« Comment je me suis ouvert aux inspirations » – Carte blanche à… Benoît
Décembre 2018.
Je suis en Corée du Sud, à Séoul, avec Geoffrey, avec d'autres maisons de mode, en train de découvrir le bouillonnant retail coréen.
Et à l'aéroport, je parle avec un consultant dans le secteur des marques de luxe. Il est très admiratif de certaines maisons, mais moi je ne peux pas m'empêcher de lui rétorquer à chaque fois que ces marques proposent des vêtements "trop chers pour ce que c'est" ou offrent un mauvais rapport qualité/prix.
Et avec beaucoup de bienveillance, il conclut finalement "c'est très surprenant, la dimension intangible d'un produit, c'est vraiment un truc qui te parle pas du tout, et que tu ne veux pas voir".
Flash forward en 2020.
Pendant le confinement, je me mets à rêver de nature et d'aventure en bavant sur les sacs Mystery Ranch ou Triple Aught Design.
Dans un contexte plus urbain, je me mets à rêver de soirées dans un élégant bar à cocktails avec une paire de mocassins Aubercy et l'envie plus que jamais de porter à nouveau intensivement notre blazer gris clair en laine, lin et soie.
Mon esprit s'imagine en vacances au Pays Basque avec mes amis, en train de faire un barbecue (en partie végétarien) en portant une chemise western largement ouverte.
Attendez, une chemise western ? Tiens donc, je réfléchis, et je m'aperçois qu'on n'en a toujours pas dans notre offre.
Je commence à regarder des photos d'icônes masculines, la magie opère, et je deviens de plus en plus fasciné par ce vêtement, entre deux pages de sac à dos tactiques.
Quand la dimension "rêve" s'invite dans mon esprit
Quel rapport entre la chemise et mes souvenirs de Séoul ? Justement, je m'aperçois que je suis tombé en plein dans la dimension intangible d'une pièce, cette dimension rêve, cette capacité à faire tourner l'imaginaire, et s'imaginer dans des lieux et des situations en train de la porter. S'agissant là de la chemise western.
Et plus je vois des photos de personnalités qui la portent, et plus je m'aperçois à quel point je suis devenu plus ouvert sur mes sources d'inspiration.
Avant, il aurait été hors de question de nourrir un imaginaire aussi fort autour d'une pièce. Non non, j'étais seulement concentré et intéressé par les aspects techniques du produit. Et je ne voulais entendre parler de rien d'autre.
Pour autant, je pense que cette période m'a été très utile, car elle m'a poussé à être très méticuleux dans ma manière de décrire le vêtement.
Mais je m'aperçois que je ne laissais pas assez de place à la dimension "rêve" d'un vêtement, alors que c'est quand même une grosse partie de la dimension plaisir. Quand on achète un vêtement, on n'achète pas uniquement un nombre de points de couture au centimètre ou une couleur particulière.
Attention, cela ne veut pas dire que je rejette cet aspect-là du vêtement, bien au contraire. Cela veut dire que ma vision du vêtement s'est enrichie, et que ma vision "technicienne" a été transcendée et incluse dans ma nouvelle vision.
Le rôle des photos d'inspiration
J'accueille bien mieux les inspirations du passé, de voir comment tel chanteur ou tel artiste s'est approprié cette pièce Spoiler : souvent sans faire exprès/attention..
Et quand je vois cette photo de Gainsbourg que j'ai utilisée mon article sur notre western shirt :

(Photo par Jean-Paul Guilloteau/Kipa/Sygma via Getty Images)
Cela ne veut pas dire que je veux refaire cette tenue à la lettre. Ce que je vois en premier, c'est avant tout une énergie, une aura, bref, le fameux côté intangible d'une pièce auquel j'étais si insensible il y a peu.
C'est à ça que me servent les photos d'inspirations : capter l'énergie d'un vêtement, son émanation. Charge à moi ensuite de me la réapproprier et d'y apporter la touche BonneGueule avec le pôle produit.
Et si on a envie de porter exactement le même vêtement d'une icône, que faire ? Eh bien justement, il faut le faire, si ça vous procure plaisir et joie. Cette dimension indescriptible, autant la vivre pleinement, ne serait-ce que pour voir si vous y êtes sensible ou pas.
Les photos d'inspiration, on les trouve évidemment sur Instagram, mais plus les années passent, et plus je préfère les photos de personnes qui ne travaillent pas directement dans la mode masculine, bref, qui ne sont pas dans le registre des influenceurs.
Il y a donc les photos de films — et à ce titre je me régale devant les articles de Jérôme —, les photos de chanteurs, d'acteurs et plus généralement les photos de personnes ayant des professions créatives.
L'étape d'après, c'est de prendre de l'inspiration dans des esthétiques qui n'ont rien à voir avec le vêtement. Je pense notamment à
- Ralph Lauren et son obsession du style cowboy et de l'art amérindien
- Errolson Hugh et son quasi fétichisme du cyberpunk
- D'innombrables marques japonaises et de leur amour du vêtement outdoor vintage
- etc.
Bref, vous voyez que le chemin est juste immense !
Encore une fois il ne s'agit pas de copier à la lettre une tenue, mais plutôt d'être sensible à ce qui s'en dégage. De capter cette touche indescriptible. Et de vous en servir pour vous approprier vos propres vêtements. De prendre conscience qu'il existe mille et une façons de porter tel vêtement (ou accessoire) auxquelles vous n'avez pas pensé.
Je pense que c'est l'étape logique après celle où on se constitue ses basiques, puis celle où on cherche absolument du rapport qualité/prix, avec une approche très rationnelle et "systémique". Et encore une fois, je n'insisterai jamais assez sur l'important de ne pas renier ces approches-là, mais de continuer à les inclure.
Tout ça pour dire qu'après 14 ans à écrire sur le vêtement masculin, plus les années passent, et plus je me rends compte à quel point je connais si peu de choses sur ces curieux objets que nous portons à même la peau, et qui ont de fabuleux pouvoirs sur nous et les autres.
Plus je me rends compte que les dimensions autour du vêtement sont riches et nombreuses. Pour rappel, si vous voulez pousser la réflexion encore plus loin, le format Sapristi de Nicolò est fait pour vous.
Alors Jérôme, ce consultant à Séoul, je tiens à te remercier de m'avoir dit avec gentillesse que je ne comprenais rien à l'intangible d'un vêtement.
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