Carnet de voyage : impressions du Japon – Episode 2
Jeudi 17 et vendredi 18 octobre - Jour 2 et 3
Meiji Jingū
Après mon arrivée racontée ici, j'entame mon deuxième jour au Japon. Les cernes sont toujours là. Plus noires que jamais.
Nous arrivons à Meiji Jingū, sanctuaire shintoïste énorme situé dans Tokyo, au milieu d’une vaste forêt tranquille.
En arrivant sur le site, une gigantesque porte fait grande impression. Et derrière elle, la perspective est longue et encadrée par d’immenses arbres tortueux sur un tapis de fougères.
Après la porte, en avançant sur le long chemin menant au sanctuaire et bordé par cette forêt dense, j’ai l’impression de me trouver au beau milieu d’un programme audio de méditation. Le bruit des oiseaux, celui des feuilles qui bruissent au vent léger, nos pas croustillant sur les graviers.
Et nous arrivons au sanctuaire.

Jason contemplant l'infinité de possibilités de prises de vues.
Alors que j’attends assis sur la valise à l’extérieur du sanctuaire, Luke à mes côtés assis sur le sol à regarder ce qu’il a filmé avec Boras, un homme au loin nous hèle : “Gentleman please, stand up ! No sitting here.”
En une seconde, on était debout.
En deux secondes un agent de sécurité du site nous demandait de partir.
On a remballé nos affaires et avons déguerpi. Il faut savoir être dociles, nous sommes des invités ici.

« Borasifié »
Nous avons passé le reste de la journée à photographier Boras dans les rues de Tokyo, avec une pause gyozas au milieu. De bons gyozas d’ailleurs, chez Chao Bamboo dans le quartier de Shibuya. C’est pas difficile, c’est à côté du magasin Snow Peak.
En passant devant Snow Peak d’ailleurs, on ne résiste pas à l’envie d’entrer avec Jason. Malgré le côté équipement de camping, on trouve ici des fringues à la facture ahurissante, de la justesse dans la coupe et le choix des matières.
Des pantalons amples, coupés courts mais épais avec de la texture. Des noragi bien sûr, fluides et belles en denim fin. Et, en sortant de là, je vois un grand gars européen qui porte un collier vaguement familier en argent, un gilet à la Engineered Garments, un denim délavé dont on voit tout de suite qu’il ne s’agit pas d’un H&M et des boots Visvim reconnaissables entre mille.
Je plaisante avec Jason : “C’est un disciple de Borasification ça ! Faut absolument arranger une rencontre.”
Peu après, Boras nous retrouve accompagné de Luke et, alors qu’on organise ce que l’on va faire ensuite, ce grand gars d’Europe tape sur l’épaule de Boras, ils se reconnaissent et se serrent la main.
On se regarde avec Jason et se marre discrètement.
C’est en effet une connaissance borasifiée de Boras, qui vit au Japon. C’est une coïncidence inouïe, comme la vie en fait de temps en temps.
C’est le moment que l’on choisit pour manger nos gyozas vapeur et grillés et que, le ventre plein, on peut attaquer de plus belle cette journée au Japon.
Papa ? C'est toi ?
L’après-midi se passe sans encombre et on fait ce qu’on a à faire. Satisfaits, on rentre à l’appartement.
Et c’est là que, au détour d’un carrefour, je fais un arrêt cardiaque. Un arrêt cardiaque métaphorique heureusement. J’ai que trente ans faut pas pousser.
Mais un arrêt cardiaque quand même.
De dos, devant moi, riant avec deux amis, il est là. Je sais que c’est lui. Je ne l’ai jamais vu de dos et pourtant, je sais : c’est Shuhei Nishiguchi (dont j’ai parlé dans mon dernier épisode de Panache et souvent dans des articles).
Je me liquéfie, façon groupie. Je ne sais pas bien pourquoi. Une grande flaque de moi sur ce trottoir nippon.
Il porte une veste croisée bleu marine à boutons dorés. Oui, un blazer. Avec un t-shirt sombre, un jean et des mocassins à pampilles.
Je baragouine un truc à peine audible pour Jason, Luke et Boras. Ils comprennent vaguement que quelque chose se passe.
L’appareil photo contre la jambe, je vise et j’appuie pile quand il se retourne. Ça donne ça :
Échec cuisant de la mise au point. Eh oui, je suis en mode manuel et si tu ne fais pas le point, il ne va pas se passer grand-chose.
C’est flou dans mon esprit aussi, ça tombe bien.
Lui et ses potes plaisantent à propos de je-ne-sais-quoi. Et dans ce bordel de rire et de confusion, on les dépasse. Je me retourne parce que j’en crois pas mes yeux de ce qu’il se passe et on échange un regard un instant.
C’est con.
Je sais que c’est con.
Et je ne suis pas du genre groupie généralement, mais c’était tellement inattendu, tellement à l’autre bout du monde et en même temps pile avec mon monde de tous les jours.
Je finis par articuler aux autres ce qu’il vient de se passer et Jason me dit : “mais si j’avais su, je t’aurais pris en photo avec lui.”
Bah oui bien sûr, c’est sûrement ce que j’aurais fait si j’avais pas passé tout mon temps à me liquéfier.
Mais je ne pouvais pas, je n'avais plus de langue à ce moment-là pour parler, ni de jambes pour le rattraper, ni de main pour la lui tendre.
Pas grave. C’était un moment comme on en a rarement et, même si j’aurais pu faire en sorte qu’il se passe différemment, il s’est passé et c’est déjà pas mal.
Après ça, on reprend le chemin de l’appartement, et on sent se propager dans nos rangs un feu, une envie de se confronter à la ville, de prendre part à la fête et ajouter nos vibrations à leurs vibrations : d’aller voir ce qu’il se passe la nuit, dans la rue et les boutiques.
Une douche et on ressort. Non, pas le temps, on dépose les affaires et on ressort directement.
Bon, je ne vais pas mentir, on en a pris plein les yeux.
Quelques visite de boutiques
Arrêt 1 : Desolation Row
Vêtements neufs mais apparence de friperie. Hors de prix, mais on sent déjà une qualité hors du commun. Je ne sortirai pas ma carte bancaire sur ce coup-là mais on est dans le bain. Et je vois déjà d’ici que le virement de mon livret A vers mon compte commun, c’est pour bientôt.
Arrêt 2 : Beams
On a beau être au Japon, regarder des vêtements made in Japan, ce n’est pas donné. Mais tout ce que je vois chez Beams+ résonne en moi comme une vieille chanson chérie. Du style Ivy partout : un mur de pulls en laine Shetland, des vestes sport en patchwork, du tartan, des chemises en corduroy, des mocassins, des bucks, des manteaux chesterfield à manches raglan.

