
Comment ils en parlent : le Perfecto vu par les musiciens – Pochette
Il manquait quelque chose d'essentiel à notre Pochette consacré au blouson Perfecto : la parole des musiciens eux-mêmes. S'ils aiment pour certains toujours parler de leur musique, plus rares sont ceux qui évoquent leur style ou leurs vêtements. Et si on leur posait la question de leur rapport à la mode et... au Perfecto ? Bienvenue dans le vestiaire de celles et ceux qui se prêtent à l'exercice et dont les disques figurent comme leurs illustres aînés dans ma discothèque.
(Crédit photo de couverture : Naïm Amor chez lui à Tucson, USA. 2021 - collection personnelle)
Commençons par la petite histoire : des blousons en cuir, j’en ai eu trois ou quatre, tous dénichés aux puces ou en friperies. Cet article de Nicolò sur les cuirs n'existait pas encore et ce n'était pas des blousons de qualité Falcon Garments, Atelier Bertrand ou même Aero Leather Clothing. Mais ça faisait le job (et le style).
Je les ai gardés longtemps, et ils m'ont bien souvent accompagné dans mes aventures musicales, en particulier quand il s'agissait d'aller interviewer groupes et artistes pour les besoins de mes petits fanzines.
C’étaient des blousons vintage noirs, avec un zip ou plus rarement des boutons, le plus souvent connotés fin seventies début eighties. Leur influence première est à chercher sur les épaules du David Bowie de la période « Heroes ».
Le Perfecto ne m’a en revanche jamais vraiment attiré, du moins jusqu’à ce que je m’intéresse un peu plus au sujet. Ma première expérience avec ce blouson est donc assez récente et comme à mon habitude plutôt vintage : c’est un Perfecto marron Schott made in USA. J’apprécie qu’il ait une histoire (que je ne connais pas).
Quant à la musique, s'il y a encore aujourd'hui des disques un peu partout chez moi, le seul instrument que je possède est un melodica. Tout ce que je peux vous jouer avec, c’est « Love Me Do » des Beatles.
En revanche, j’adore toujours écouter la musique et les histoires des autres : j'ai donc exceptionnellement remis le nez dans mon (petit) carnet d'adresses, repris mon nécessaire de Tintin reporter et voici le résultat.
2. Le Perfecto vu par Gabriel Naïm Amor
Tucson, Arizona. Vous connaissez ? Gabriel Naïm Amor y vit depuis une vingtaine d’années maintenant. Il aime les guitares, le jazz, la chanson française, le rock’n’roll et… les Perfecto.
Proche du groupe américain Calexico, il a joué un temps avec le batteur Thomas Belhom sous le nom Amor Belhom Duo et officie désormais sous son propre nom. De mon côté, j’ai découvert son travail au début des années 2000, sur la scène de l’Ubu à Rennes et j’ai depuis lors gardé un œil et une oreille sur son parcours.
Si les voyages, le soleil du Sud et le style vous manquent, vous en trouverez par exemple un peu ici : un tee-shirt blanc, un pantalon beige avec de très beaux volumes et des mocassins, chapeau et lunettes noires, what else ?
© Gabriel Naim Amor, collection personnelle
Autoportrait avec guitare Gretsch, Gabriel Naim Amor, Février 2021.
« Je ne suis pas la mode et ne l’ai jamais suivie. À l’âge où l’on commence à choisir ses vêtements, la préadolescence, je me précipitais aux puces pour acquérir un Teddy (Letterman Jacket), un 501 Redline, une chemise Bowling, des Creepers, mais aussi des vêtements pas nécessairement rockabilly. Je n’ai jamais été dans une clique, et j’ai toujours écouté une grande variété de musiques.
Le vêtement est un peu une « peau » artificielle, choisie, empruntée pour être appropriée et se fondre à notre personnalité. Le vêtement doit être beau, sa conception doit provenir d’une passion, d’une bonne idée ou d’une réalisation faite avec amour : de qualité en somme. Je déteste les chaussures jetables par exemple. Je porte encore quelques vêtements acquis à la fin des années 80 !!!!
