des pantalons, ouvragés dans un esprit biker devenu incontournable. Et encore des logos, qu'il s'agisse de blasons ou d'initiales.

Les sneakers à la semelle lumineuse, on en parle ? Non hein, pas la peine...

Dès le départ, Plein rappelle que sa griffe ne s'adresse qu'à ceux qui n'ont pas peur de se montrer, mais surtout qui ne cherchent que ça.

Philip Plein SS17 logo NBA

Ce défilé a le mérite de la constance, la déclinaison vestimentaire des sweats et shorts de basket n'aura jamais été aussi brillante. Cristaux et perles sont cartonnés sur la poitrine pour former le célèbre logo de la NBA, marqué aux initiales de Plein cependant.

Chiffres, signatures et autres sigles envahissent le vêtement d'une façon spectaculaire, et contrastent avec les "sobres" manches matelassées des sweatshirts. On retrouve toujours les mêmes sneakers à languette affublée de la marque en lettres de métal, rien que ça.

Philip Plein SS17 bling

Enfin, Plein parvient à réaliser des vêtements tellement chargés d'or qu'ils se verraient probablement dans le noir. Le smoking / jogging est brodé de motifs baroques et de tags, tandis que les maillots noirs sont ornés d'étoiles d'or, là aussi brodées. Tout un programme, mais qui n'est rien comparé au teddy en python jaune, couleur extrêmement rare et complexe à réaliser sur ce genre de peau.

Cette idée de complexité vient à point nommé car en termes de réalisation, rien dans ce défilé n'est facile ! La fabrication de chaque pièce est irréprochable, et c'est une démonstration magistrale de savoir-faire et de maîtrise. Je pense vraiment que l'on peut parler ici de luxe.

Ce qui pêche grandement, tout le monde l'aura compris, c'est bien sûr l'aspect esthétique. Grossier, vulgaire, cheap : presque tout est à jeter en termes de style. Cela étant, lorsque l'on voit le succès de Balmain et même de la griffe en question ici, on doit se rendre à l'évidence : la mode tape à l'oeil a de l'avenir, commercialement parlant.

Balmain ou le nouveau clinquant à la Qatari

Tombée dans le portefeuille de la famille royale du Qatar ?Qui possède déjà la très belle griffe Valentino, la marque Balmain semble destinée à maintenir son cap super bling, quitte à parfois renier l'héritage de celui qui a bâti cette maison : Pierre Balmain.

Balmain homme SS17 denim

Le nouveau bling semble rimer avec denim. Beaucoup de denim. Trop de denim. Et délavé qui plus est ! Les sahariennes - décidément partout - se portent sur des jeans, qui eux-même peuvent se porter sur des leggins, en denim.

Poches à gogo, ceintures à foison... overdose à l'horizon. Mais voilà, l'exercice a le mérite d'être jusqu’au-boutiste, ce qui devrait probablement être considéré comme une qualité...

Balmain homme SS17 sobre

Du "sobre", il y en eut, un peu. Enfin, disons du sobre par comparaison avec tout le reste. Le sempiternel perfecto est ici confectionné en cuir suédé, lassé sur les manches, puis porté sur un pantalon de la même matière.

Une parka à poches en lin et coton se glisse dans ce show par dessus un tee-shirt ras de cou et un pantalon : cette belle tenue en nuances de vert repose les pupilles. Enfin, au rayon de la "sobriété", il y a aussi ce haut drapé, certes très féminin - c'était un des leitmotiv d'Olivier Rousteing - bien que fort élégant.

balmain homme SS17 bling

Il y eut bien sûr aussi l'explosion de mauvais goût, celle qui ferait passer inaperçue une mauvaise actrice de série après l'échec de son 3ème lifting. Des perles à en perdre la tête, des matières brillantes à souhait mais surtout des couleurs, criardes et trop souvent mal accordées. C'est pourtant la signature d'Olivier Rousteing, celle dont il semble si fier...

En termes de réalisation, cette collection est irréprochable. On notera aussi la très belle cohérence du travail de création et la construction d'une nouvelle identité solide et, en ce sens, respectable. Mais cela n'a pu se faire qu'au prix d'un flagrant déni d'élégance, pourtant chère au fondateur de la marque.

Bien sûr, peu de créateurs se soucient de l'esprit dans lequel a été bâtie la renommée de la marque qui les paye...

Moschino fait - encore - son carnaval

Jeremy Scott est arrivé fin 2013 à la direction artistique de Moschino, reprenant le flambeau d'une maison connue pour son excès de pop art et ses quasi parodies de Chanel. Un concept plus que jamais à l'ordre du jour...

Moschino SS17 imprimes

Smoking bariolés, imprimés léopard ou tigre, broderies de singes et de fleurs improbables : bienvenue dans l'univers Moschino. Tout est fou, rien n'est sérieux.