C'est flou tellement je tremble...
J’ai pas assez d’yeux pour tout voir. Ça m’étourdit. Je tourne la tête plus vite que c’est physiquement possible et je commence à voir des étoiles. Le vendeur avec son béret me fait un large sourire. Je dois avoir l’air d’un type qui sort d’un bar après une cuite monumentale.
Boras me dit : “viens voir ces chemises”. Je viens voir ces chemises. C’est pile ce que j’aime. J’essaie. Ça dure pas longtemps. Je suis au comptoir avec ma carte bancaire.
Et ça donne ça :
Je dois dire ici que le service client a été exceptionnel. Et je pèse mes mots. On n’est que très rarement traité comme ça dans une boutique.
Tout d’abord, à l’entrée dans la boutique, tous les vendeurs nous saluent. Simple, mais ils nous montrent que nous sommes les bienvenus.
Ils me laissent tranquille alors que j’arpente les rangs et restent à portée de voix sans être oppressants. Quand j’ai sélectionné ma chemise et cherche du regard les cabines, l’un d’eux attire l’attention du vendeur le plus proche de moi et celui-ci avec douceur et fermeté me dirige vers la cabine que je n’avais pas vue, m’installe et tire le rideau. Lorsque je ressors, il est là mais garde ses distances pour ne pas me mettre de pression inutile. On discute avec Boras de la taille qui me convient le mieux et on tombe d’accord.
Suit un petit moment de silence pendant lequel je jette un dernier regard à la chemise pour être sûr de mon choix et ce n’est que là qu’il intervient dans un anglais impeccable :
“Cette chemise vous va bien et je pense que c’est la bonne taille pour vous.”
Point.
Deux minutes après, je tendais ma carte au responsable de la boutique.
Au comptoir tout se passe de manière fluide et, quand on ressort sous les “arigatō gozaimasu” qui tombent sur nous comme une pluie tiède et agréable, je me dis que c’est un service exceptionnel. Et c’est bien parce que ce type de service est trop rare en France, qu’on ne me voit que rarement dans les magasins de Paris.
On poursuit notre route à la découverte des boutiques de Tokyo et c’est hallucinant comme on trouve de nombreux mecs plus stylés les uns que les autres.
J’ai acheté une chemise mais ce que je cherche est autre : mon premier denim sérieux. Je veux dire, j’avais acheté un A.P.C. il y a des années et sa patine est belle comme il faut, mais la coupe me correspond moins : trop ajustée, à la taille trop basse.
Je suis à la recherche d’un jean à taille moyenne, qui tombe droit et avec suffisamment d’ampleur. Comme la coupe d’un Levi's 501 original.
Il y a bien la 105 de chez Orslow mais c’est la réponse évidente et je veux chercher plus loin.
Arrêt 3 : Full Count
C’est chez Full Count que je trouve ce que je recherche, dans le quartier d’Harajuku. J'étais passé devant la marque rapidement dans le jour précédent, mais n'avais pas eu le temps de m'arrêter. Cette fois, on a le temps et Boras m'encourage.
La tape dans le dos dont vous avez besoin quand vous sautez à l'élastique.
J'entre et quand j'ai le jean dans les mains, j'adore tout de suite le denim. Ok. J'essaie.
La première coupe essayée est très large. Trop large. Vraiment une coupe à la japonaise Parfait dans ce contexte tokyoïte. Mais plus difficile pour Paris. Mais je suis quand même assez emballé par cette coupe.
J'en essaie un autre. C'est moins large.
Bam. Pile la coupe que je cherche. Après une seconde de réflexion, je sais que c'est celui-ci, le jean que j'attendais, celui qui va me permettre de faire des tenues terribles avec. J'ai déjà un denim brut à la maison, mais malgré sa belle toile (c'est un Renhsen), il est trop ajusté pour moi.
13,75oz one wash, hairy juste ce qu'il faut. De près, les reflets indigo ne demandent qu'à sortir et j'ai dans la tête des délavages bien cools vus sur Heddels.com.
Le voilà chez Okayama Denim, enfin ce n'est pas exactement le même, mais de peu.
Des rivets cachés.
Liseré selvedge rose pâle discret.
Poches arrières sans arcuate pour plus de discrétion.
Une étiquette de puriste.
Double-chain stitch en veux-tu en voilà.
Et puis cette toile !
Et puis cette coupe !
Voilà, je finis là-dessus pour ces premières impressions du Japon.
Heureusement que le billet retour est payé sinon, avec toutes ces dingueries que l'on trouve un peu partout, je serais obligé de rester jusqu'à la paie de fin de mois.
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