La première fois que j’ai eu un Perfecto, je devais avoir 14 ans. Je l’ai trouvé aux puces, pour je crois $70. Il était bien usé et le gars avait badigeonné la chose avec du cirage noir... Rentré à la maison, ma mère n’était pas du tout contente. Elle voyait son fils ressembler à un loubard puant d’Aubervilliers. Le cirage salissait mes tee-shirts blancs. Je m’en suis séparé. Ce n’est que deux ou trois ans après que j’ai eu mon premier Schott Perfecto neuf encore une fois acheté aux puces.
Vivant aux Etats-Unis depuis 1997, j’ai depuis amassé plusieurs Perfecto. Celui que je porte le plus est un One Star du début des années 70.
Le Perfecto représente évidemment pour moi l’ultime icône rock’n’roll. De Elvis en passant par Marlon Brando et sa reprise par les punks, il est constamment présent. Singulièrement, le Perfecto n’est pas un blouson militaire ou d’une profession particulière. Mais ce n’est pas non plus un vêtement sans fonction. Il a été conçu initialement pour la moto. Cette fonction un peu étroite en fait le vêtement urbain de gars qui font de la moto dans les années 50, le rock’n’roll y est forcément associé.
Pour moi, le Perfecto porte une provocation : il est dur, agressif. Il se porte à même un tee-shirt, une protection au corps quasiment mis à nu. Un contraste entre dureté et fragilité intérieure flagrant dans « L’équipée Sauvage » avec le personnage de Johnny incarné par Marlon Brando. C’est un vêtement « sexy ». »
3. Le Perfecto vu par Dean Wareham (Galaxie 500, Luna)
Difficile de résumer la carrière de l’américain Dean Wareham en quelques mots. Son parcours parle en quelque sorte pour lui : un groupe culte baptisé Galaxie 500 à la fin des années 80 suivi d’un autre, Luna, dans les années 90-2000, des aventures en solo ou en duo, le tout racontant une histoire musicale qui puise une partie de son inspiration dans les disques du Velvet Underground, de Television ou même de Serge Gainsbourg.
C’est un des nombreux héros de mon adolescence, et pour un aperçu récent, vous pouvez jeter un œil sur cette reprise sur canapé du Velvet tout en noir et élégance, ou bien encore cette jolie version d’une chanson de Galaxie 500. Vous noterez que sa chemise à carreaux n’est pas mal non plus. Mais qu’en est-il du Perfecto pour Dean Wareham ?
© Michael Lavine @michaellavine
Dean Wareham au centre, à l'époque de Galaxie 500.
« Je n'ai jamais possédé de Perfecto, mais à l’époque de Galaxie 500, ma copine en avait un (ou peut-être était-ce une copie) et elle me l'a prêté pour une séance photo avec le groupe.
Pour moi ce blouson symbolise le punk-rock et les motos. Je l'associe aux Ramones et à mon frère aîné qui en portait toujours un et qui conduisait également une moto.
Pour ce qui est de ma relation avec la mode : je suis pointilleux sur ce que je porte. Il y a des marques que j'aime, par exemple Paul Smith, APC, Nudie Jeans ou Levi's, même Brooks Brothers et Lacoste peuvent être cools sur certaines pièces (je n'aime pas tout ce qu'ils font).
Depuis quelque temps, je fais davantage attention à ne pas acheter trop de fast-fashion, mais plutôt d'essayer d'acheter des choses qui durent. J'achète aussi des vêtements vintage.
Ma période préférée pour la mode va probablement du début au milieu des années 60 - comme les Rolling Stones, Françoise Hardy, le Velvet Undergound - avant que l'esthétique hippie flower power n’arrive. »
4. Le Perfecto vu par Valérie Leulliot (Autour de Lucie)
Pour les amateurs de chansons, des Smiths, des Pale Fountains et plus généralement de musique pop moderne, le nom d'Autour de Lucie ne sera peut-être pas tout à fait inconnu. Depuis 1994, le projet mené par Valérie Leulliot a connu plusieurs formations et enregistré cinq albums.
Si je suis le groupe depuis ses débuts, je n'ai croisé sa route qu'au début des années 2000, au pied des montagnes et de la ville où j'habitais alors. Rien n'indiquait qu'on parlerait un jour de vêtements, preuve que la vie est toujours pleine de surprises. Pour un bref aperçu de style, vous pouvez jeter un œil sur cet extrait live un rien obsédant.