Il est impossible - et vain - de chercher une cohérence dans tout cela, puisque les potentiels clients prennent l'achat et le fait de porter du Moschino comme un jeu, un amusement. La summa divisio ?Locution latine signifiant 'la division la plus élevée' entre casual et formel vole en éclat, car qui songerait à porter un smoking pareil sauf à se rendre à un bal costumé ?

Moschino SS17 colore

Malgré tout, on remarque que certaines pièces se veulent plus habillées que d'autres : à l'évidence, un costume aussi psychédélique soit-il, demeure un brin plus formel qu'un sweat à logo multicolore... Mais encore une fois, la distinction n'est pas si pertinente.

On notera un bomber bleu presque sobre, ce qui le rend ridicule à l'échelle de la collection... C'est dire.

Moschino SS17 bariole

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il demeure au milieu de ce fatras certaines pièces extrêmement bien réalisées, à l'image de ce costume de dentelle noire. Malgré la fragilité de la matière, les lignes et le cintrage sont incroyablement précis.

Très belle matière première et bel assemblage pour ce perfecto multicolore en cuir clouté, quoique le pull à capuche tricoté et brodé de motifs psyché soit encore plus impressionnant.

Depuis l'arrivée de Jérémy Scott et de ses délires indescriptibles, le chiffre d'affaires de Moschino est reparti à la hausse... et de façon très nette. Il y a donc, de toute évidence, un marché porteur pour le mauvais goût et l'excès de bling.

Certains parlent d'un rempart contre la morosité : pourquoi pas. Il apparaît surtout que les codes vestimentaires, au milieu d'une offre mille fois trop importante de vêtements, ont explosé.

Si on y réfléchit bien, c'est exactement ce qu'il s'est passé dans les années 80 lorsque Gaultier, Versace ou Mugler ont émergé. Le reboot de la mode trouvera-t-il sa source dans le mauvais goût perçu comme refus des codes actuels ?

Les autres temps forts des collections Printemps / Été 2017

Balenciaga : la nouvelle version

Balenciaga homme SS17 costume oversize

Un défilé Balenciaga pour hommes : en soit, déjà une révolution. L'attente particulière concernant cet "événement" concernait cependant davantage l'individu nouvellement arrivé à la direction artistique de la Maison : Demna Gvasalia.

Débarqué de chez VETEMENTS, pâle et ridicule copie de Maison Margiela, le créateur s'est approprié la rigoureuse rigidité du style Balenciaga jusqu'à la caricaturer. De quoi expliquer les placards humains, discutables quoique parfaitement réalisés (et entoilés !).

Balenciaga homme SS17 coupe fittee

Toujours aussi cérébrale, la griffe exprime une mode inspirée du passé, mais extrêmement caractéristique des démarches artistiques actuelles. L'excès de l'oversize carré laisse place à des silhouettes extrêmement fittées, qu'il s'agisse des manteaux, costumes croisés ou gilets sans manches, conçus à la manière de corsets.

Un travail somme toute réussi, reconnaissable comme la nouvelle signature de Balenciaga, quoiqu'il soit encore un peu tôt pour se prononcer de manière aussi affirmative sur ce point.

Etro la magnifique

ETRO SS17 noblesse

La notion de jusqu’au-boutisme ne jouit pas toujours d'une bonne réputation, bien qu'elle puisse s'avérer source de très belles choses.

Etro en était - et en est toujours - l'illustration. Obsédée de matières, de couleurs et d'imprimés racontant des histoires venues des quatre coins du monde, la Maison italienne offre à chaque fois un déballage exaltant de tissus d'une grande noblesse, travaillés avec un respect émouvant.

Chemises, vestes nouées, tee-shirts flottants et pantalons fluides jouent une nouvelle pièce toujours aussi théâtrale, mais surtout toujours aussi belle.

Etro SS17 elegant

L'humble et sincère recherche du beau menée par la famille Etro l'a conduite à se réinventer sans jamais se trahir. Maîtrisant à la perfection le registre sartorial grâce au travail de maîtres tailleurs reconnus, la griffe vient toujours avec humilité bousculer les codes établis en les brodant d'un optimisme rafraîchissant.

Décontracté, mais tellement élégant, l'homme Etro me fascinera toujours par son audace nonchalante, non feinte. Évidemment, le bonheur ne tiendra jamais à l'apparat : croire cela serait faire preuve d'une superficialité critique. Cela étant, lorsque la mode nous fait sourire et nous laisse admiratifs, il est clair qu'elle peut rendre la vie un peu plus belle.

Le style épuré d'Issey Miyake Men

Miyake homme SS17 epure

Vision épurée du style Miyake en ce début de défilé. Les silhouettes blanches sont confectionnées dans des tissus légers, parfois texturés (gauffrés) mais toujours d'apparence extrêmement confortable.

Les chemises ont parfois des cols asymétriques mettant en valeur des jeux de drapé et de texture. Les matières sont au centre de tout.

On retrouve encore des volumes amples - il faut s'y habituer - très cohérents avec l'univers de Miyake : celui d'un explorateur sans âge, toujours exigeant niveau confort.

Issey Miyake homme SS17

L'autre partie du défilé s'est engagée dans un vestiaire globalement plus habillé. Les salopettes ont pris tout le monde de court : non seulement personne ne les attendait, mais plus encore personne ne s'attendait à apprécier le résultat !

Ces deux exemplaires en Néoprène, près du corps pour le coup, fonctionnent à la perfection, fussent-ils portés sous une veste de costume.

En résumé, un très beau défilé pour une Maison en pleine ré-exploration de son style, capable de rester fidèle à ses racines expérimentales.

Précision surnaturelle pour Maison Margiela

Margiela homme SS17 classe

La saison dernière, j'évoquais avec vous l'esprit unique en son genre de la Maison Margiela, incarnation d'une définition stricte du terme "iconoclaste".

L'été prochain amène cette fois avec lui une précision rare pour cette griffe basée à Paris. Non pas que la création ne soit pas maitrisée par ailleurs ! Mais disons que cette fois la netteté clinique des coupes et la précision des lignes tracées au fil de bâti sont plus ostentatoires que jamais. Le résultat est impeccable, irréprochable.

Maison Margiela homme SS17 blanc noir

Mais chassez le naturel, il revient au galop. L'esprit Margiela, celui qui déstructure mieux que personne, est bel et bien là. Rapiécés, les sweatshirts se métamorphosent les uns après les autres selon les coups d'aiguille qu'on aura bien voulu leur donner.

Le plus intéressant parmi ce travail de déconstruction me semble être - de loin - celui effectué à partir des doublures, envisagées ici comme matière première du vêtement avec lequel la veste de costume devient l'accessoire. Un nouvel inversement des rôles non seulement plaisant, mais aussi lisible et cohérent.

Paul & Joe, la marque française bien dans son époque

Paul & Joe SS17 imprimes

Déjà par le passé, j'ai pu apprécier les présentations que la marque organisait juste à côté de la boutique BonneGueule : les matières, la fantaisie, la précision des collections alors présentées en showroom étaient exaltantes.

Ce défilé donne une nouvelle dimension à la marque, une mise en scène évidemment plus vivante. Les shorts courts et les chemises à motifs se portent sans complexe, avec une légèreté tout à fait intéressante. Les détails sont nombreux, à l'image d'une bande smoking apposée sur un jean ou d'empiècements cousus sur une chemise classique, dans un style bohème.

Paul & Joe SS17 sportswear

Les codes du vestiaire formel (pantalons à plis, blazers...) passent à la moulinette de sweats, de tee-shirts et de sneakers pour gagner en décontraction. Mais quel bel exercice de style !

La simplicité apparente du vestiaire Paul & Joe, rehaussée de quelques détails fantaisie, en font selon moi une des références du vestiaire masculin contemporain et portable. Avec des prix inférieurs aux marques hype et une belle fabrication, on se trouve face à une marque dotée d'un bel univers et adaptable au quotidien de chacun !

La nouvelle arnaque du moment : VETEMENTS

VETEMENTS homme SS17

La nouvelle mascarade très tendance du moment nous vient tout droit de la Fashion Week de Paris. Le label dont l'un des créateurs dirige aussi Balenciaga a présenté une démonstration chimiquement pure de tout ce qu'il y a de pire dans la mode. 

Du "moche", il y en a toujours eu, quoique certains aient une véritable démarche derrière : un rejet cohérent et surtout intelligible des canons de la mode et du glamour. Or, la présente griffe me semble se placer dans une transgression vue comme une fin en soi, sans identité. Il y a d'ailleurs plus de 17 collaborations dans cette collection, de Brioni (bien mal barrée aussi) à Reebok : à quoi cela rime-t-il ?

Vetements SS17 defile

Cela explique que l'on retrouve des logos qui n'ont rien à faire là. En fait, on s'y attendait car le dernier défilé montrait déjà des tee-shirts siglés DHL - oui, c'est bien le transporteur. Et vu qu'une bêtise arrive rarement seule, je vous invite à jeter un coup d'oeil aux prix...

On a souvent remarqué qu'en matière de mode, rien ne dissimule mieux la médiocrité que le prix. Comme à chaque fois, il y aura des commentateurs pour crier au génie, alors que non, il n'y a absolument rien à comprendre derrière les discours creux censés intellectualiser ce qui n'a tout simplement pas de sens.

Espérons qu'il restera des individus plus fascinés par un blouson de cuir impeccablement réalisé - l'artisanat vrai - que par des sweats 80% coton / 20% polyester imprimés à 600 euros.

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Voilà pour l’essentiel de ces Fashion Weeks Printemps / Été 2017. N’hésitez pas à nous faire part de vos questions et remarques en commentaire !

 

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