© Matthieu Dortomb
Sébastien Lafargue & Valérie Leulliot, Autour de Lucie.
Aujourd'hui accompagnée de Sébastien Lafargue, Valérie revient ici sur son rapport au Perfecto :
« Mon rapport à la mode ? Essentiel ! L’habit FAIT le moine faut-il le répéter encore et encore ? J’ai travaillé un peu dans la mode à un moment pour un magazine, je reste férue de mode mais de loin. Je suis consternée par le manque de looks dans la rue aujourd’hui. Londres me manque pour ça. Mes yeux s’ennuient de voir des doudounes Uniqlo et des Stan Smith à tous les coins de rue.
J’adore regarder les gens passer et admirer les prises de risques, les délires de chacun. Les époques, les références dans une tenue. Le panache et l’attitude manquent férocement en ce moment. La première fois avec un Perfecto c’était avec une pièce de chez Agnès b. Que je garde précieusement, un genre de blouson en cuir noir souple avec des boutons de chaque côté je crois que je l’ai porté tous les jours pendant trois ans... avec tout.
C’est plus tard que j’ai porté LE « Perfecto » ambiance motard sur les épaules. Il fallait bien ça pour aller avec ma mobylette de l’époque !!! Sur la photo, je le porte avec un top en dentelle et des colliers. J’aime bien « décadrer » les évidences.
Le Perfecto est tellement fort qu’il supporte un peu de douceur. Le Perfecto, c’est du brutal ! Tu ne peux pas le mettre en toutes les mains. Le Perfecto selon moi est un « révélateur de vécu ». Quand je vois des pubs avec des mômes en Perfecto... ça me déprime. Le Perfecto c’est l’insoumission, la liberté, la provoc’, un « bras d’honneur » élégant...
J’aime bien cette photo de Kate Moss avec un Perfecto trop grand sur les épaules, la clope au bec. J’aime tout ce qui est vintage, que je mixe avec d’autres pièces... le cinéma de Jim Jarmush, Hedi Slimane, les années 20, les années 80 et le stylisme des femmes dans les films de Claude Sautet. »
5. Le Perfecto vu par Amaury Cambuzat (Ulan Bator, Faust)
De l'autre côté du rock français, pour les amateurs de Sonic Youth, Swans, Faust ou Can : Ulan Bator, un groupe formé en 1993 par Olivier Manchion, Franck Lantignac et Amaury Cambuzat. Leur musique est exigeante et pourtant c'est un coup de foudre immédiat, qui m'ouvre la voie à bien d'autres formes de musique, tout à la fois bruitistes et atmosphériques.
Le groupe a connu différentes incarnations depuis ses débuts et la formation que je rencontre là aussi à Rennes au début des années 2000 a déjà un pied en Italie. C'est là que réside depuis quelques années maintenant Amaury Cambuzat. Pour la musique et quelques touches de style, vous pouvez par exemple jeter un œil ici, Quant au Perfecto, figurez-vous qu'Amaury a lui aussi son histoire avec ce blouson.
© Amaury Cambuzat
Amaury Cambuzat, photomaton circa 1987.
« J'ai toujours aimé l'idée d'avoir mon propre style. Cela ne signifie pas forcément suivre une mode en particulier mais plutôt des personnages auxquels je me suis affectionné. Des artistes, des musiciens, des acteurs ou bien simplement une pochette de disque…
L’habit ne fait pas le moine mais il reflète bien une attitude, il est donc important de ne point le négliger. On peut être objectivement mal habillé mais se sentir bien dans son propre outfit est primordial.
Enfant, j’adorais me déguiser. Mardi Gras était pour moi une bonne occasion pour me travestir sans être montré du doigt.
Vers 11 ans je passais beaucoup de temps à regarder les clips musicaux à la TV et j’étais fasciné par les costumes de David Bowie, le look de Klaus Nomi, Alex dans « Orange Mécanique », Adam Ant en Corsaire... Il y a pour moi un lien bien étroit entre la mode et le déguisement. Les modes venant (toujours ?) d’un anticonformisme vestimentaire de certains visionnaires.
Mon premier Perfecto ? J’étais au lycée, en seconde je crois, à la fin des années 80. Je n’avais pas les sous pour m’acheter un Perfecto original. Je me suis contenté d’une copie de très bonne qualité (en peau de vache ?) achetée alors au marché aux puces de la Porte de Clignancourt à Paris. Mis à part l’étiquette, il avait apparemment tout d’un vrai !
En dessous, je portais une paire de jeans que j’avais soigneusement délavée dans une bassine avec de l’eau et de l’ammoniaque, une ceinture à double trou en cuir et... en avant jeunesse !
Le Perfecto pour moi représente une sorte d’armure. Adolescent, j’avais les traits du visage assez fins et portais les cheveux longs. On me prenait souvent pour une fille et je devais donc « endurcir » mon look afin d’éviter que l’on m’appelle trop souvent "Mademoiselle".
J’avais déjà mon groupe de musique à l’époque, je jouais du post-punk. J’écoutais les Cure, les Ramones, cela était une bonne excuse supplémentaire pour m’en procurer un. Il fallait « oser » pour le porter car tu devais être capable de te défendre si quelqu’un dans la rue voulait essayer de te le piquer !
Mes modèles pour cette pièce ? James Dean dans « Rebel Without A Cause », Marlon Brando dans « The Wild Ones » … Les Ramones. Pour moi il y a un lien très étroit entre la fragilité masculine et le port du Perfecto. Il reste, je crois, le fort symbole d’une faiblesse bien assumée. »
6. Le Perfecto vu par David John Sheppard
Il y a aussi ceux pour qui le Perfecto n’évoque rien de particulier, mais qui ont une bonne histoire et un autre type de blouson à raconter.
C’est le cas de David John Sheppard, un musicien anglais à la culture musicale abyssale et aux multiples aventures discographiquesState River Widening, Snow Palms. On pourrait dire que le rythme chez lui, c’est la vie. Et on peut souligner également qu'il apprécie les bandanas et les chapeaux.
Pour découvrir un peu de sa musique, ses clins d’œil à Steve Reich et apprécier son chapeau dans la foulée, c’est par ici. Pour les plus curieux, vous pouvez également lire sa passionnante biographie de Brian Eno intitulée « On Some Faraway Beach ». Brian Eno, Roxy Music, Bryan Ferry.
En attendant, pas de Perfecto pour David mais un blouson d’esprit Filson et peut-être pourquoi pas l’amorce d’une prochaine série autour de la musique.
© David John Sheppard, collection personnelle
« Je ne savais pas que ce blouson en cuir s’appelait Perfecto. Je n’en ai jamais eu. En revanche, je peux te raconter une autre histoire. J'ai possédé une fois une veste zippée de style bûcheron achetée dans un magasin de seconde main à Toronto, au Canada. Elle avait un coloris de style Maple Leaf Tartan et elle m’allait parfaitement.
J'étais en tournée nord-américaine à l'époque avec un groupe britannique (c'était au début des années 90) et nous venions de nous faire voler notre van de tournée à Los Angeles, alors que le van était garé devant la maison de disques RCA Records sur Sunset Boulevard.
Tout ce qui me restait, c'était les vêtements que je portais ! Nous avons dû louer des guitares et nous habiller nous-mêmes grâce aux friperies d'Amérique ! Ce n'est que lorsque nous sommes arrivés au Canada que j'ai trouvé le vêtement parfait.
Dès que je l'ai mise, j'ai su que c'était une veste pour moi - elle aurait pu être faite sur mesure. Je pense qu’elle devait coûter 20 dollars. Je l'ai portée sur scène tous les soirs, quand bien même on était en plein été et qu'il faisait extrêmement chaud ! La veste était confortable, presque une seconde peau (et je suppose que le motif tartan avait un côté british familier… Nous avions le mal du pays après avoir tout perdu à LA !).
À l’époque, j'adorais le groupe Television, leur look autant que leurs disques. Je vois très bien Richard Lloyd porter cette veste. Le style issu des friperies du groupe Television a certainement eu un impact sur mes choix vestimentaires – et peut-être même encore aujourd’hui ! »
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